Il aura fallu les naufrages de ces derniers jours, causant plus de 1400 victimes dont des enfants et des femmes, pour que se dessine une ébauche de concertation européenne.
Dès lundi, le gouvernement algérien a exprimé sa «vive émotion» face à la tragédie des migrants en Méditerranée où au moins 800 personnes sont mortes, suivies de 700 autres le surlendemain. Il a, de ce fait, appelé la communauté internationale à définir une politique capable de gérer le phénomène de la migration «dans le respect strict des droits de l’homme et de la dignité des migrants».Ce faisant, l’Algérie a plaidé pour une interaction entre la stratégie de lutte énergique contre les passeurs et celle d’un accompagnement du développement économique des pays d’origine pour solutionner de manière durable le problème posé par les flux de migrants clandestins.Ces tragédies ont «heurté toutes les consciences» et révélé l’urgence d’une réaction appropriée de la communauté internationale qui doit réagir sur un phénomène devenu dramatique au point d’interpeller l’opinion internationale.
L’Algérie qui inscrit son action dans le cadre de l’Union africaine, c’est-à-dire une politique commune, préconise une riposte concertée contre les «réseaux mafieux et criminels transnationaux qui ont fait de la traite des personnes un fonds de commerce florissant», à condition que soit mise en oeuvre «l’intégration du développement économique et social dans toute politique et dans toute stratégie régionale ou internationale liées à la problématique de la migration».
Par ailleurs, il faut noter la réaction du Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Zeid Ra’ad Al Hussein, qui a épinglé lundi l’Union européenne (UE) sur ses politiques migratoires «cyniques», demandant à la communauté internationale d’ouvrir une enquête indépendante sur les naufrages en Méditerranée. M.Zeid a critiqué notamment l’opération européenne de surveillance maritime Triton qui, dénonce-t-il, n’est pas adaptée à la situation, puisqu’elle vise plus «à contrôler les frontières maritimes qu’à sauver des vies».

Ces critiques ne sont pas les moindres mais elles accompagnent un débat de plus en plus houleux qui agite les coulisses de l’Union européenne. Longtemps, celle-ci est demeurée sourde aux appels de la Grèce et surtout de l’Italie confrontées, dans la plus haute des solitudes, aux nombreuses tragédies sur leurs côtes et à la prise en charge par leurs propres moyens des nombreux migrants repêchés dans leurs eaux territoriales.
Il aura fallu les tragiques naufrages de ces derniers jours, causant plus de 1400 victimes dont des enfants et des femmes, pour que se dessine une ébauche de concertation européenne sur un dossier auquel l’UE n’a eu de cesse de tourner le dos, au point de «transformer la Méditerranée en un vaste cimetière».
Bruxelles a convoqué d’urgence une réunion commune des ministres de l’Intérieur et des Affaires étrangères lundi dernier et elle envisage 10 actions «immédiates» pour contrer la crise migratoire en Méditerranée.
Le plan «pleinement soutenu» par les ministres des Affaires étrangères et de l’Intérieur de l’UE réunis en urgence à Luxembourg, doit être soumis demain aux chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE, lors d’un sommet extraordinaire à Bruxelles, convoqué après un nouveau naufrage au large des côtes libyennes causant encore des centaines de morts.
Le plan de l’UE suggère un renforcement des moyens de l’agence Frontex, avec le doublement des moyens de l’opération de surveillance maritime Triton et une poursuite des «trafiquants», avec la destruction de leurs navires, y compris par la traque sur leur propre sanctuaire.
Reste que la véritable cause de toutes ces tragédies est occultée, même si des voix, d’ailleurs vitre étouffées, s’élèvent pour la rappeler. Il y a moins de cinq ans, ni la Syrie ni la Libye n’étaient des zones de guerre et d’atteintes indicibles aux droits humains. Au contraire, elles participaient volens nolens à la protection des rives européennes face aux flux migratoires et ce sont les attaques de la coalition, entraînée par Nicolas Sarkozy, qui ont ouvert la boîte de Pandore. La sécurité européenne est désormais tributaire du retour de la paix et de la sécurité dans ces pays où des criminels tirent profit du chaos et font tout pour qu’il perdure.