Nombreux sont ceux qui, chaque été, transitent par la mer entre Marseille et Alger. Le Commandant de bord du navire Tarik Ibn Ziad, Malki, un chevronné de l’ancienne CNAN aujourd’hui ENMTV, ne pouvait s’y tromper.
Son flair de vieux marin ne l’a pas encore quitté au crépuscule de sa carrière. Une carrière bien remplie marquée par le sauvetage en 2011 de plus de 1 500 Algériens à Benghazi et à Tripoli au milieu d’une guerre civile qui a failli tout emporter sur son passage.
Un véritable coup d’éclat de la part de ce commandant de bord pour son entreprise pour l’Algérie. Le flair du commandant a cette fois-ci failli lui faire perdre son légendaire sangfroid. Il ne pouvait s’en douter, hélas, qu’un compatriote de surcroît député de Marseille en l’occurrence Samir Chaâbna, lui fasse des «misères» durant le retour de la traversée Alger-Marseille pompeusement appelée la «traversée de la fidélité».
Et il a fini par craquer et lâcher sa colère : «Pour la bonne cause, je ne dirai rien ! Mais sachez que cet homme ne respecte rien. Il foule aux pieds les conventions et les bonnes manières», nous dit-il. Et la liste de ces méfaits est grande. L’une de ses victimes est l’envoyée de l’agence APS qui a cru à la bonne oeuvre charitable du représentant de la communauté algérienne à Marseille.
Son premier envoi parlait de «démunis» qui seront embarqués à bord du Tarik. En réalité, -nous l’avions appris plus tard- il s’est avéré par la suite que le contingent invité pour la circonstance est composé en majorité de gens bien sous tout rapport. «Comment je vais faire pour rattraper le coup ? J’ai été bernée!», criait-elle.
Le reste des collègues, plus d’une vingtaine issu de la presse écrite (El Watan, El Khabar, Le Soir, Liberté, Echourouk, El Fedjr, Djazair News), de la radio (chaînes I, III et la radio internationale) et de l’audiovisuel (ENTV, Echourouk TV, El Djazaïria, El Hadath) est alerté aussitôt. Un des invités, très connu sur la place publique, a organisé la veille de notre arrivé, à Marseille une fête grandiose qui a réuni 600 invités.
Lors de la première réunion à bord du ferry les représentants d’associations de France, une vingtaine, se sont fait connaître. Tous étaient des piliers de leur communauté respective. Pour les démunis, circulez il n’y a rien à voir….
Trois moudjahidine ont pris place ainsi que cinq enfants de moudjahidine. Ils ont reçu des médailles symboliques offertes par Samir Chaâbna. Lors de la conférence de presse organisée à Alger au siège de l’APN, une semaine auparavant, le député du Front El Moustakbel avançait l’idée que cette traversée, appelée pour l’occasion la «traversée de la fidélité», était destinée exclusivement aux personnes dans le besoin, à celles qui n’ont jamais remis les pieds dans leur pays natal et surtout aux enfants qui n’ont jamais connu leur pays d’origine.
La surprise et l’étonnement étaient donc grands lorsque ces personnes invitées à se présenter lors de cette première rencontre déclinèrent leur profession. Toutes, plus d’une trentaine, étaient des personnes plus ou moins intégrées et bien dans leur peau.
On était donc loin de cette belle idée de la traversée de la fidélité. Une manipulation qui ne dit pas son nom. En réalité, cette action sert plutôt les intérêts de son initiateur qui a réussi à berner les plus hautes autorités. En plus du consulat général de Marseille, Abdelmadjid Saïdi, qui a organisé de bonne foi une réception en présence du secrétaire d’Etat et de toute la crème de Marseille. Un habitué des lieux a révélé l’entourloupe.
Selon lui, les vrais représentants de la communauté algérienne à Marseille ne sont pas présents. Le but de l’ex-journaliste de l’ENTV est de créer la fédération des associations des Algériens résidant en France avec pour objectif d’être un intermédiaire entre le gouvernement et la communauté algérienne.
L’annonce de création a été faite par le coordinateur de cette fédération, Noureddine Saâdallah, à bord du bateau Tarik Ibn Ziad : «Nous avons décidé, en ce jour symbolique pour tous les Algériens, de créer cette fédération, avec un bureau provisoire composé de 15 membres et dont l’objectif est d’aider la communauté algérienne établie en France à trouver des solutions à Ses préoccupations», a déclaré Saâdallah.
