Trafic d’enfants : un dossier épineux et des questions en suspens

Trafic d’enfants : un dossier épineux et des questions en suspens
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Cette affaire d’enlèvements et de détournements d’enfants algériens pour les expatrier en Europe, notamment vers la France, risque de soulever en Algérie de graves questions de droit.

Après plusieurs suspensions de séance, Omar Benkharchi, juge près le tribunal d’Alger, a décidé, hier, après délibérations, du renvoi du procès pour trafic d’enfants à la prochaine session criminelle, arguant  de l’absence de plusieurs inculpés et autres témoins. L’avocat du principal accusé dans ce dossier, Me Toualbi Abdelli Thaâlibi, a aussitôt demandé la libération provisoire pour son client, le docteur H. Khelifa, un médecin mis en détention préventive depuis plus de quatre années.

“De toute ma carrière, je n’ai jamais assisté à une détention aussi arbitraire !” s’est exclamé l’avocat, impuissant face à l’intransigeance du juge qui refusera de donner une suite favorable à sa demande.

Me Toualbi ne manquera pas, en outre, de décocher une critique à la presse nationale qui, selon lui, s’évertue à donner à cette affaire une importance qu’elle n’a pas. Il faut dire que de nombreux journalistes ont été dépêchés hier pour couvrir ce procès qui promettait d’être retentissant. Mais de quoi s’agit-il vraiment ? Selon les informations diffusées la veille par l’APS, l’instruction de cette affaire a été lancée à la suite du décès, en 2009, d’une jeune fille lors d’un avortement dans un cabinet médical à Aïn Taya (Alger) appartenant au docteur H. Khelifa, principal accusé.

Une enquête menée par les services de sécurité révélera par la suite “de façon probante”, selon l’accusation, le détournement de deux enfants algériens, en 2005, vers la ville de Lyon. Une perquisition a permis de révéler, selon des rapports de police, le recueil de plus de 25 enfants et nourrissons par une nourrice qui exerçait pour le compte du principal accusé chez qui les policiers ont découvert des documents administratifs, des chèques postaux, des sommes d’argent en devises et en monnaie locale, des bijoux ainsi qu’un équipement médical utilisé en gynécologie et obstétrique.

De cette interprétation des faits, la justice retient que l’accusé prenait en charge des mères célibataires durant leur grossesse contre des sommes d’argent avant de procéder lui-même à leur accouchement dans son cabinet médical. Et ce n’est pas tout.

D’après l’acte d’accusation, le médecin, qui obligeait ses patientes à abandonner leur bébé à la naissance, se chargeait du placement des enfants dans des familles d’accueil en accomplissant toutes les formalités administratives et juridiques, en échange d’une rémunération, et ce, avec la complicité du

fils d’un notaire, Walid S., lui aussi incarcéré.

Ce dernier est accusé d’avoir rédigé la kafala en l’absence des parties concernées pour 15 nouveau-nés dont 9 auraient quitté le territoire national en direction de Saint-Étienne, en France. La défense, qui récuse ces accusations, affirme disposer d’un dossier à décharge très solide. Dans cet argumentaire, le principal accusé n’aurait jamais agi par mobile lucratif ou matériel, mais plutôt par “un engagement personnel, humanitaire et moral”.

Dans ce plaidoyer, l’inculpé se fait même un devoir de prendre en charge des mères célibataires en état de détresse et de choc psychologique et qui, dans le meilleur des cas, n’avaient le choix qu’entre l’avortement clandestin et le suicide.

Il semble, ainsi, que le principal accusé, le docteur H. Khelifa, ait un avis plutôt tranché sur cette question de grossesses “illégitimes” ou “non désirées” dont il s’est fait une spécialité. L’accusé, qui nie avoir pratiqué des avortements, affirme, au contraire, qu’il persuadait ses patientes à assumer jusqu’au bout leur grossesse.

Pour la défense, l’accusé ne faisait qu’apporter une assistance “bénévole” dans l’intérêt des enfants, des mères biologiques et des futurs parents. Rencontrée, par ailleurs, dans les couloirs du tribunal, Me Benbraham Fatma-Zohra a bien voulu nous confier son sentiment sur la réalité du trafic d’enfants en Algérie. “Il est certain qu’il existe en Algérie des filières.”

M C L