Transferts illicites de devises, Le laxisme criminel de l’administration

Transferts illicites de devises,  Le laxisme criminel de l’administration

Les ports symbolisent l’état de délabrement avancé de notre commerce extérieur

Le commerce extérieur se résume en un échange de factures entre des importateurs véreux et une administration laxiste.

L’affaire du transfert illicite de devises qui a éclaté avant-hier au port d’Oran est symptomatique de l’état de délabrement du commerce extérieur. Elle ressemble en tous points à celle traitée par les services de sécurité, il y a quelques mois au port d’Alger et qui mettait en cause des individus présentant le même profil. Ainsi, banquiers, importateurs et transitaires constituent le trio «gagnant» d’une filière en or massif. Ces criminels en col blanc courent les rues et les couloirs de nos administrations à voir la fatalité avec laquelle ils parviennent à transférer des montants astronomiques par le truchement de procédures simplistes, sans avoir à faire travailler leurs méninges.

La grande aisance qui leur permet de détourner une réglementation réputée l’une des plus bureaucratisées au monde signifie qu’en face d’eux, les criminels ont trouvé une administration laxiste et perméable à souhait. On aura compris, à voir les affaires d’Alger et d’Oran, que le souci de certains fonctionnaires n’est pas la défense de l’Economie nationale, et encore moins la sauvegarde des intérêts de la nation. L’absence d’inculpation de fonctionnaires du ministère des Finances ne les absout pas de responsabilité, lorsqu’on constate que la pratique du transfert illicite de devises est tellement répandue que ce genre d’affaires se discute dans les cafés, sans aucune espèce de précaution.

En effet, tous les Algériens sont au courant de cette pratique et l’administration semblait ne pas trop s’en préoccuper tant que l’argent de la rente coulait à flots. Il faut savoir, à ce propos, que les premiers scandales, avec arrestations à la clé, ont débuté au lendemain de la chute brutale des prix du pétrole. Au moment où la facture des importations flambait, l’on n’a pas trouvé un fonctionnaire de la République pour tenter de comprendre ce qui se passait réellement. Le commerce extérieur se résumait en un échange de factures entre des importateurs véreux et une administration laxiste qui ne prend pas la peine de contrôler. Pendant des années que ce trafic sévissait, saignant sérieusement le Trésor public, les structures publiques chargées du commerce extérieur ne se sentaient pas concernées par ce genre de transactions douteuses.

Mais disons-le franchement, si les instances habilitées n’avaient pas bougé le petit doigt, c’est aussi et surtout parce qu’en haut lieu, les signaux n’étaient pas très clairs. Le pouvoir politique se désintéressait de ce «petit» trafic ou était tenu dans l’ignorance de l’ampleur du gâchis par des niveaux de responsabilité intermédiaire qui pêchaient par incompétence ou étaient carrément complices du malheur que vivait le commerce extérieur algérien. Dans les deux cas, les manigances des importateurs leur ont permis de détourner des milliards de dollars et constituer d’immenses fortunes sur le dos des Algériens.

Les coups de filet de la police et de la Gendarmerie nationale ont ouvert les yeux de l’opinion publique, mais également des plus hautes autorités du pays sur ce «trou noir» qu’est devenu le commerce extérieur algérien. Sur les deux affaires d’Alger et d’Oran, ce ne sont pas moins de 500 millions de dollars. Cela sur quelques opérations seulement. Que dire donc de l’ampleur du trafic qui a cours depuis des années et concerne des centaines de conteneurs, dont nombre d’entre eux ne sont toujours pas ouverts.

Une partie de la hausse fulgurante de la facture des importations est dans cette fraude. Aujourd’hui que l’argent vient à manquer et que le gouvernement sent l’obligation de serrer la ceinture on lève le voile sur cette pratique criminelle qui renvoie à l’état hors contrôle d’un commerce extérieur ouvert à tous les vents. Il y a lieu de noter l’inconséquence de l’administration, l’incompétence de nombreux agents de l’Etat, une certaine impunité qui a encouragé les malfrats à sévir et enfin une sorte de laxisme généralisé qui a amené des concessionnaires et des compagnies pharmaceutiques ayant pignon sur rue à gonfler leurs factures pour mieux se sucrer en Algérie.

Cela doit cesser a annoncé le ministre du Commerce. Mais sa prise de position a soulevé l’ire des lobbies qui ont actionné leurs relais à l’APN pour le discréditer auprès de l’opinion.