Mission donc accomplie pour Chaâbna qui cherche à court-circuiter les réseaux encore existants de l’ex-Amicale des Algériens qui continuent à travailler pour l’ex-parti unique ?
UN ALLER TRANQUILLE…
Pourtant, le départ d’Alger le 2 juillet dernier du ferry Tarik qui fait la liaison Marseille- Alger avec à son bord la vingtaine de journalistes et l’acteur du rôle principal du film Ben Boulaïd, Hacene Kechache, se fait sans encombre. Il accoste à Marseille 21 heures plus tard dans des conditions idéales. Le navire est propre. Les cabines sont dans les normes et les équipages compétents avec un service souvent sans faille.
La restauration est d’une qualité excellente, les détentes et loisirs sont juste moyens, mais peu importe car dans la période estivale il n’y a pas plus belle détente que d’être sur un navire, sous le soleil en face la mer Méditerranée En cabine, la nourriture et la TV sont inclus dans le prix du billet, mais à bord des navires de la SNCM, la nourriture est payante et pour avoir accès à la télévision dans la cabine, il faut encore débourser quelques euros. Et dans les deux compagnies, le prix d’un billet dans la catégorie cabine est identique.
Certes, le Tarik c’est un navire ancien mais les normes sont obligatoirement respectées au niveau de la propreté, et identiques sur tous les navires SNCM. Il en est de même pour les repas, exactement les mêmes plats et ingrédients que sur les autres tels que Napoléon et Casanova. Les prestations de base sont les mêmes, nous dit un habitué. Pour ce qui est des animations, sur la ligne Marseille-Alger ou autre port, il ne faut pas s’attendre à quelque chose de spécial.
Nulle part ! Ce n’est pas une croisière mais une traversée ! Le lendemain, 3 juillet, le bateau accoste à midi au port de Marseille dans une atmosphère de tranquillité. Le débarquement se fait sans encombre. L’initiateur du projet, Samir Chaâbna, est là pour l’accueil. Trois microbus loués pour la circonstance sont là pour transporter les journalistes dans la ville.
L’organisation est quasi parfaite. Après un bon déjeuner dans un restaurant appartenant à une compatriote, Mme Malika Zaïdi, la délégation est dirigée directement vers un vieil hôtel, «l’Hôtel de la pomme», situé dans le quartier les Dominicaines pour voir les conditions dans lesquelles vivent une cinquantaine d’Algériens retraités mais bloqués à cause de leur maigre pension.
Un vieil homme, Alouanne Mohamed, sept ans SDF, éclate en sanglots devant nous. Il venait de retrouver ses parents à l’âge de 76 ans. Aujourd’hui très malade, il ne peut subvenir aux frais de son hospitalisation ; il demande l’aide des autorités et du consul général. Puisse ce dernier entendre ces cris d’un vieil homme piégé par les vicissitudes de la vie. La question de la création d’un foyer pour ces gens se fait avec insistance.
Des femmes aussi. La majorité de ces femmes de ménage sont bloquées dans cet hôtel. Elles perçoivent 100 euros de leur retraite et 500 euros comme retraite complémentaire. La patronne des lieux fait le maximum pour les héberger et les assister dans leurs démarches administratives. Elles sont toutes analphabètes.
Ce sont ces femmes et ces hommes qui auraient du faire la traversée. Après cet instant de tristesse qui envahit tous les confrères, direction la radio Gazelle où est attendu le secrétaire d’Etat pour une émission d’une heure en interactivité avec les compatriotes.
Ce dernier annonce plusieurs mesures déjà prises par son département depuis quelques mois. En plus, il a annoncé qu’un important dispositif a été mis en place au niveau des aéroports et des ports pour faciliter les conditions d’accueil des ressortissants algériens, soulignant que des commissions consulaires de suivi ont été installées à cet effet.
Il a ajouté que des instructions fermes ont été données aux consulats pour faciliter le retrait des passeports et mettre à la disposition des ressortissants algériens un numéro vert pour leur permettre d’exposer leurs problèmes.
A une question se rapportant à la cherté des prix des billets, Sahli a indiqué qu’il s’agissait d’une question purement commerciale ne relevant pas de son ressort.
