Les invités de “la traversée de la fidélité” affichent une bonne volonté de servir la cause de notre diaspora dans l’Hexagone, laquelle subirait encore la marginalisation des autorités algériennes.
L’initiative de faire venir des membres de la communauté algérienne établie en France, à l’occasion du Cinquantenaire de l’Indépendance, prise “en solo” par Samir Chaâbna, député à l’APN, élu dans la région sud de France, sous la casquette du parti naissant El-Moustaqbal, a été accueillie avec enthousiasme par les représentants de notre diaspora, une quarantaine environ, ayant eu le privilège de bénéficier de la “traversée de la fidélité” offerte, en cette date symbolique du 5 Juillet, par l’Entreprise nationale de transport maritime des voyageurs (ENTMV).
L’initiative n’a pas été sans susciter l’assentiment des autorités consulaires accréditées à Marseille, à leur tête le consul général, Abdelhamid Saïd, qui a réservé un accueil chaleureux à la délégation de journalistes invités à cette occasion. Mais aussi de l’approbation du gouvernement, représenté sur place par le secrétaire d’État chargé de la Communauté nationale à l’étranger, Belkacem Sahli, tandis que d’autres ministres étaient à l’accueil — en grande pompe — vendredi dernier, à l’arrivée du car-ferry “Tariq Ibn Ziyad” au port d’Alger. La compagnie nationale dirigée par Ahcen Grairia, P-dg, s’engage à offrir une dizaine de billets pour chaque traversée durant toute la période estivale pour permettre à un plus grand nombre d’émigrés, notamment les démunis, de visiter leur pays d’origine. Les prévisions parlent de quelque 1 400 émigrés à rapatrier d’ici là. Cela dit, les premiers invités de Samir Chaâbna ne doivent certainement pas être classés parmi les démunis, encore moins parmi les émigrés de troisième et quatrième générations (malgré quelques exceptions), sachant que, dans leur ensemble, ils sont issus de la classe moyenne, encore sauvegardée en France en dépit de la crise économique. Djoulah Mouldi, sexagénaire, représentant de l’association Espoir pour tous de la région d’Annemasse à la frontière franco-suisse, ne dissimule pas d’ailleurs sa désillusion de découvrir, à bord du “Tariq Ibn Ziyad”, la présence de plusieurs personnes “bien classées” en France, pour reprendre ses termes, pour ne pas dire des petits bourgeois, disposant largement de moyens pour se payer des voyages plus luxueux ! M. Grairia, P-dg de la compagnie nationale, n’est pas moins outré de cette réalité, même s’il se préserve d’en parler publiquement.
Un tri que l’initiateur, M. Chaâbna, justifie toutefois par le fait que les personnes invitées sont, dans leur majorité, issues du mouvement associatif de la communauté algérienne établie en France. Qu’à cela ne tienne, les invités de “la traversée de la fidélité” affichent néanmoins une bonne volonté de servir la cause de notre diaspora dans l’Hexagone, laquelle subirait encore la marginalisation des autorités algériennes. Mais pas seulement, car on parle aussi du manque de cohésion et de coordination entre les nombreuses associations, même si elles convergent toutes vers le même combat, à savoir celui d’affirmer la présence de notre communauté en France, une des plus fortes car représentée par 5 millions d’âmes. Un handicap majeur qui, selon des témoignages, fait que la communauté algérienne de France vient, dans bien des domaines, souvent à la traîne, comparativement à d’autres communautés, souvent soutenues par les autorités respectives de leur pays natal. Celles-ci forment, en effet, de plus en plus de lobbies, parfois très influents au pays d’émigration.
