Traitement des ordures ménagères dans la wilaya de Boumerdès: La solution des CET est-elle viable à long terme ?

Traitement des ordures ménagères dans la wilaya de Boumerdès: La solution des CET est-elle viable à long terme ?

Mardi passé, à l’occasion de la journée mondiale de l’Environnement, le wali de Boumerdès a inauguré le centre d’enfouissement technique des ordures ménagères implanté à Zaâtra, village situé au sud-est de Zemmouri.

La Direction de l’environnement de Boumerdès qui voulait certainement marquer cette journée n’a, finalement pas choisi le bon moyen. Ce centre, pour lequel pas moins de 30 hectares de terre utiles à l’agriculture ont été affectés, il y a quelques années, n’est pas encore équipé de moyens techniques pour le tri des ordures d’où leur étalement sur les 13 ha réservés à cet effet. En l’état, il n’est qu’une décharge intercommunale. De plus, il ne prend en charge que les ordures de six communes sur les 16 que compte la partie est de la wilaya de Boumerdès. Si le périmètre de ce CET est de 30 ha, son impact sur l’environnement fera perdre au minimum 100 ha à l’agriculture.

Pour rappel, au début des années 2000, le wali de l’époque, Ali Bedrici, avait proposé la région de Zaâtra, où se trouvent ce centre et une briqueterie érigée dans des conditions restées opaques, dont les terres sont certes à caractère agricole mais argileuses et non irriguées pour aménager une zone industrielle sur 1 500 hectares. Le niet du gouvernement était catégorique «Zaâtra est une région agricole», lui avait-on rétorqué.

Dans son argumentaire, l’ancien wali avait avancé certains avantages économiques notamment les accès et la proximité des RN 24 et 12, interconnectées par la RN 24D, la proximité de la voie ferrée (moins de 10 km), la disponibilité de l’énergie – la centrale électrique de Cap-Djinet et le gazoduc de Hassi-R’mel/Bordj-Menaïel.

Cette zone industrielle pouvait, en outre, redonner vie au port commercial de Dellys. L’actuel wali, Abderrahmane Madani Fouatih, ne peut que constater le gâchis et donner quelques assurances disant : «Nous veillerons à ce que ce centre fonctionne correctement. Nous veillerons particulièrement à atténuer son impact sur la santé de la population avoisinante et son environnement immédiat et qu’il offre un maximum de postes d’emploi. Nous avons également insisté pour qu’il soit exploité au bénéfice de toutes les communes de la partie orientale de la wilaya».

Quelle solution pour le long terme ?

Si l’on considère que chaque habitant rejette 0,800 kg d’ordures par jour (sans compter les rejets liquides), la wilaya de Boumerdès se retrouve chaque jour avec 768 tonnes de déchets ménagers — à l’exclusion des déchets industriels et hospitaliers ­— à collecter, à transporter et à stocker.

Cette quantité va en augmentant. Comme un malheur ne vient jamais seul, cette quantité d’ordures est produite par une population qui occupe à 70%, les espaces les plus utiles de la wilaya en matière de richesses agricoles et hydriques. Si l’on trace une ligne le long du centre de la wilaya qui a une forme allongée, entre la ville de Dellys, à l’est de la région et Hammadi à l’ouest, on passe nécessairement par les grandes agglomérations que sont Baghlia, Sidi-Daoud, Laâziv, Bordj-Menaïel, les Issers, Si Mustapha, Boudouaou, Ouled Moussa, Khemis-El-Khechna et Ouled Heddadj. C’est-à-dire que l’on piétine la plaine de Sebaou, le plateau de oued Bordj-Menaïel, la plaine de oued Issers, la plaine du sud de Corso, la plaine de oued Boudouaou et enfin la partie orientale de la plaine de la Mitidja. Sur cette surface sont situées probablement 80% des terres irriguées de la wilaya et plus de 80% des capacités de la nappe phréatique. De plus, environ 70% des activités industrielles et commerciales se déroulent sur cette ligne, qui plus est, l’axe principal de la mobilité de la population de cette wilaya.

A l’origine de ce déséquilibre, «dont l’absence d’une planification et de l’aménagement du territoire. Il suffit de relire sommairement l’histoire de la région pour faire le constat suivant ; à l’exception de Dellys, une ville millénaire, de Bordj-Menaïel qui existait du temps des turcs et de Boumerdès dont la construction a été entamée après l’adoption du plan de Constantine, toutes les autres villes citées plus haut ont été créées après la colonisation dans le seul but de piller les richesses agricoles de cette région fertile de la Basse Kabylie.

Au lendemain de l’Indépendance, les villes en question se sont développées dans l’anarchie consommant, jusqu’à présent, des milliers d’hectares de terres agricoles. Quelle mouche a piqué les responsables du ministère de l’Environnement pour installer le CET à Corso, en amont d’une plaine à haut rendement et où des dégâts écologiques sont déjà constatés (pollution de 3 puits et d’un oued dont les eaux arrivent en mer) ? Il est certain que dans quelques années, les produits de cette plaine seront impropres à la consommation. Pense-t-on à orienter l’urbanisation de la région vers le piémont de Boudouaou, Tidjelabine, Thénia, Keddarra et d’autres sous-régions où les terres sont, certes, quelque peu accidentées mais moins rentables ? De plus, le constat a été fait en 2003, elles sont à l’abri du séisme.

Abachi L.