Cependant, a-t-il dit, «elle a été traitée en coordination avec le ministère des Transports et des entreprises de transport concernées par des réductions importantes, notamment à l’approche du mois de ramadhan». Autre fait relevé par les auditeurs, l’inexistence d’un centre culturel à Marseille.
Le secrétaire d’Etat a précisé que cette question qui obéit à des accords diplomatiques «sera réglée à moyen terme» soulignant que des instructions ont été données aux consulats pour l’ouverture d’espaces à cet effet. Sahli a indiqué avoir reçu l’approbation du Premier ministre pour mettre en place un mécanisme permettant aux enfants algériens établis à l’étranger de bénéficier d’une formation professionnelle.
Il a ajouté que le gouvernement réfléchissait également à une formule permettant l’accès des membres de la communauté résidant à l’étranger à un logement, en soulignant que «ce ne sera ni des logements sociaux, ni participatifs, ni financés par l’Etat».
Quant aux difficultés rencontrées par les Algériens désirant investir en Algérie, Sahli a exprimé la disposition du gouvernement à aider ces derniers d’autant, a-t-il dit, que «la loi ne fait pas de distinction entre les Algériens résidant dans le pays et ceux établis à l’étranger».
Enfin, concernant les biens immobiliers détenus par l’État à l’étranger, le secrétaire d’Etat a fait état de l’installation d’une commission supervisée par le ministère des Affaires étrangères pour le recensement de ces biens affirmant que leur vente a été suspendue depuis deux ans.
Cette décision est intervenue à la suite de la revente d’un nombre élevé de biens immobiliers. La dernière affaire est celle du château de Toulouse qui a été cédé à un diplomate en poste à l’époque. Le ministre a aussi précisé qu’un état des lieux de ces biens non répertorié depuis cinquante ans sera également réalisé pour leur restauration.
Un budget conséquent a été débloqué pour, cela a-t-il encore révélé. La mesure phare est sans conteste l’assurance-vie à 25 euros annuel qui permettra à tout citoyen de transférer le corps de la dépouille d’un des leurs en Algérie et en sus d’un accompagnateur. Cette question est au centre des préoccupations des compatriotes au même titre d’ailleurs de la création d’une banque.
Les Algériens établis en France et ailleurs envoient chaque année environ 1,5 milliard d’euros, alors que les Marocains à titre d’exemple transfèrent plus de 28 milliards de dollars annuellement. C’est dire le grand fossé qui nous sépare de nos voisins très très belliqueux. Beaucoup d’Algériens préfèrent faire transiter leur argent par le biais de la banque marocaine qui a pignon sur rue à Marseille.
LE RETOUR SE PASSE DANS UNE BONNE AMBIANCE, MAIS…
Le jour du retour qui coïncide avec la date du 5 juillet se passe dans une bonne ambiance en présence de la troupe folklorique de karkabou de Ouargla dénommée l’association Afak de danses populaires qui séjourne depuis le 10 juin à Marseille, d’un cadre du MAE et du secrétaire d’Etat qui fait le voyage du retour à bord du «Tarik». Des centaines d’Algériens embarquent à bord du ferry.
La délégation des associations de France prend place également. Le département ministériel a mis en place un dispositif sur 14 points focaux sur les 14 wilayas côtières (ports et aéroports) pour faciliter les opérations de dédouanement de véhicules et les procédures de débarquement. Des équipes mobiles mixtes embarquées à bord du navire sont créées afin de rendre l’opération plus fluide.
C’est le secrétaire d’Etat chargé de la Communauté nationale à l’étranger, Belkacem Sahli, qui s’est enquis à bord du navire «Tarik Ibn Ziad» de l’application des mesures prises en vue de faciliter l’accueil au profit des membres de la communauté nationale établie à l’étranger. Il était accompagné du PDG de l’Entreprise nationale de transport maritime de voyageurs (ENMTV), Grairia Ahcen,s qui a fait le voyage également.
Ce dernier a pris d’ailleurs l’initiative de permettre à 10 enfants algériens établis en France de bénéficier à chaque voyage de billets gratuits et ce, du 1er juillet jusqu’au mois d’octobre prochain. Sahli s’est rendu, en premier lieu, au bureau des douanes en charge de l’établissement des titres de passage des véhicules où il a reçu des explications sur l’opération d’octroi de ce document.
