Ce genre de trafic s’appuie sur des réseaux impliquant des médecins qui s’occupent de femmes enceintes célibataires et des notaires qui se chargent de fournir de faux documents d’adoption contre de fortes sommes d’argent.
Le phénomène de trafic d’enfants entre l’Algérie et la France, qui a pris naissance dans les années 1990, continue de connaître un essor. L’origine de ce trafic prend source en Algérie. Les différents réseaux spécialisés dans le commerce de bébés, dont la demande est très importante de l’autre côté de la Méditerranée, puisent leur “marchandise” auprès de spécialistes, notamment des médecins qui se sont investis dans une sorte de spécialité très lucrative.
On peut citer trois principales sources d’où s’approvisionnent les réseaux de trafic d’enfants très convoités par des couples résidant en Europe notamment. Il y a d’abord les bébés abandonnés par leurs mères dans les maternités, et dont les pères sont inconnus, les bébés abandonnés et laissés dans la rue, ou encore les bébés volés ou vendus par les parents. Légalement pour les deux premiers types de cas, les bébés sont placés dans des pouponnières et dépendent du procureur de la République pour une éventuelle kafala.
Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas, car bien des bébés sont détournés du circuit officiel et sont tout simplement livrés au réseau de trafic d’enfants. Pour le troisième type, on signale que le vol de bébés se fait de plus en plus inquiétant et préoccupant. Le dernier cas en date, qui a mis en émoi toute la population du pays, est le vol d’un nouveau-né à l’hôpital de Constantine. On souligne que ce phénomène est à l’origine d’une mutation sociale qui a complètement chamboulé les mœurs et les habitudes. Il n’y a qu’à voir la foule à la sortie des écoles pour quantifier l’importance du phénomène.
Pour ce que l’on qualifie de 4e exemple, qui commence à prendre de plus en plus d’ampleur, il est la résultante de la situation économique qui s’est dégradée et qui pousse certains “géniteurs” à céder leurs bébés contre une somme d’argent. Il faut savoir qu’après que les bébés abandonnés dans les établissements hospitaliers sont placés dans les pouponnières, les mamans ont un délai de trois mois pour se rétracter et reprendre leurs bébés. Passé ce délai, le bébé est définitivement placé à la pouponnière.
Pour ceux ayant été abandonnés ailleurs, le procureur décide aussitôt de leur placement avant qu’une enquête ne soit menée par la police pour identifier les parents. Dans les cas infructueux, ces bébés auront le même traitement que les premiers cités. Pour les personnes résidant à l’étranger et désirant la kafala d’un enfant, elles doivent fournir un dossier au consulat. Celui-ci est étudié par une commission et est transmis au ministère des Affaires étrangères lequel le retransmet à la wilaya où la demande est destinée.
Le procureur désigne une commission locale composée de 16 membres, dont une éducatrice, un médecin et un psychologue avant que le bébé ne soit placé dans la famille qui l’a demandé.
La filière opère entre l’ouest du pays et la France en passant par le Maroc et l’Espagne
Selon des statistiques disponibles, la demande de kafala par des familles résidant en France est très importante. Malgré le taux qui est estimé élevé, pour les placements, de plus en plus de familles s’orientent vers des réseaux de trafic. Pour l’année 2013-2014, 40 bébés sur les 48 installés dans la pouponnière de Tlemcen ont été placés dans des familles étrangères (20 dans des familles de l’intérieur du pays et 20 à l’étranger, 2 ont été repris par leurs parents et 6 font encore l’objet d’une enquête). Selon des spécialistes de ce phénomène, la filière internationale de l’Ouest opère entre l’ouest du pays et la France en passant par le Maroc et l’Espagne. Parmi ces réseaux, l’on cite le dernier qui a été démantelé, et dont les 13 membres ont comparu, il y a 6 mois, devant la justice pour “enlèvement et détournement” d’enfants algériens vers l’Europe, principalement vers la France.
À la tête de ce réseau, un médecin généraliste qui se faisait passer pour un obstétricien et prétendait s’occuper gratuitement, avec l’aide de sa sœur, de femmes enceintes célibataires jusqu’à ce qu’elles accouchent. Faisaient également partie du réseau deux notaires qui s’occupent à fournir de faux documents d’adoption contre de fortes sommes d’argent.
Le nombre d’accouchements dans la discrétion est estimé à 50 lors de l’année en cours. Ainsi, les bébés volés ou pris à leurs mères, souvent pauvres ou vivant dans la rue, transitent par le Maroc, puis introduits dans la péninsule Ibérique par des personnes qui se font passer pour leurs parents biologiques. Ils se servaient pour cela de faux papiers. Une partie de ces bébés est revendue à des familles voulant adopter un enfant, en Espagne et le reste finit en France où les trafiquants écoulent les bébés entre 4 000 et 10 000 euros.
Ce sordide trafic d’enfants qui devient inquiétant et qui se trouve au même niveau que celui qui a ébranlé l’Espagne avant 1990, année où il a été banni, est devenu un phénomène de société contre lequel tous les moyens doivent être mis en branle par les pouvoirs publics afin de le réduire au maximum.
On souligne que ce trafic de bébés s’appuie sur des réseaux impliquant des médecins, des infirmiers, des sages-femmes, des hommes de loi…, voire des membres d’associations lesquels offraient au trafic un paravent caritatif.