«Je ne veux pas que le projet du tramway d’Oran ait le même sort que le métro d’Alger», a déclaré hier le ministre des Transports, Amar Tou, lors d’une visite d’inspection aux chantiers du secteur à Oran.
Le parallèle du ministre est lourd de sens car le métro d’Alger perdure depuis plus de trois décennies sans être achevé.
Lors de sa visite au chantier, le ministre a été courroucé de savoir que le projet du tramway d’Oran pâtit encore de problèmes d’ordre technique et bureaucratique, malgré la priorité donnée par le ministère. C’est aujourd’hui presque une certitude: le tramway d’Oran ne sera pas réceptionné dans les délais contractuels.
Pire encore, le retard serait beaucoup plus important que ne l’avaient imaginé même les plus pessimistes. En effet, selon plusieurs techniciens approchés hier, sa réception s’étalerait audelà de la fin 2013, alors que les délais contractuels fixent la fin 2011 comme date limite de réalisation.
Les responsables du consortium espagnol «TRAMNOUR», constitué du Groupe ISOLUX CORSAN (chef de file) et d’ALSTOM TRANSPORTE pour la fourniture du système de tramway clés en main, se sont plaints au ministre des retards de payement des situations de travaux. Actuellement, les retards de payement s’élèvent à environ 40 millions d’euros, d’après ces responsables.
Le maître d’ouvrage, l’Entreprise du métro d’Alger (EMA) a justifié ces retards de payement par les désaccords avec l’entreprise réalisatrice Tramnour, sur les montants des travaux complémentaires. D’après le responsable de l’EMA présent dans le convoi ministériel, les négociations sur les montants des travaux complémentaires sont en cours.
Le ministre a sommé ce responsable de trouver une issue rapide à ce différend. Le responsable de Tramnour a fait savoir au ministre que ces retards itératifs de payement sont financièrement insoutenables par sa trésorerie. Ceci s’est conjugué aussi par des retards de payement des salariés de l’entreprise qui ont été démobilisés. Tramnour perd en crescendo ses meilleurs techniciens et travailleurs, apprend-on.
La plupart des travailleurs qui ont préféré partir voir ailleurs à cause des retards de payements de leurs salaires sont des expatriés, la majorité de nationalité espagnole, indique-t-on. Lors du dernier recensement, ils n’étaient que 150 travailleurs expatriés, il y a une quinzaine de jours, sur les 350 du total de l’effectif.
D’après des techniciens expatriés approchés en marge de cette visite, leur nombre s’amenuise de jour en jour comme une peau de chagrin. Selon le propre aveu de ces derniers, le nombre des travailleurs reste bien inférieur aux normes requises pour un chantier pareil. S’il faut faire un parallèle, le chantier du tramway de Constantine qui, selon les experts, est bel et bien presque identique à celui d’El Bahia, dénombre plus de 900 travailleurs.
Cette faiblesse de l’effectif empêche également l’entreprise Tramnour de procéder à des travaux continus, à savoir le 3 fois 8 heures, a-t-on également appris auprès des techniciens espagnols. Pourtant, lors de la visite du ministre en août dernier par le groupement espagnol Tramnour, a pris l’engagement de passer à un système de travail «3X8» pour rattraper les retards enregistrés, naguère.
UN CHANTIER SOCIALEMENT «MAL VÉCU»
Les retards enregistrés sont socialement mal vécus par les Oranais qui souffrent le martyr pour traverser les parties de la ville où est localisé le chantier. Les habitants du quartier populaire de Saint Eugène sont maintenant dédaignés par les transports publics et les taxis.
Au grand dam des citoyens, des automobilistes et des commerçants surtout de la rue Mohamed Boudiaf (ex Mostaganem) et le boulevard Saint Eugène dont les locaux se trouvent sur le tracé du futur tramway, le chantier a transfiguré les comportements des citoyens et de leurs déplacements.
Pourtant, sur le papier, personne n’a intérêt à ce que les délais soient dépassés particulièrement, la partie espagnole qui risque, selon la réglementation, de payer de lourdes pénalités à la partie algérienne en cas de retard, selon les clauses du contrat. Mais pour l’heure, beaucoup de voix officieuses avancent la date de 2013 pour livraison du projet, soit avec un retard de plus d’une année sur les délais contractuels.
En effet, conformément à l’article 36 du CCAG et des dispositions de l’article 78 du décret présidentiel n°002-250 du 24/07/2002, modifié et complété portant réglementation des marchés publics, «les pénalités de retard prévues sont appliquées sans mise en demeure préalable sur la simple confrontation de la date d’expiration des délais contractuels d’exécution et des dates de réception provisoire».
Pour le cas du projet du tramway d’Oran, ces retenues sont applicables en cas de dépassement des délais contractuels relatifs à chaque délai partiel, qu’on désigne selon les termes du contrat sous la dénomination de jalon, à condition bien que ce non respect de délais soit imputable au titulaire du projet, Tramnour ou à l’un ou plusieurs de ses sous-traitants.
Le montant de ces pénalités qui s’opère sous forme de retenues quotidiennes calendaires, peut varier, selon le jalon en question, entre 300.000 et 600.000 dinars en HT/jour, précise-t-on.
FICHE TECHNIQUE
Le tramway d’Oran a un tracé bidirectionnel. Dans sa version initiale, il devait s’étendre sur une longueur de 18,7 kilomètres, entre Es-Sénia et la bourgade de Sidi Maârouf via la place du 1er Novembre (ex-place d’Armes) au centre-ville, comprenant 30 rames d’une capacité de transport de 325 passagers chacune, soit 88,5 millions de passagers par an.
Mais par la suite une extension a été décidée, du côté Est de Sidi Maârouf vers le futur pôle universitaire, et du côté Sud d’Es-Sénia vers l’aéroport. Lancé fin 2008, le projet devait coûter plus de 39 milliards de D.A.
Yahia Benaïssa