Il s’est notamment informé des modalités prises en ce sens, afin de faciliter aux passagers un règlement rapide des procédures liées à l’attribution des documents de leurs véhicules à l’intérieur du navire. Les responsables douaniers ont indiqué que la procédure de facilitation du titre de passage des véhicules a été mise en place dans le but de permettre aux passagers de quitter le port dans un délai très court.
Ils ont, en outre, expliqué que leur tâche à l’intérieur du navire consistait à recueillir les passeports et les cartes grises des passagers afin de leur établir le titre de passage des douanes d’une validité de trois mois, laquelle peut être prolongée d’un ou de deux mois. Ils sont entre 250 000 et 300 000, chaque été à faire la traversée Marseille-Alger. De ce voyage, ils se sont fait une joie toute l’année. Et puis, au fur et à mesure que le jour du départ approchait, la tension montait.
Il y a eu les courses à faire. La tradition, c’est de rentrer au bled avec des cadeaux pour tout le monde. Ensuite, il a fallu charger la voiture. A craquer. Le toit surtout. Puis faire la descente sur Marseille. Interminable, dans un espace réduit au minimum. Ces Algériens installés en Europe arrivent d’Angleterre, de Belgique, de la banlieue parisienne, des environs de Lyon… Beaucoup ont fait la route de nuit.
Quand ils atteignent le port de Marseille, il leur faut attendre des heures sous le soleil avant de faire monter la voiture sur le bateau. Mais le pire est à venir. Le fait d’avoir réservé des couchettes, des mois auparavant ne constitue pas une garantie. Le bateau est surbooké.
Beaucoup se retrouvent avec un simple fauteuil et s’en aperçoivent en recevant leur carte d’embarquement. Dur, pour une traversée qui dure un après-midi et une nuit entière. A bord, le personnel tente de contrôler la situation.
Dans la chaleur pesante de ce jeudi d’été, ils sont des centaines de passagers sur le «Tarik», ferry en service depuis une dizaine d’années. La plupart sont des binationaux. Tous sont des habitués de ce bateau. «On s’arrange chaque année pour prendre ce bateau. On l’aime bien, on s’y sent chez soi», disent-ils, unanimes.
Ceux qui sont venus sans voiture ont l’impression de faire une croisière. Les autres ont un souci en tête : l’arrivée à Alger, les contrôles de police et de douane. Pour l’heure, chacun s’organise : «On n’a pas le choix. Si seulement nos sièges étaient inclinables, on pourrait dormir. Mais comment voulezvous fermer l’oeil en restant assis à angle droit ?», dit un jeune.
Au beau milieu de la Méditerranée, et alors que la fête bat son plein au milieu de la piste, les gens prennent d’assaut à minuit les ponts du navire pour assister aux feux d’artifice, un rituel traditionnel tous les 5 juillet, fête de l’indépendance. A dix-sept heures, une collation est offerte aux compatriotes établis à l’étranger, une occasion choisie par le député de Marseille pour remettre des médailles symboliques à trois moudjahid et à cinq fils de moudjahid de la fédération de France.
Après cette cérémonie, le film sur Benboulaïd a été projeté en présence de l’acteur Ahcen Kechache, qui a pris la parole juste avant pour expliquer le contexte de l’histoire et le déroulement du film. L’arrivée à Alger coïncide avec la date du 5 juillet. La caravane de la fidélité est arrivée vendredi au port d’Alger à bord du Tariq Ibn Ziad pour prendre part aux festivités marquant la clôture des célébrations du cinquantenaire de l’indépendance de l’Algérie.
Elle été accueillie par les membres du gouvernement dont le ministre de la Communication, Mohamed Saïd, le ministre des Transports, Amar Tou, le secrétaire d’Etat chargé de la Communauté nationale à l’étranger, Belkacem Sahli, le secrétaire d’Etat chargé du Tourisme, Mohamed Amine Hadj Saïd, et le secrétaire d’Etat chargé de la Jeunesse, Belkacem Mellah.
Le secrétaire d’Etat chargé de la Communauté nationale à l’étranger a, dans ce contexte, souligné que le gouvernement fait des préoccupations de la communauté algérienne à l’étranger une priorité. Pour le député Samir Châabna, la caravane de la fidélité est l’occasion pour les membres de la communauté de faire part de leurs préoccupations au gouvernement. Ils seront reçus en effet, durant leur séjour, par sept ministres.
Hocine Adryen