«La commission de transfert des malades à l’étranger pour soins se réunira la semaine prochaine»
La santé algérienne sortira-t-elle de son coma en 2012?
Le secteur de la santé est-il en rémission? En tout cas le ministre de la Santé, Djamel Ould Abbès a mis sa tenue de pompier pour tenter de le sauver… En effet, Ould Abbès est monté au créneau. Il a décidé de sévir! En commençant par la question qui monopolise, ces jours-ci, l’actualité médicale, à savoir le transfert des malades à l’étranger.
A cet effet, Djamel Ould Abbès annonce que «la commission de transfert des malades à l’étranger pour soins se réunira la semaine prochaine». Le ministre de la Santé, qui s’exprimait en marge d’une séance plénière de l’Assemblée populaire nationale (APN) consacrée aux questions orales, a souligné qu’il «attirera l’attention des membres de la commission sur la nécessité de limiter les transferts à l’étranger aux cas complexes».
Rappelons que cette commission est composée de trois professeurs du ministère de la Santé et de deux membres du ministère de la Sécurité sociale. Ould Abbès veut donc mettre fin aux agissements de certaines personnes qui abusent de la prise en charge à l’étranger pour des cas bénins. Une façon de venir au secours de son collègue du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale, dont la Cnas croule sous les dettes contractées auprès des hôpitaux français accumulées à cause de cet «excès» de prises en charge à l’étranger.
Les autres raisons qui poussent le ministre de la Santé à ne pas approuver les transferts à l’étranger sont «la disponibilité de compétences et des moyens consacrés par l’Etat à la prise en charge sanitaire des citoyens, en plus de la dotation des hôpitaux en équipements pour permettre aux compétences nationales d’exercer dans les meilleures conditions».
Ould Abbès a également insisté sur le fait que son ministère veille à améliorer les prestations sanitaires au profit des citoyens. «Il est donc impératif de limiter les opérations de transfert des malades à l’étranger qu’aux cas exceptionnels difficiles à prendre en charge dans le pays», a-t-il souligné.
Il est vrai qu’il est inadmissible que l’Etat continue à prendre en charge des malades pour des soins à l’étranger pour des «broutilles», alors qu’au même moment, il débourse des sommes astronomiques pour améliorer et moderniser ses établissements sanitaires.
La formation comme cheval de bataille
La solution est donc d’optimiser les efforts pour améliorer la formation des personnels de la santé car il faut se dire la vérité en face, les moyens sont là mais ils sont mal utilisés à cause de la formation qui fait défaut. Ould Abbès en est conscient et c’est d’ailleurs son cheval de bataille.
«Des efforts sont consentis dans le domaine aussi bien médical que paramédical, en matière d’équipements et de structures de santé pour une meilleure couverture de toutes les régions du pays», assure le ministre de la Santé. Dans le même registre, à savoir celui de la formation, Ould Abbès a encore indiqué que l’ouverture de centres hospitalo-universitaires (CHU) dans les wilayas du sud du pays nécessite la formation de spécialistes. Il a rappelé, à ce propos, qu’un projet d’ouverture d’une faculté de médecine dans une des wilayas du Sud pour former des cadres est en cours d’étude.
«Le projet est en cours d’étude et sera fin prêt avant la fin du premier semestre 2012», atteste le ministre de la Santé. «Le centre anti-cancer de Djelfa sera, quant à lui, livré durant le premier trimestre de l’année 2012», a-t-il avisé.
Sanctions: il faut frapper fort
Autre point focal sur lequel le ministre de la Santé est revenu est le problème de pénurie et de surfacturation des médicaments. Ould Abbès persiste et signe: «Je vais sanctionner les personnes impliquées». Avant d’ajouter qu’il «était responsable du secteur de la santé et qu’il n’allait pas revenir sur sa décision de sanctionner les importateurs qui ont surfacturé des produits pharmaceutiques.»
