M. Nadir

Les faits remontent à l’aube du 19 octobre 2016 quand des éléments de l’ANP interpellent B. Othmane qui surveillait une quantité de kif dissimulée sous un pont près de Béni-Ounif, wilaya de Béchar, à une trentaine de kilomètres de la frontière avec le Maroc. Le suspect se mettra immédiatement aux aveux et informera les militaires qu’il surveille le kif pendant que ses complices se chargent de le transporter par petites quantités dans une usine de travaux publics.
La quantité est, en effet, importante et la voiture utilisée pour le transport est une Hyundai Atos aux modestes capacités de convoyage. Les militaires mettent en place un guet-apens et parviennent à immobiliser la petite voiture dont le chauffeur a tenté de forcer le barrage. Au total, quatre personnes seront arrêtées et 505 kilogrammes de résine de cannabis saisis.
Interrogés, les suspects reconnaîtront les faits. S. Abdelmalek, d’abord, qui avoue avoir été à l’origine de l’opération. L’homme de 46 ans raconte avoir rencontré en prison un certain Abdellah qui lui a donné le numéro de téléphone d’un narcotrafiquant marocain avec lequel il était possible de faire affaire. Quatre mois après avoir pris attache avec l’inconnu marocain, Abdelmalek est informé qu’une cargaison lui serait envoyée et qu’il devrait la remettre à un dénommé El Hadj, à Béchar. Pour mener à bien cette tâche, Abdelmalek recrute autour de lui trois personnes, dont son propre cousin, et loue une Atos, n’imaginant pas, dit-il, qu’il allait recevoir cinq quintaux de kif.

Après avoir fait trois voyages avec la petite voiture sud-coréenne, la petite bande tombe entre les mains de l’armée.
A la barre, Abdelmalek et ses complices B. Othmane (34 ans), D. Mourad (27 ans) et H. Benali (33 ans) admettent leurs torts et expliquent avoir cédé à la tentation en raison de leurs conditions sociales difficiles.
Dans son réquisitoire, la représentante du ministère public insiste sur la gravité des faits qui portent sur pas moins de cinq quintaux de kif et affirme que les quatre mis en cause ont agi en bande organisée. Pour elle, ils méritent, donc, la réclusion à perpétuité comme le prévoit l’article 17 de la loi 04-18 relative à la prévention et à la répression de l’usage et du trafic illicites de produits stupéfiants.
Dans leurs plaidoiries, les avocats de la défense rejettent les accusations d’importation, possession, stockage et mise en vente pour ne reconnaître que le transport. Déplorant que le ministère public ait requis la perpétuité sans exposer les preuves à charge soutenant les accusations, les avocats ont affirmé que leurs accusés ont été appréhendés alors qu’ils convoyaient la drogue : «Ils ne sont coupables ni d’importation, ni de possession, ni de stockage ou de mise en vente selon ce que la législateur a prévu.
Ils sont uniquement coupables de transport et le verdict devrait être proportionnel à cette seule accusation», plaideront-ils en substance en insistant sur le fait que la «bande organisée» ne s’applique pas sur les accusés puisqu’il n’y a pas eu organisation, entente ou logistique : «Ils ignoraient jusqu’à la quantité envoyée, c’est pour cela qu’ils avaient loué une Atos». Pour les avocats de la défense, la portée conférée par le législateur à l’accusation de «bande organisée» s’applique aux réseaux bien plus importants que les groupes de petits trafiquants qui passent tous les jours par le box des accusés.
Au final, le tribunal criminel se rendra à une partie des arguments de la défense et acquittera les accusés des chefs d’accusation d’importation et de mise en vente en bande organisée. Il retiendra la détention le stockage et le transport pour infliger la peine de 12 ans de réclusion criminelle.