Un conseil consultatif d’émigrés algériens de France est né
Pour se hisser à ce niveau d’influence qui permettrait à la communauté algérienne de France de recouvrer ses droits, les invités de “la traversée de la fidélité” lancent désormais un projet enthousiaste pour la création d’un conseil consultatif devant réunir autour d’une même table toutes les fédérations chapeautant les différentes associations des Algériens de France. Le premier noyau devant siéger dans ce conseil a été présenté, à bord du bateau, dans la soirée de jeudi, lors d’une réunion de travail des représentants des fédérations de différentes régions de France. En attendant la tenue, prévue prochainement, de l’assemblée générale au cours de laquelle seront adoptés les statuts et aura lieu l’élection du président et du secrétariat, autrement dit l’officialisation de ce conseil consultation de l’émigration, il a été question, lors de la réunion de jeudi, notamment de la désignation de Nordine Saâdallah, enseignant universitaire de la région d’Annemasse, en tant que président provisoire et les membres du bureau provisoire, issus de différentes régions de France. L’objectif de ce conseil étant de fédérer tous les Algériens vivant en France autour d’un même idéal, à savoir celui de régler les problèmes de la communauté et, par ricochet, promouvoir cette dernière. Un idéal qui fait déjà rêver Leïla, 20 ans, étudiante, Linda, 36 ans, et Djamila, 38 ans, deux diplômées au chômage, toutes issues de la région de Franche-Comté (est de la France), interrogées à bord du “Tariq Ibn Ziyad”. “Nous souhaitons que cette initiative renforcera davantage les liens entre nous en tant qu’émigrés et nos compatriotes vivant en Algérie. Nous appelons à cette occasion à plus de rapprochement entre les deux communautés. Pour nous, c’est vraiment plus que nécessaire”, ont déclaré, avec spontanéité, les trois “beurettes” dont les deux premières sus-citées sont originaires de M’sila et la troisième de Sétif. à son tour, Zoheïr, la vingtaine, dont la dernière visite au pays remonte à 2006, soulignera que l’initiative, première du genre, prise par le représentant du peuple à l’APN, est déjà, en soi, “un grand pas vers l’avant du fait qu’elle nous permet de revenir au pays de part cette traversée avec un accueil chaleureux”. “Dès ma montée sur le bateau, je me suis senti déjà en Algérie. Inch’Allah, cela m’incitera désormais à y revenir à chaque fois souhaitée”, a-t-il ajouté, gardant un œil sur l’écran géant sur lequel était diffusé le tout nouveau film révolutionnaire intitulé Benboulaïd, en présence de l’acteur principal au salon-bar du “Tariq Ibn Ziyad”.
Les engagements de Sahli
Les problèmes auxquels sont confrontés nos émigrés en France, et qui sont légion, ne préoccupent pas moins M. Sahli, secrétaire d’État chargé de la Communauté nationale à l’étranger qui, lors de son passage à la radio Gazelle de Marseille, une antenne de proximité traitant des préoccupations des émigrés, n’a pas tari de bonnes nouvelles à l’égard de ces derniers. Le représentant du gouvernement fera part, en effet, de plusieurs mesures de facilitation que le gouvernement vient de décider ou s’attelle à prendre. Il annoncera de prime à bord le dispositif mis en place au niveau des ports et aéroports devant permettre de meilleures conditions d’accueil des ressortissants algériens, notamment durant la saison estivale. M. Sahli mise beaucoup sur les commissions de suivi installées à ce titre dans les différents consulats algériens accrédités à l’étranger. Il rappellera que “des instructions fermes ont été données aux consulats pour faciliter toute procédure telle que le retrait des passeports, outre la mise à la disposition de nos émigrés d’un numéro vert à travers lequel ils pourront déposer leurs requêtes”. Cependant, M. Sahli ne semble pas pouvoir faire quelque chose concernant la question des billets qui restent excessivement chers, comparativement à presque toutes les destinations de France vers d’autres pays, y compris les plus lointaines telles que les États-Unis. Il avoue que cette question le dépasse tant qu’elle relève de l’ordre purement commercial. Il compte, à présent, sur la coordination avec le ministère des Transports et les compagnies de transport concernées pour trouver quelques solutions, éphémères soient-elles, devant permettre des réductions, notamment à l’approche du mois de Ramadhan. À une doléance des Algériens de Marseille souhaitant l’édification d’un centre culturel à l’instar de celui existant à Paris, là encore, le représentant du gouvernement ne possède pas la solution souhaitée. Il se contente d’annoncer un projet pour l’aménagement d’un espace à même le siège du consulat devant accueillir les activités culturelles de nos émigrés.
L’autre projet annoncé par M. Sahli, et qui enthousiasme d’ores et déjà les émigrés algériens de France, est lié à l’accès au logement des membres de la communauté résidant à l’étranger. Mais ce projet n’est pas pour demain tant que, dira-t-il, la formule possible n’a pas encore été définie au gouvernement et que, présentement, la priorité est donnée aux besoins des résidents au pays. En attendant la concrétisation de toutes ces annonces, les invités de “la traversée de la fidélité” souhaitent que cette initiative jette désormais une passerelle entre les Algériens des deux rives de la Méditerranée.
F. A