Le rapport de la commission de l’APW d’Oran sur le transport urbain, rendu public à l’occasion de la première session ordinaire qui s’est tenue les 20 et 21 mars, a mis en évidence les différents dysfonctionnements qui minent le secteur et interdisent une exploitation intelligente des moyens existants et leur rentabilisation optimale. Sans le souligner explicitement, le document met à l’index les pouvoirs publics dont la mauvaise gestion et une indifférence de plusieurs décennies ont ouvert la voie à l’apparition de plusieurs dérives.
En l’absence de l’autorité de l’État, un phénomène qui est apparu depuis plusieurs années et que le rapport de l’APW remet au goût du jour en exhortant les pouvoirs publics à intervenir. À certains arrêts, les transporteurs privés sont, en effet, obligés de verser une dîme à des énergumènes qui n’hésitent pas à user de violence contre les réfractaires. Selon le rapport de la commission de l’APW, les chauffeurs versent entre 50 et 100 DA par arrêt, ce qui, en fin de journée, constitue un manque à gagner estimé à 1 400 DA. Les rédacteurs du rapport préconisent la mise en place de mécanismes permettant la réactivation du droit de stationnement qui profiterait au Trésor public.
Mais pour cela, les autorités devraient cesser de regarder ailleurs et intervenir pour mettre fin au racket qui dure depuis de très nombreuses années au vu et au su de tout le monde. L’absence de l’autorité de l’État ne profite pas seulement aux racketteurs, mais également aux transporteurs eux-mêmes qui ont acquis des habitudes déplorables qui non seulement portent atteinte aux droits des usagers à des prestations correctes, mais mettent également , et souvent, leur vie en danger. L’usage de la vitesse excessive, le non-respect du code de la route, les arrêts intempestifs et brusques mettent régulièrement en danger l’intégrité physique des voyageurs. Pour mettre fin à ces pratiques, la commission recommande aux instances concernées d’imposer certaines règles aux chauffeurs et receveurs mais également de mettre à leur disposition l’environnement adéquat.
En termes de dispositions envers les exploitants privés, le document préconise de revoir la formation proposée par l’État (et boycottée par les concernés en raison de sa cherté : 45 000 DA pour une session de 15 jours contre 4 000 DA pour les chauffeurs de taxi), de contraindre les chauffeurs et receveurs à arborer une tenue correcte et un badge et de se soucier davantage de la propreté de leurs véhicules. Le rapport prône également la fermeté contre les contrevenants au règlement, et l’aggravation des sanctions (amendes et mise en fourrière en vigueur) par l’interdiction d’activité aux transgresseurs récidivistes du code de la route.

Des plans de transport et de circulation
Mais ces dispositions ne serviraient à rien en l’absence de plans de transport et de circulation, outils vitaux pour la bonne gestion des déplacements des personnes et des marchandises dans une agglomération. Comment, en effet, empêcher des arrêts irréguliers sur une ligne démunie de stations ? Éviter les dépassements en tous genres sur des lignes encombrées par des bus ?
Lors de plusieurs sorties sur le terrain, les membres de la commission de l’APW ont relevé de nombreuses anomalies qui expliquent, en partie, le comportement des transporteurs privés : embrouillement des lignes illustré par l’arrêt dit du rond-point d’El-Morchid, à l’est de la ville, où pas moins de 8 lignes s’entrecroisent, créant inévitablement des embouteillages aux heures de pointe ; absence de gares secondaires et insuffisance des arrêts sur les itinéraires (légalement de 300 à 400 m d’intervalle) qui empêchent la bonne circulation des personnes et créent des tensions entres transporteurs ; profusion de bus sur certaines lignes comme le 11 où pas moins de 85 véhicules se disputent la desserte haï Yasmine (est) – Valéro (centre-ville), ou le 37 qui propose 78 bus pour relier la place Bendaoud (sud-est) et haï Bouamama (sud-ouest).
Et ce qui n’arrange rien, une grande majorité de ces bus, dégradés, n’offrent plus des prestations de services correctes ni les conditions de sécurité exigées par la réglementation aussi bien que le bon sens. Le rapport qui déplore également la sous-exploitation du tramway — en l’absence de gares secondaires qui permettraient la jonction avec les autres moyens de transport — recommande l’extension de la ligne en direction du pôle universitaire Belgaïd, de l’aéroport d’Es-Sénia et Misserghine, au sud-ouest de la wilaya. Jadis quasi désertes, ces régions ont vu la naissance de plusieurs nouvelles cités et le relogement de milliers d’habitants qui ont besoin de moyens de transport. Après avoir souligné ces dysfonctionnements — au demeurant connus de tous compte tenu de leur longévité —, les rédacteurs du rapport de l’APW suggèrent une vingtaine de recommandations visant à mettre fin à l’anarchie qui prévaut dans le secteur du transport urbain depuis les années 1990.
Et naturellement, le retour de l’autorité de l’État et l’élaboration des sacro-saints plans de transport et de circulation (dont la direction des transports ne cesse d’annoncer l’entrée en fonction) constituent les principaux piliers. Surtout à l’approche des J. M.-2021.
S. Ould Ali