Outre l’effet de surprise qui a accompagné son annonce, la décision prise par l’État algérien de reprendre le complexe sidérurgique et l’unité tuberie sans soudure a rempli d’enthousiasme les travailleurs de ces deux entités économiques et tout particulièrement les représentants syndicaux.
Euphoriques, ces derniers se sont empressés d’adresser à la presse une copie du message de reconnaissance et de remerciements qu’ils ont transmis au président de la République pour avoir récupéré au bénéfice exclusif du groupe industriel public Imetal ce qu’ils qualifient de “fleuron de l’industrie algérienne et de pilier de l’économie nationale”. “La décision du président Bouteflika de reprendre les actifs du groupe ArcelorMittal en Algérie est une victoire pour la nation, le pays et les travailleurs”, est-il encore écrit dans ce message, sans qu’il soit fait la moindre mention sur les circonstances dans lesquelles ont eu lieu les discussions qui ont abouti à cette renationalisation, qui ne dit pas son nom. Ceux qui ont assisté au point de presse qu’a animé le ministre de l’Industrie ont remarqué que celui-ci a fait montre d’une trop grande réserve lorsque les journalistes ont souhaité connaître les termes de l’accord et notamment combien a coûté ce transfert d’actifs, se limitant à déclarer que l’accord a été conclu à l’amiable avec ArcelorMittal Algérie. Abdesselam Bouchouareb a également insisté pour qu’on évite de parler de renationalisation ou de recapitalisation.
Il n’a même pas voulu reconnaître que l’accord de partenariat, si cher à ses prédécesseurs, a été un échec, malgré l’évidence des conflits sociaux qu’a vécus le complexe.
Ces questions trottent pourtant dans la tête de nombre de salariés et de cadres des deux entreprises, qui aimeraient savoir quand finiront ces hauts et ces bas qu’on fait emprunter au complexe sidérurgique et aux sites miniers depuis l’année 2001.
Pour les sceptiques, le ministre de l’Industrie et des Mines n’en a pas suffisamment dit, mercredi dernier, lorsqu’il a annoncé solennellement le transfert total au groupe Imetal des actifs d’ArcelorMittal Algérie. “Il y a anguille sous roche dans cette transaction, à laquelle aucun représentant des travailleurs n’a été associé. Personne, y compris des hauts responsables d’AMA et de Sider, n’a entendu parler d’une quelconque révision du contrat de partenariat et encore moins d’un éventuel retrait du partenaire étranger. La surprise a été totale pour nous tous, au sein du complexe, lorsqu’on nous a annoncé que du jour au lendemain, nous allons revenir à la situation d’avant la venue de l’Indien Ispat”, s’inquiète A. Mehdi, un ingénieur en électricité, qui a vécu tous les chamboulements qui ont eu lieu sur le site durant ces vingt dernières années.
Un contremaître de la zone chaude, également sur le point de faire valoir ses droits à la retraite, est plus catégorique, en évoquant le devenir de l’usine. “J’ai lu et relu le communiqué qui a été affiché par la direction et je n’y ai rien trouvé de rassurant. On nous replonge encore dans l’incertitude, et ce ne sont pas les promesses de mise en route d’un plan de rénovation et de développement d’un milliard de dollars qui vont me réconforter. J’aimerais aussi savoir pourquoi on a confié au groupe ArcelorMittal l’assistance technique pour réussir le plan de développement du complexe d’El-Hadjar et combien cela coûtera.” Des avis qui ne sont pas partagés par la plupart des salariés désabusés, mais ravis de voir leur outil de production revenir dans le giron national après de longues années d’errements. Rappelons que la production d’acier liquide d’El-Hadjar était de 200 000 tonnes, l’année passée, alors que l’objectif annuel était de 1,2 million de tonnes. Exactement comme en 2000, lorsque le complexe était géré par l’entreprise Sider, à la seule différence que cette entreprise employait 11 000 travailleurs à l’époque.
A. A.