Très grave défaillance dans leur prise en charge,28.000 cancéreux crient pitié!

Très grave défaillance dans leur prise en charge,28.000 cancéreux crient pitié!
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«Sur 44.000 nouveaux cas de cancéreux enregistrés chaque année, 28.000 nécessitent la radiothérapie»

Cette situation calamiteuse n’honore pas un pays aussi riche que l’Algérie qui «dort» sur des centaines de milliards de dollars.



L’abandon des cancéreux à leur triste sort est un véritable scandale qui ne dit pas son nom. Un véritable crime de non-assistance aux cancéreux qui meurent après avoir attendu un rendez-vous de radiothérapie ou d’un médicament qui n’arrive jamais. «Sur 44.000 nouveaux cas de cancéreux enregistrés chaque année, 28.000 nécessitent la radiothérapie. Or les capacités du pays en la matière ne dépassent pas la prise en charge de 8000 cas», a affirmé hier, à travers les ondes de la Radio nationale, le professeur Kamel Bouzid, docteur en oncologie.

Un simple petit calcul arithmétique démontre que pas moins de 20.000 cancéreux ou malades chroniques ne peuvent être pris en charge localement. «Cette situation de démission des autorités dure depuis près de 20 ans soit depuis 1994, année qui a vu l’interdiction de la prise en charge des cancéreux à l’étranger», a noté l’invité de la radio. Les chiffres avancés par ce médecin spécialiste en se basant sur des données officielles avec une marge d’erreur de 1%, sont effarants. «Il sont de l’ordre de 110 nouveaux cas pour 100.000 habitants et par an», ce qui lui fait dire que «le cancer relève inéluctablement d’un problème de santé publique et la radiothérapie, un des soins thérapeutiques du cancéreux, n’est pas accessible aux Algériens», a-t-il déploré. Comment en est-on arrivé là? Cela fait 15 ans que ce problème est soulevé par les spécialistes. Cependant, la situation s’est aggravée. Le professeur Bouzid du Cpmc de l’hôpital Mutapaha-Pacha parle de situation «calamiteuse».

LG Algérie

«Cette situation nous l’avons dénoncée continuellement en tant que médecins spécialistes du cancer. Elle est due essentiellement aux équipements qui font défaut. Non seulement il faut des appareils, mais aussi, des femmes et des hommes pour les faire fonctionner et les maintenir», dira-t-il. La solution proposée par les pouvoirs publics est à long terme. Or, le cancer n’attend pas et les besoins des malades sont immédiats. Quand le problème a été soumis à la tutelle, les autorités ont engagé un plan anticancer qui consiste en l’acquisition de 57 accélérateurs et la construction de centres thérapeutiques en cours. Autrement dit, le plan ne sera complet et fonctionnel qu’en 2014.

Or, souligne-t-il «entre-temps il y a des milliers de patients qui n’auront pas leur traitement de radiothérapie dans les délais raisonnables». «Le service de radiothérapie est dans un état calamiteux depuis plusieurs mois pour ne pas dire plusieurs années. Je confirme que même si le Centre Pierre et Marie Curie, n’est pas à l’arrêt, en raison des problèmes liés à la maintenance, les rendez-vous de radiothérapie sont fixés à juin 2012 pour des malades qui se présentent maintenant», fait-il savoir. Dès lors, poursuit-il, «les malades ne subissent leur traitement que dans des délais inacceptables d’un point de vue médical ou cancérologique. A la limite, on se demande si un traitement fait 8 mois après la chirurgie ou un traitement médical est réellement indiqué».

Un état lamentable

La situation est telle que «le centre se trouve dans état lamentable. Le drame est que les délais de traitement sont totalement inacceptables d’un point de vue médical». Idem pour les centrages des patients qui «sont arrêtés parce que les deux simulateurs existants sont en maintenance». Le problème fondamental auquel font face les cancéreux reste celui des délais improbables et inconcevables d’accès aux traitements. L’autre drame est que «cette situation concerne aussi bien le Centre Pierre et Marie Curie que tous les centres de radiothérapie sur l’ensemble du territoire national, exception faite de celui de Blida qui ne peut pas prendre en charge tous les patients», a-t-il regretté.