Les masques vont donc bientôt tomber surtout qu’il fait savoir que ce n’est pas des menaces en l’air puisque les dossiers des personnes impliquées dans la surfacturation de médicaments sont déjà entre les mains des ministères des Finances et du Commerce, ainsi que des services des Douanes. «Nous avons transmis les dossiers à qui de droit et la justice fera son travail», a-t-il assuré.
Ould Abbès a en outre rappelé que «les montants de la surfacturation, qui a touché 38 produits, ont été estimés pour l’année 2011 à 94 millions de dollars». C’est la deuxième sortie du genre du ministre de la Santé qui, faut-il le rappeler, avait accusé le 30 décembre dans cette même Assemblée république nationale certains importateurs d’avoir «spéculé sur les prix de certains médicaments et dilapidé l’argent du peuple à travers des surfacturations estimées à 94 millions de dollars en 2011».
La sanction des personnes impliquées dans la surfacturation des médicaments, ainsi que les mesures prises pour interdire l’importation de 800 produits pharmaceutiques en 2012 contre 300 auparavant, et les négociations avec des firmes étrangères des joint-ventures pour produire localement les médicaments dont le pays a besoin, démontre la volonté de Ould Abbès à mettre fin aux lobbys des médicaments pour couper les bras de la mafia qui contrôle ce secteur vital.
D’ailleurs, il annonce même la fin de la crise du médicament. «Toutes les dispositions ont été prises pour régler définitivement les problèmes de pénurie de médicaments», atteste-t-il.
Paradoxe à l’algérienne!
Au moment où Djamel Ould Abbès était en train de faire l’«autopsie» de son secteur, les Douanes annoncent une hausse de près de 17% des importations de médicaments par l’Algérie en 2011. «Les importations de l’Algérie en produits pharmaceutiques ont atteint 1,95 milliard de dollars (mds usd) en 2011, contre 1,67 md usd en 2010, en hausse de 16,86%», rapportent les Douanes algériennes. «Toutefois, les quantités de médicaments importées par l’Algérie n’ont augmenté que de 2,2%, passant de 23,835 tonnes en 2010 à 24,362 tonnes en 2011», précise le Centre national de l’informatique et des statistiques (Cnis) des Douanes.
«La facture des médicaments à usage humain reste la plus importante avec 1,87 md usd en 2011, contre 1,610 md usd en 2010, enregistrant ainsi une hausse de 16,55%», révèle le Cnis. Les produits para-pharmaceutiques viennent en 2011 en seconde position avec 57,03 millions usd, contre 44,62 millions usd une année auparavant, en hausse de 27,8%.
Pour les médicaments à usage vétérinaire, les achats de l’Algérie se sont établis à 21,59 millions usd l’année dernière contre 19,31 millions en 2010, soit une progression de 11,86%, relève la même source. Un paradoxe donc à l’algérienne. Le pays a été secoué tout au long de l’année par une pénurie de médicaments mais leur importation a connu une hausse de près de 17%…
Comment cela peut s’expliquer? Par une surfacturation? Cela en a bien l’air surtout quand on voit qu’ en volume, les quantités de médicaments importées par l’Algérie n’ont augmenté que de 2,2%. En tout cas, ces statistiques révélées par les Douanes ont bien l’air de confirmer les accusations de Ould Abbès contre les importateurs. 2012 sera-t-elle l’année de Ould Abbès? Cela lui ressemble, à moins qu’il ne se rétracte comme il l’avait fait au mois de juillet dernier en révélant qu’il subissait des pressions de la part des lobbys du médicament.
«Il y a des personnes qui se présentent comme des fils de hauts responsables de l’Etat, afin que je cède à la pression, mais ils se trompent», a-t-il révélé, avant de se rétracter quelques jours après en refusant de donner des noms…
Le moment distraction – appelons-le ainsi – de M.Ould Abbès n’avait pas été exploité et le ministre avait vite fait de se rétracter en déclarant, 72 heures plus tard, comme pour s’excuser qu’il «a juste fait des constats et je n’ai accusé personne».
La perche tendue à l’époque par le ministre de la Santé n’a pas eu d’écho. Ould Abbès s’était donc retrouvé seul contre tous. Il a vite fait de rentrer dans les rangs…