Contrôle affiné des dossiers de domiciliation bancaire, généralisation de l’inscription au Fichier national des fraudeurs (FNF) des gérants et actionnaires de sociétés, spécialisation des importateurs, voire le rétablissement de l’obligation de paiement par crédit documentaire pour les opérations d’importation pour la revente en l’état.
Des mesures que les pouvoirs publics, décidés à davantage d’offensive, auraient décidé de mettre en œuvre pour mieux lutter contre les transferts illicites de capitaux vers l’étranger.
Le transfert illicite de capitaux vers l’étranger s’amplifie, atteignant des montants faramineux comme l’indiquent plusieurs investigations menées par les services de la douane, durant ces dernières années.
Un phénomène qui s’avère préoccupant dans la mesure où il emprunte différentes formes, notamment l’importation de marchandises sans valeur commerciale et leur abandon, le dédouanement de marchandises faiblement taxées et exagérément surfacturées, les transferts bancaires de devises sans débarquement de contrepartie en marchandises ainsi que la double facturation pour une même importation.
Un phénomène également inquiétant lorsque ses auteurs profitent des régimes fiscaux préférentiels ou dérogatoires, accordés en Algérie ou par les accords commerciaux conclus avec l’Union européenne ou dans le cadre de la Grande Zone arabe de libre-échange. Certes, les Douanes nationales peinent à juguler la fraude, bridées par la notion parfois incertaine de la valeur, l’insuffisante implication des autorités douanières de plusieurs pays d’Asie ainsi que la déconnexion entre le contrôle des flux de marchandises et le contrôle des flux financiers. Et cela même si de fortes pénalités à recouvrer sont infligées aux contrevenants.
Davantage de contrôle de la domiciliation bancaire
Pour autant, les pouvoirs publics ne comptent pas rester inertes. L’on croit ainsi savoir que des mesures destinées à bien contenir ce fléau ont été examinées et maturées sous l’égide de plusieurs instances et autorités publiques.
Il serait en effet question que les services de la Banque d’Algérie accentuent, en 2015, le contrôle des dossiers de domiciliation des transactions courantes vers l’étranger, en ciblant les établissements bancaires et les opérateurs qui activent dans l’importation. Voire, en renforçant le contrôle sur les activités et opérations d’importation à risque, celles réalisées à partir de pays à la réglementation laxiste.
En fait, les services de la Banque d’Algérie devront cibler en temps réel les agences bancaires et les opérateurs à l’origine de toute hausse d’importation de biens et services. Les banques publiques devront se doter d’un comité de vigilance, afin de vérifier les informations sur les clients avant de procéder à la domiciliation de l’opération d’importation.
Vers une liste grise des dirigeants de sociétés d’importation
Une autre mesure serait prônée par les pouvoirs publics, la généralisation de l’inscription au Fichier national des fraudeurs (FNF) qui relève de la Direction générale des Impôts (DGI).
Outre les personnes morales, les gérants et les actionnaires de sociétés d’importation pourront être inscrits au FNF et donc inclus dans la liste des interdits de registre de commerce.
Une sorte de liste grise qui pourrait aussi comporter les sociétés nouvellement créées, celles dont un associé ou un gérant détient des parts sociales ou gère une autre société inscrite au FNF. A charge cependant de permettre aux instances impliquées dans le commerce extérieur, notamment les banques commerciales, la Banque d’Algérie, les douanes et le CNRC de consulter rapidement ce fichier. De même, l’on envisagerait d’exiger une certification douanière de l’existence réelle de la marchandise à importer avant de remettre les documents à l’importateur pour procéder au dédouanement de sa marchandise.
Voire, les banques pourraient refuser la domiciliation des opérations de commerce extérieur lorsque les opérations antérieures du même opérateur ne sont pas encore apurées. Comme l’on proposerait d’exiger que le document de transport (connaissement), actuellement au nom du client, le soit au nom de la banque, pour éviter de faire plusieurs domiciliations dans plusieurs banques avec le même connaissement.
Ce que toute banque devra contrôler
Outre de ramener le délai d’apurement des dossiers de 4 à 2 mois, il serait aussi question d’élargir l’exigibilité de la taxe de domiciliation bancaire à toutes les opérations d’importation fractionnées et non seulement à l’opération principale. Comme l’on recommande que la banque intègre dans l’analyse des risques l’origine des fonds et exige une année au moins d’activité effective justifiée fiscalement. En outre, la banque doit renforcer les actions de contrôle a priori des documents servant à l’ouverture de la lettre de crédit (contrat, factures, prix, origine) et a posteriori des documents provenant de la banque correspondante (connaissement, bon de livraison).
