Il y en a pour toutes les bourses
Il fait chaud, même très chaud. La canicule bat son plein, et le Ramadhan approche à grands pas. Donc fini la plage pour se rafraîchir, alors comment passer ces longues journées de jeûne?
La solution, les Algériens l’ont trouvée au… Hamiz. Mais qui y a t-il de miraculeux dans cette petite ville de la banlieue Est d’Alger? Eh bien, rien d’autre qu’une procession de magasins d’électroménager où l’on trouve cet objet miracle nommé climatiseur. Oui, le climatiseur est la solution miracle pour passer un été à «l’ombre». Avec la canicule qui s’est installée depuis le début de l’été sur l’ensemble du pays, le climatiseur est l’objet de toutes les convoitises. Et il n’est pas près d’être mis à l’ombre car la canicule semble prendre ses aises. Après avoir affiché les 40° C jeudi dernier, le mercure restait jusqu’à hier, solidement campé autour de 33° C. Une sorte de chape de plomb qui, contrairement à ce qu’on peut imaginer, fait quand même des heureux. La canicule a boosté les ventes de climatiseurs et autres ventilateurs ces derniers jours. «Il y a rupture de stock dans la majorité des marques de climatiseurs», nous confiait hier, Halim, commerçant en électroménager à El Hamiz. «Ces deux derniers jours les climatiseurs se sont vendus comme des petits pains, et ce n’est pas une façon de parler, je pense que le boulanger du coin n’a pas vendu autant de petits pains que nous, de climatiseurs», ajoute-t-il heureux. Tous les magasins de vente de divers types de climatiseurs sont pris d’assaut par des Algériens en quête de fraîcheur. «C’est une dépense inattendue mais essentielle. J’ai dû emprunter un peu d’argent pour pouvoir acheter mon climatiseur, mais cela vaut la chandelle», nous explique Amine, un quinquagénaire, fonctionnaire de son état, qui était en train de charger son appareil à l’arrière de sa Maruti. «Pour moi, c’est un investissement, ces deux derniers jours de canicule m’ont donné à réfléchir sur ce que sera le prochain Ramadhan. J’ai donc préféré acheter mon climatiseur avant qu’il n’y ait rupture de stock, mais surtout avant que ses prix ne s’envolent au même rythme que le mercure…», ironise-t-il. «Non, c’est infernal! La climatisation n’est plus un luxe mais une nécessité», affirme de son côté Mustapha, architecte. «Je dispose déjà de trois climatiseurs, mais j’ai dû en acheter un quatrième pour la cuisine, ma pauvre femme n’en pouvait plus. Elle suffoquait!», assure-t-il.
Après le lait, les voitures… les climatiseurs.
Ce rush sur les climatiseurs a donné des idées aux commerçants d’El Hamiz qui dictent leur loi à tout ce qui touche l’électroménager. «Il y a une grande spéculation qui se fait autour des climatiseurs», rapporte Ryad, technicien en chaud et froid qui était venu avec un de ses clients au Hamiz pour chercher un bon climatiseur. «Les marques les plus demandées sont introuvables dans les show-rooms car les commerçants d’El Hamiz ont acheté tous les stocks pour pouvoir spéculer sur les prix», atteste-t-il. Explication: «Ils connaissent très bien la réalité du marché et les marques les plus prisées. Ils s’entendent entre eux pour vider les stocks des représentants officiels en leur achetant toute leur marchandise. Puis, ils les stockent quand la demande est forte afin de créer la pénurie». Dès que la tension sur les climatiseurs s’installe, «ils commencent à sortir peu à peu leurs stocks et augmentent les prix à leur guise», ajoute-t-il. «Comme par exemple pour mon client, cela fait une semaine qu’il a commandé son climatiseur, ils lui ont dit d’attendre le temps qu’ils reçoivent de la marchandise tout en l’avertissant que cela allait lui coûter 7 mille dinars de plus», relate t-il en précisant le fait que ces climatiseurs sont bien stockés dans leur arrière-boutique. «La preuve, regardez la poussière qui a recouvert le carton», nous montre-t-il de la main, le climatiseur que le commerçant venait de retirer de son «antichambre». Ryad, qui souligne le fait que ces commerçants se sont organisés en réseau pour arriver à fixer les prix du marché, compare cette spéculation à celle qui se fait pour le lait, la farine et tous les produits de large consommation. «Mais aussi pour ce qui se fait avec la vente de voitures, où les revendeurs ont également créé des réseaux pour ‘vider » les concessionnaires et dicter leurs propres lois sur le marché», témoigne Ryad avec un air des plus indignés, car il n’arrive plus à supporter le laxisme de l’Etat qui laisse les consommateurs livrés à eux-mêmes. «Non seulement ces commerçants ne déclarent pas leurs marchandises, mais ils se permettent de faire de la spéculation sur le dos des consommateurs et cela sans que les autorités ne daignent lever le petit doigt», peste ce technicien.
