Transports publics: Une matinée de Ramadhan dans un bus

Transports publics: Une matinée de Ramadhan dans un bus

Visages ratatinés, les yeux endormis, bâillements et curages de nez…le lot quotidien dans un bus tôt dans la matinée.

Prendre le bus chaque matin que Dieu fait, pendant le Ramadhan, n’est point une sinécure, croyez-moi! Le prendre relativement de «bonne heure» c’est-à- dire en cette période de jeûne et de soirées lassantes et enivrantes, équivaut à un «spectacle» curieux. «De bonheur» dans ce cas précis, je voulais dire «entre 8h30 et 9h30», un horaire, si bus il y a, qui permet à peine d’arriver «à l’heure» au bureau, sur le chantier, à l’université ou tout simplement pour vaquer à ses occupations journalières.

Le bus qui roule «cahin-caha» n’est pas très chargé mais plein malgré tout. Toujours est-il qu’on a droit à se faire marcher sur les chaussures bien cirées à peine une heure plus tôt. Une maladresse regrettable qui s’efface par un simple sourire qui ressemble plus à un rictus, accompagné d’un miraculeux «essmahli». Première observation, contrairement aux autres heures de la journée où l’on a droit à nombre de recettes culinaires communiquées par phone et des comptes rendus sur la dernière émission télévisée, c’est le silence qui règne à cette heure «matinale» dans l’habitacle du véhicule qui nous frappe. Ils, les usagers, sont carrément «juchés» sur leurs sièges pour ceux qui ont eu la chance de s’asseoir et de continuer…à dormir!

L’un baillant, parfois bruyamment, l’autre endormi et respirant à pleine bouche ouverte l’infect air croupi dans le bus où souvent les fenêtres restent fermées malgré le temps clément, plutôt chaud, qui règne dehors, un autre se curant indécemment le nez sans en avoir l’air, mais avec parcimonie, tandis que son voisin se gratte l’oreille avec l’index en agitant fortement sa main au risque de heurter son compagnon avec le coude.

Les autres visages, mal rasés et ratatinés par une longue veille et la fatigue du jeûne, restent impassibles derrière leurs barbes naissantes, et portant souvent les traces d’un mauvaise nuit sans sommeil et un réveil alors pas du tout souhaité. Les jacasseries des femmes, nombreuses aussi même à cette heure-ci, ne font pas flores. Cependant, un quidam de se demander «où vont-elles donc si tôt, est-ce pour allumer le feu sous les chaudrons?» provoquant un rire timide à peine perceptible chez les autres passagers plus ou moins endormis eux aussi. Au fond, l’on entend le tintement des pièces de monnaie que le «receveur» agite dans sa main pour se montrer et dire que c’est de lui qu’il s’agit.

A l’approche d’un arrêt, il ne manque pas de crier pour nommer le prochain arrêt et demander si quelqu’un veut descendre! C’est ainsi que ça se passe dans les stations où ces dits-receveurs, gesticulent et crient à tue-tête la destination du bus dans lequel ils travaillent. Un bus qui porte pourtant une pancarte bien en vue désignant, en arabe et en français, la destination du véhicule. Il est vrai cependant que tout le monde n’est pas lettré, mais un passager quel qu’il soit peut demander facilement la destination d’un bus sans avoir à supporter tout ce vacarme assourdissant à plus d’un titre. Le silence continue ce matin dans le bus…Soudain, une vocifération du conducteur, qui s’en prend à un «chauffard» qui faisait une fausse manoeuvre, fuse en perçant le silence relatif qui régnait.

Le receveur s’en mêle auquel s’ajoutent les commentaires de personnes approbateurs avec des hochements de tête suffisants, créant un semblant d’ambiance pour quelques instants avant que le chauffeur n’accélère comme pour rattraper peut-être le peu de temps perdu ainsi. Parfois, on a droit aussi à une altercation «gentille» et même «amusante» qui trouble le silence le matin dans le bus. C’est une bonne femme qui rouspète parce que le conducteur refusait de s’arrêter à un point qui n’est pas un arrêt de bus régulier. Principal acteur, le bus continue sa route comme si de rien n’était et sans «faire cas» de ce qui se passe en son intérieur où le silence est de mise en cette matinée de Ramadhan.