Transfert illégal de capitaux, L’affaire «mobilart» devant la cour suprême le 24 avril

Transfert illégal de capitaux, L’affaire «mobilart» devant la cour suprême le 24 avril

Connu dans les anales de la justice sous le nom d’«affaire du transfert illégal de capitaux de l’Algérie vers l’Espagne», le fameux dossier plus répandu sous le surnom à consonance trabendiste d’«affaire des devises (900 millions d’euros) expatriées en cabas» revient sur le devant de la scène.

Jeudi 24 avril, le dossier sera examiné par la Cour suprême qui aura à statuer notamment sur les pourvois en cassation contre la sentence prononcée par la cour d’Alger en avril 2012, a-t-on appris de sources proches de l’affaire.

Y aura-t-il donc un procès bis alors que la plupart des condamnés ont déjà écopé leur peine et que le plus célèbre parmi eux -sur le plan business pour être précis-demeure en cavale ? Tout laisse à penser qu’il y aura effectivement une troisième manche de cette affaire qui ne semble pas avoir révélé tous ses secrets en dépit de deux longues audiences en première instance, janvier 2012, et en deuxième, en mois de mai de la même année. Seul changement à prévoir au procès post-cassation, quelques rares accusés parmi les 53, qui seraient cités à la barre en tant que simples témoins.

Grosso modo, à quelques rares exceptions près, la cour avait confirmé le jugement rendu au 1er degré, à savoir des peines entre 10, 7 et 3 ans de prison ferme, assorties de lourdes amendes, contre les 53 mis en causes. Quinze d’entre eux, parmi lesquels le patron de Mobilart, ont été condamnés, par défaut, à la peine maximale prévue par la loi, 10 ans d’emprisonnement. Un mandat d’arrêt international a été décerné contre l’ex- PDG de Mobilart et tous les autres mis en cause, absents lors du procès. Treize accusés, qui étaient en détention provisoire, ont écopé de 7 ans de prison ferme, alors que vingt-cinq autres, en liberté provisoire, ont été condamnés à 3 ans d’emprisonnement.

Les 53 personnes condamnées doivent, en outre, verser solidairement un montant faramineux à la douane algérienne. La partie civile a, en effet, vu sa demande d’être dédommagée à hauteur de cinq fois le montant global des devises transférées, soit l’équivalent de quelque 3 milliards d’euros, accordée par la justice au titre de l’action civile. Sur le plan procédural, il importe de rappeler que le 14 septembre 2011, la chambre d’accusation près la cour d’Alger avait tranché pour la correctionnalisation (ou la décriminalisation) de l’affaire.

En vertu de l’arrêt rendu par cette juridiction, les chefs d’accusation retenus au départ, à savoir les articles 2 et 15 de l’ordonnance 05-06 du 23 août 2005 relative à la lutte contre la contrebande, ont sauté et été remplacés par les articles 2 et 10 de la même loi. La chambre d’accusation n’a pas suivi le juge d’instruction près la 9e chambre du pôle pénal spécialisé en estimant en substance que le cas de figure était disproportionné avec l’article 15: «Lorsque les faits de contrebande constituent, de par leur gravité, une menace sur la sécurité nationale, l’économie nationale ou la santé publique, la peine encourue est la réclusion à perpétuité.»

Ainsi, outre le délit de contrebande (de devises), les 53 accusés ont été inculpés d’un autre délit : l’article 1 de l’ordonnance 10-03 du 26 août 2010 relative à la répression de l’infraction à la législation et à la réglementation des changes et des mouvements de capitaux de et vers l’étranger (fausse déclaration, inobservation des obligations de déclaration, défaut de rapatriement des capitaux, inobservation des procédures prescrites, inobservation des formalités exigées, défaut des autorisations requises, non-satisfaction aux conditions dont ces autorisations sont assorties).

A l’origine du déclenchement de toute cette affaire: une liste «noire» où figuraient 43 noms d’Algériens suspectés d’appartenir à un réseau transfrontalier de soutien financier au terrorisme et au crime organisé, transmise par les autorités espagnoles à l’Algérie, en milieu de l’année 2009, dans le cadre de la coopération judicaire entre les deux pays. Etablie donc dans le cadre de la traque des fonds susceptibles de financer le terrorisme et le grand banditisme, des recherches pour définir la traçabilité des fonds transférés par des étrangers vers des banques ibériques ont accouché de cette liste nominative.

Les critères de sélection adoptés alors par les autorités espagnoles étaient basés sur la fréquence des entrées-sorties et des déclarations de devises faites par les voyageurs algériens auprès des douanes espagnoles, ainsi que la masse de ces capitaux ramenés d’Algérie, en bagages à main, par avion ou par bateau. De quoi apporter de l’eau au moulin à un processus d’investigation mis en branle, peu de temps auparavant, sous le grand sceau de l’assainissement du commerce extérieur et dont les premières cibles consistaient en une quarantaine d’opérateurs dans l’import-export.

Le 13 janvier 2010, la PJ de la sûreté de wilaya d’Alger clôt son enquête préliminaire visant 44 «passeurs» présumés de devises fortes vers l’autre bout de la Méditerranée, ordonnée 9 mois auparavant par le parquet général d’Alger, et en transmet sitôt le rapport à ce dernier. Entre-temps, le dossier prenait de l’épaisseur au fil des jours, avec l’incorporation en avril 2009 d’une plainte émanant des services de la douane de l’aéroport d’Alger, puis, en août, d’un autre dossier en provenance du tribunal d’Oran concernant 27 opérateurs basés dans l’Oranie.

Houari Saaïdia