A défaut de «clim», il reste le «ventilo»
Le succès de la «clim» semble donc faire l’objet de spéculation pour gagner de l’argent facilement, au grand dam des citoyens.
Ces derniers, malgré leur désir n’ont pas tous les moyens d’acheter ce «régulateur de climat» aux prix volatils… Alors, pour tous ceux dont les moyens sont limités, il reste le bon vieux ventilateur, indémodable mais surtout toujours aussi efficace. «Moi je me contente d’un ventilateur en attendant des jours meilleurs, c’est-à-dire jusqu’à ce que je dispose des moyens pour m’acheter un climatiseur», indique de son côté Amar, agent d’entretien dans une société nationale.
Ce n’est pas que le prix de l’appareil qui «refroidit» les ardeurs des petites bourses, mais c’est surtout sa consommation électrique. «Le climatiseur consomme beaucoup d’énergie et fait exploser les factures d’électricité», estime Mohamed, fonctionnaire, qui rappelle néomoins le fait que les nouveaux climatiseurs des grandes marques ont un système qui permet de consommer moins. «Leurs prix sont cependant excessifs, et leur consommation reste au-dessus de mon budget», poursuit-il. En parlant de consommation électrique, on peut aisément affirmer qu’elle représente l’aspect négatif de la canicule.
Le soleil brûlant arrange décidément les affaires des uns (les commerçants en électroménager), assurément, mais pas celles des autres.
Le tout premier d’entre eux, vous l’avez deviné c’est, bien sûr, la Sonelgaz. La Société nationale de l’électricité et du gaz, et pour cause, fait la une de l’actualité, elle est pointée du doigt à cause des coupures et délestages qui sont la conséquence de la surconsommation d’électricité.
Les centrales électriques de la Sonelgaz, sont mises à rude épreuve, leurs équipements supportent difficilement cet état de surconsommation.
Ainsi, en plus de ses responsables, qui ne doivent pas trouver facilement le sommeil, les employés de la Sonalgaz sont en alerte jour et nuit. Surtout que ces coupures répétées sont en train de provoquer diverses émeutes à travers toutes les contrées du pays.
Cette situation, l’entreprise semble avoir du mal à la gérer et à s’y adapter.
Les commerçants se remplissent les poches
Il n’ y a pas que la Sonelgaz qui n’arrive pas à s’adapter à la forte canicule. Autres personnels en difficulté, les ouvriers des chantiers. Maçons, peintres, plombiers, électriciens…souffrent pendant leur travail déjà assez pénible. «Je partage ma journée en fonction du soleil, je commence tôt le matin les travaux extérieurs puis je m’attaque à l’intérieur quand le soleil bat son plein», rapporte Mustapha, un peintre qui reste malgré la chaleur, très optimiste.
Les agriculteurs sont, eux, confrontés à ce problème depuis la nuit des temps. «On commence très tôt le matin et on finit tard le soir pour éviter les grandes chaleurs de l’après-midi. Cela a toujours été le cas depuis mes arrière-grands-parents», explique Aami Omar, agriculteur.
La police et les gendarmes ont également leur lot de souffrance. Ils pointent toute la journée sous un soleil de plomb avec des uniformes qui ne disent par leur poids et cela sans disposer d’abri.
Une situation qui alerte les citoyens qui se mobilisent pour leur apporter de l’eau fraîche.
«Nous avons la chance d’être mobilisés dans un quartier résidentiel où les citoyens nous apportent à tour de rôle de l’eau fraîche pour nous désaltérer. Je remercie d’ailleurs ces citoyens pour leur générosité», explique un policier.
Cette situation nous permet ainsi de confirmer le fait que l’Algérie est le pays de tous les paradoxes. Au moment où les commerçants en électroménager se remplissent les poches grâce à la canicule avec la vente des climatiseurs, d’autres se tuent au travail sous cette même canicule pour acheter ces climatiseurs…
Le climatiseur représente à lui seul, les deux visages de l’Algérie. Côté pile, une Algérie qui s’enrichit avec la spéculation et côté face une autre Algérie qui se fait «bouffer» par cette même spéculation…