Si elle a réussi le pari, sans doute, à tenir sa conférence sur la transition à Alger, en présence de plusieurs dizaines de partis, de tendances différentes, et en présence de plusieurs personnalités de divers horizons, l’opposition dont le plaidoyer est l’organisation d’une transition politique, pour aboutir à un changement de régime devra faire preuve de beaucoup d’imagination pour rallier la population à sa cause. Sa mission est loin d’être une simple sinécure.
C’est un défi qu’elle est appelée à relever, comme l’a déclaré lors de la conférence Sofiane Sakhri, représentant de Jil Djadid. « Notre défi désormais est comment convaincre le peuple pour le faire adhérer à notre démarche. C’est lui qui va faire changer les rapports de force », a-t-il indiqué.
Me Ali Yahia Abdenour, président d’honneur de la LADDH a lui appelé à ce que « la transition doit aller dans toutes les wilayas du pays ». Non seulement, l’opposition devra faire face à une société dépolitisée, encore traumatisées par une décennie de terrorisme, sans repères, mais aussi à montrer ses capacités de mobilisation et d’ancrage.
Autre défi : comment convaincre le pouvoir à accepter l’offre de l’opposition, lui qui semble hostile à l’idée de la transition, comme l’a rappelé le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, à l’issue de l’adoption de son programme d’action au sénat. «Parler encore d’une transition en 2014 alors que nous avons un socle constitutionnel extrêmement solide, mais pourquoi faire ? Transiter vers où ? Et pourquoi ? Nous ne sommes pas un pays en éternelle transition », a-t-il dit. «L’Algérie possède des institutions fortes et n’a pas besoin d’une période de transition. Chacun a le droit de donner son avis mais le peuple a plébiscité le président Abdelaziz Bouteflika lors des élections du 17 avril qui se sont déroulées de manière démocratique, de l’aveu même des organisations et institutions internationales », a-t-il précisé. Déjà avant lui, c’est Ahmed Ouyahia, chargé des consultations sur la révision de la constitution, qui avait annoncé au cours de la campagne électorale que «L’Algérie a connu la transition en 1992 ».
Mais l’opposition ne perd pas espoir que sa cause soit attendue par le pouvoir. Dans ses résolutions, outre qu’elle appelle à «poursuivre la lutte pour un vrai changement qui concrétisera la souveraineté du peuple ainsi que sa liberté de choisir ses dirigeants et représentants », mais appelle aussi le pouvoir à «ne pas rater la chance historique (…) en répondant positivement à l’initiative de transition démocratique ».
Simple vœu ou menace voilée ? En tous cas, seul un grand rapport de force pourrait changer l’avis du pouvoir qui ne manquera pas de torpiller l’initiative et qui visiblement reste attaché à sa feuille de route, à savoir mener à bon port la révision de la constitution.
Enfin, l’opposition devra composer avec des divergences qui ne manqueront pas de survenir dans ses rangs, dans la mesure où certains ne partagent pas certaines approches, comme l’association de l’ANP, proposée par Mouloud Hamrouche, ou encore l’idée même de la transition qui transparait dans les discours de Benflis, focalisées plutôt sur le retour à la légitimité, ou encore l’appel à une conférence de consensus défendue par le FFS.
Cela sans compter, les questions idéologiques qui ne manqueront pas de se poser plus tard. C’est dire que l’opposition, s’il a réussi le pari d’unifier ses rangs, dans la conjoncture actuelle, a encore un pain sur la planche pour imposer sa feuille de route de sortie de crise.
Sofiane Tiksilt