De ce problème, il ressort que l’accès aux soins n’est pas le moins inégal possible mais plutôt de la poudre aux yeux. «80% des cancéreux qui ne se présentent pas aux rendez-vous qui peuvent aller jusqu’à à 6 et 8 mois, sont tous simplement décédés pour absence de prise en charge», révèle-t-il. Une triste réalité. Devant ce constat accablant, les médecins en radiothérapie n’ont que leurs yeux pour pleurer. Et ils «le font quotidiennement», selon l’invité de la radio. «Quand on les appelle en fin de mois sur le numéro indiqué, on apprend qu’ils ont désormais rendu l’âme après l’attente d’un traitement qui n’est jamais arrivé.» «Donner un rendez-vous en fin octobre 2011 pour un cancer du rectum ou du col de l’utérus qui inflige des douleurs atroces, à juin 2012, c’est de la pure fumisterie», s’indigne-t-il. Pour ce médecin, «il valait peut-être mieux leur dire qu’on ne peut pas vous traiter faute de moyens».

Mais comment remédier à cette catastrophe? Cela «incombe ainsi au ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière et surtout au ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale dont la responsabilité est totalement engagée dans la prise en charge des malades chroniques y compris les cancéreux», indique-t-il. Cependant, le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale que nous avons à maintes reprises interpellé, s’est dérobé en disant que «cela ne me concerne pas». «On n’a pas cessé d’alerter qui de droit depuis 10 ans quand on a constaté l’apparition de ce problème. Mais on nous répond que les malades sont pris en charge ici», explique-t-il.

Les associations demandent une prise en charge à l’étranger. Pourquoi ne le fait-on pas pour une période transitoire, le temps de mettre en place le plan anticancer, de le faire fonctionner et de l’évaluer? Par ailleurs, la pénurie des médicaments qui touche les réactifs pour la chimiothérapie est un autre problème auquel sont confrontés les cancéreux. «Certains produits thérapeutiques qui doivent être disponibles sont en rupture continuelle. La disponibilité de ces médicaments dont le recensement a été établi, le ministère de la Santé, alerté à plusieurs reprises, bute sur le problème d’approvisionnement et surtout de distribution», dit-il.

Et d’ajouter: «La pénurie dure depuis juillet dernier et cela fait 20 ans qu’on est constamment en rupture cyclique. Les prescripteurs font des prévisions qui sont transmises aux pharmaciens, aux gestionnaires, aux fournisseurs et au ministère. Mais malheureusement, elles ne sont pas respectées.» Il est clair que «la pharmacie de l’établissement, l’administration et les fournisseurs sont responsables de la rupture», indique-t-il. Le cas du cancer du sein «n’est pas épargné par la dilution des responsabilités», fait-il remarquer.

Pour une prise en charge précoce

La thérapie ciblée contre le cancer du sein coûte entre 250 et 300 millions de centimes par an et par malade alors que si elle était prise en charge précocement, coûtera au maximum 300.000 DA, pour une guérison entre 95 et 100% au stade précoce. Tandis qu’ au stade 4 ou de métastase, elle coûtera 5 millions de DA pour une espérance de vie à 5 ans d’une femme sur 4.

Dans ce contexte, le professeur Bouzid préconise la promotion «du diagnostic précoce car les traitements médicaux à un stade métastatique n’assurent la guérison que pour un cas sur 4». Les mesures d’urgence consistent à impliquer la sécurité sociale et ce pour deux choses «la nomenclature des actes professionnels, la tarification des actes puisque beaucoup d’actes en chirurgie se font dans le secteur privé. L’estimation à ce sujet est de 70%. Or la sécurité sociale ne rembourse au maximum que 10 à 20% et là on est au-delà du virtuel, c’est pour cela que la sécurité sociale doit être impliquée. La deuxième chose c’est la radiothérapie qui est actuellement sinistrée», souligne-t-il. Enfin, «un cancer ORL très répandu en Chine est devenu fréquent en Afrique du Nord lié à un virus dû à certaines habitudes alimentaires, comme la viande séchée, la harissa traditionnelle et aussi à des mauvaises conditions socioéconomiques», dira-t-il.