Vers l’assainissement de la sphère des importateurs
Egalement, les pouvoirs publics n’écartent pas une possible spécialisation des importateurs à travers des registres de commerce spécifiques pour chaque catégorie de marchandises.
Ce qui permettrait d’assainir l’activité de l’importation destinée à la revente en l’état. Il serait aussi question que le capital des sociétés d’import-export soit augmenté et devra être entièrement libéré et mis sous la forme de caution dans une banque, ou auprès d’une institution spécialisée. Voire, l’obligation d’utiliser le crédit documentaire pour l’activité d’importation destinée à la revente en l’état devrait être rétablie.
Le rétablissement du Credoc, une mesure imposée en 2009 et assouplie ultérieurement, serait justifié par l’ampleur des dépassements constatés. Ces mesures seront-elles, ce faisant, efficaces ?
C. B.
Comment s’opèrent les transferts illicites de capitaux ?
Evalués à des montants faramineux (des dizaines, voire des centaines de millions de dollars), les transferts illicites de capitaux empruntent plusieurs formes. Des opérateurs, généralement des sociétés à responsabilité limitée ou unipersonnel, importent de Chine ou d’ailleurs, de la machinerie industrielle mais aussi des déchets de toute sorte et des conteneurs vides ou partiellement vides.
Sans valeur commerciale donc, ces produits sont souvent importés sous des prête-noms, parfois dans le cadre des différents régimes préférentiels (soumis aux taux réduits de droits de douane, bénéficiant d’avantages fiscaux et parafiscaux…). Importées pour des montants importants en devises transférés par les banques domiciliataires souvent de droit algérien, ces marchandises sont, dès leur débarquement, abandonnées à l’intérieur des enceintes portuaires et aéroportuaires.
Après écoulement des délais réglementaires, les services des douanes procèdent à leur ouverture, découvrant souvent des produits différents des marchandises manifestées, des marchandises de qualité inférieure, des marchandises rouillées et/ou vieilles de plusieurs années, ou d’une valeur en deçà du montant facturé ou supérieure à celle de son cours boursier (forte majoration des prix unitaires déclarés). Il y a également transfert illicite lorsque des marchandises faiblement taxées et exagérément surfacturées sont dédouanées.
Outre le transfert de devises sans débarquement de contrepartie en marchandises, le phénomène se traduit également par la double facturation pour une même importation. Il s’agit d’un nouveau procédé frauduleux, le montant transféré étant différent de celui déclaré.
Le transfert peut s’opérer aussi par l’entremise de passeurs habitués d’allers-retours réguliers et qui transportent les fonds en devises achetés sur le marché parallèle à partir des ports, aéroports et la frontière terrestre algéro-tunisienne. Durant les années 2011, 2012 et 2013, l’équivalent de plus de 670 millions de dinars ont été interceptés par la douane sur les voyageurs et dont le montant des amendes encourues s’élève à plus de 1,350 milliard de dinars.
De même que le transfert s’effectue via les cambistes de places bien connues dans de nombreuses wilayas en Algérie, en procédant au dépôt des fonds en dinars dans leurs bureaux et en recevant sur les comptes bancaires à l’étranger l’équivalent en euros ou en dollars, aux taux du marché parallèle. Les transferts illicites de fonds peuvent également se faire au moyen de fausses déclarations douanières à l’exportation consistant en la minoration des valeurs déclarées en douane.
Il s’agit pour les fraudeurs de rapatrier des sommes très en deçà des prix réels de vente à l’étranger de leurs marchandises.
C. B.
Même le parpaing et les chevaux en sont victimes
Les services des douanes d’Alger-Extérieur auraient constaté récemment l’importation de deux conteneurs contenant du pavé (parpaing), déclarés pour une valeur de plusieurs dizaines de milliers de dollars ! Une pratique frauduleuse qui concerne même les chevaux, parfois importés de manière surévaluée.
Ceux-ci sont déclarés en tant qu’équins de course nominés alors qu’il ne s’agit que de chevaux ordinaires, destinés aux travaux de terre et de traction. D’autre part, des importations d’or notamment ouvré effectuées au courant des années 2012 et 2013 à partir des pays de la Gzale susciteraient de forts soupçons de pratiques frauduleuses sur l’origine et sur les valeurs. Une suspicion qui pèserait également sur des opérations d’importation de logiciels informatiques taxés en douane sur la base de la valeur du support informatique (disque, CD…).
C. B.