Rien que pour le premier semestre 2012, 42 tonnes de stupéfiants, principalement de la résine de cannabis, ont été saisies par les services de la Gendarmerie nationale en Algérie. En 2009 la quantité globale saisie était de 64 tonnes, contre 17 tonnes en 2010 et 16 tonnes en 2011. 66% de la quantité saisie durant les six premiers mois de 2012 l’ont été dans la seule wilaya de Tlemcen, frontalière avec le royaume alaouite.
Selon les statistiques de la Gendarmerie nationale, 75% des quantités de drogues saisies proviennent des régions sudouest et ouest du pays, expliquant que la culture du kif au Maroc arrive à sa production les mois de mai et de juin pour l’année 2012. L’autre porte qui s’est ouverte ces dernières années est à chercher du côté des frontières sahéliennes de l’Algérie.
Les grandes opérations de saisies effectuées proviennent des liquidations de stock de l’année 2011. Cette réalité est depuis quelques années ancrée dans le paysage de la lutte nationale contre les stupéfiants et prouve chaque jour que de pays de transit, l’Algérie est devenue un pays de consommation. Le Rapport annuel de l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS) pour 2012, année du centenaire de l’adoption du premier traité international relatif au contrôle des drogues, abonde dans le même sens puisqu’il énonce que la production illicite de résine de cannabis est concentrée dans certains pays d’Afrique du Nord.
Il cite le Maroc comme principal pays fournisseur de la résine de cannabis dont il est fait abus en Europe, région qui constitue le premier marché illicite mondial de cette substance. Le rapport de l’OICS, citant l’Organisation mondiale des douanes, affirme que quelque 72% de la quantité totale saisie par les autorités douanières dans le monde en 2011 provenaient du Maroc. Pourtant, poursuit le rapport, des données récentes de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) montrent que l’offre de résine de cannabis provenant d’autres pays, notamment d’Afghanistan, pourrait être en augmentation. Outre l’Europe, principale destination du kif marocain, d’autres pays d’Afrique du Nord ont déclaré avoir saisi de grandes quantités de résine de cannabis.
Les autorités algériennes ont saisi plus de 53 tonnes de résine de cannabis qui transitaient par le territoire national en 2011 et 26 tonnes au premier semestre de 2012, peut-on lire encore dans le rapport de l’OICS. Si pour le Vieux Continent les lots importants de cannabis illicite cultivé au Maroc sont transportés à bord de vedettes rapides et d’autres petites embarcations non commerciales, les fameux « gofast », la drogue entre en Algérie à travers ses frontières terrestres ouest et sud-ouest. Les trafiquants continuent d’acheminer du cannabis en passant par les voies traditionnelles comme les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla et le port marocain de Tanger.
En 2011, 138 tonnes de résine de cannabis ont ainsi été saisies. Le gouvernement marocain, pour sa part, a indiqué, toujours selon le rapport annuel de l’Organe, que la superficie des cultures illicites de cannabis s’était établie à 47 400 hectares en 2010 et aucun terrain supplémentaire n’a été visé par la substitution de cultures en 2011. Même si en Egypte la production de résine de cannabis est inexistante, il n’en demeure pas moins qu’en 2011 Le Caire a signalé la saisie de plus de 18 tonnes de cette drogue qui provenait majoritairement de pays plus à l’ouest en Afrique et, dans une moindre mesure, du Pakistan et d’Afghanistan. L’Egypte reste pourtant l’un des plus grands producteurs d’herbe de cannabis en Afrique du Nord. Malgré sa qualité de gros producteur, l’OICS note avec satisfaction que Rabat a donnée suite aux recommandations qu’il avait formulées après sa mission de 2009 dans ce pays.
Il constate que le gouvernement marocain applique une stratégie multidimensionnelle qui allie mesures de détection et de répression, éradication des cultures illicites, programmes de développement alternatif, réduction de la demande et offre de traitement pour rompre avec la tradition de la culture du cannabis dans le nord du Maroc. L’OICS l’encourage à poursuivre ses efforts visant à combattre la culture illicite et le trafic de cannabis, à continuer de recueillir et d’analyser des statistiques pertinentes sur l’ampleur de cette culture dans le pays, et à partager son expérience avec la communauté internationale. Pourtant, cette politique de lutte contre le trafic de drogue n’est dirigée, semble-til, que pour protéger les pays européens avec la guerre déclarée contre les réseaux internationaux de trafiquants de drogues qui reste, selon les rédacteurs du rapport en question, au coeur de la stratégie nationale antidrogue du Maroc.
L’OICS note que les Marocains ont pris un certain nombre de mesures, telles que le renforcement des capacités opérationnelles de divers services de sécurité, la mise en place d’une politique de contrôle aux frontières et le long des côtes, l’utilisation de nouvelles technologies de détection dans les ports et les aéroports, la mise au point de stratégies visant à prévenir et réprimer l’utilisation d’aéronefs légers pour le trafic de drogue. Néanmoins, le kif marocain continue toujours d’envahir l’Algérie à travers ses frontières terrestres.
Moncef Wafi