L’Algérie est dans de beaux draps. L’attaque d’In Amenas l’a affaiblie et l’a fragilisée. Le silence pesant des autorités du pays est symptomatique d’un grave flottement à la tête de l’Etat. On ne sait plus depuis quelques jours qui dirige le pays ?
Il semble que l’Algérie est soumise à de très fortes pressions pour abandonner sa souveraineté en matière de sécurité à d’autres Etats, comme les Etats-Unis notamment.
En voulant à tout prix sauver le système, les décideurs algériens ont mis l’Algérie en danger dans sa souveraineté et dans sa sécurité.
L’attaque de la plate-forme gazière de British Petroleum, à In Amenas, n’est en vérité que le révélateur d’une situation beaucoup plus grave et encore plus préoccupante ; elle n’a pas encore dit tous ses secrets et n’a pas produit également tous ses effets, aussi bien sur le plan de la politique intérieure, notamment dans les domaines sécuritaire et économique, que sur celui de la politique régionale.
Sans doute planifiée depuis longtemps – les «Signataires par le sang» de Mokhtar Belmokhtar, créés à la fin de 2012, devaient absolument frapper un grand coup pour s’imposer aux autres groupes armés opérant au Sahel et marquer l’opinion publique internationale. De ce point de vue, non seulement l’objectif principal de l’opération d’In Amenas a été atteint malgré les pertes subies (trois leaders tués), mais a considérablement affaibli l’Algérie qui fait face à une série d’interrogations et de critiques sur sa gestion de cette affaire, jugée catastrophique.
Le silence délibéré ou non des autorités algériennes épaissit encore davantage l’atmosphère déjà lourde, au point où des analystes nationaux, connaissant parfaitement les us et coutumes du système algérien, parlent volontiers de «coup d’Etat» pour expliquer ce curieux mutisme, laissant penser, en effet, qu’il n’y a pas ou plus de pilote aux commandes.
Quatre jours après que l’assaut a été donné, le monde entier, en particulier les Etats qui n’ont toujours pas de nouvelles de plusieurs de leurs ressortissants, attend que des informations et des explications soient apportées. Ne sachant pas ce qui leur est arrivé faute de communication, le ministre en charge de ce département s’étant montré incapable de délivrer un message cohérent, ce dossier qui relève de la sécurité nationale le dépassant très largement, les Etats concernés se montrent de plus en plus impatients et de plus en plus furieux d’avoir été tenus à l’écart des opérations. Si la France justifie l’assaut et reconnaît à l’Algérie le droit souverain de gérer seule cette affaire, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis et le Japon lui reprochent, en revanche, de ne les avoir pas informés d’avance de sa décision d’intervenir contre les preneurs d’otages, et, surtout, d’avoir refusé l’aide qu’ils lui proposaient.
Léon Panetta, le secrétaire américain à la Défense, ne pouvait être plus clair en annonçant, dans un entretien avec la BBC, en guise d’avertissement à l’Algérie, que son pays prendra «toutes les mesures nécessaires pour se protéger contre Aqmi» et se pose, alors, la question de savoir si celles-ci impliquent «d’assister les autres avec des opérations militaires» ou de «mener des opérations en coopération là-bas». «Ces sujets doivent être tranchés», a-t-il dit. Le but des Américains, a-t-il encore dit, est de s’assurer «que quel que soit l’endroit où Al Qaïda essaierait de se cacher», les Etats-Unis «l’empêcheront d’établir une base et de mener des actions terroristes», ajoutant que son pays était «préoccupé par Aqmi, ce groupe affilié à Al-Qaïda, qui se trouve dans cette partie de l’Afrique».
Si la menace vise Aqmi, elle pointe également le pouvoir algérien appelé à renoncer à sa souveraineté en matière de sécurité, ne concernant plus uniquement les Algériens qui se sont montrés incapables de prévenir une action d’une aussi grande envergure que celle d’In Amenas, mais le monde entier. Que va faire Alger déjà sonné devant tant de pressions ? Il est fort probable – qu’un changement se soit, dès à présent, opéré ou non au plus haut niveau de l’Etat – que l’armée algérienne s’engage au Nord-Mali, et ce, à l’issue de l’assaut qui n’est toujours pas achevé au moment où nous écrivons.
Brahim Younessi