TRAFIC DE DOCUMENTS ADMINISTRATIFS ET D’ÉTAT CIVIL
Seuls remèdes, la clarté des procédures et la biométrie
Censés être délivrés gratuitement, les documents d’état civil feraient l’objet d’un trafic juteux dans quelques APC où des employés indélicats se livreraient à toutes sortes de trafics, essentiellement la vente de certificats et attestations de résidence. Fermement combattues, ces pratiques imposent la modernisation urgente de l’administration publique.
Selon le vice-président de l’APC de Tazerouk, «ces pratiques n’ont pas cours dans les petites communes car tout le monde se connaît et un trafic pareil aurait vite fait d’être éventé».
L’élu avoue toutefois que «le phénomène existe à Tamanrasset» en précisant que dans cette ville, «il y a des gens originaires des 47 autres wilayas du pays, sans compter les ressortissants des pays limitrophes, qui ont un besoin vital de se procurer qui un certificat de résidence, qui un extrait de naissance ou une fiche familiale».
«La délivrance de ces documents, nous dit-il, se fait souvent sur la base d’une simple déclaration de l’intéressé». Un fonctionnaire à la direction de l’éducation de la même wilaya nous affirme très sérieusement que «tout peut s’acheter dans cette ville» en indiquant, cependant, que «le trafic sur les certificats de résidence a conduit pas mal de gens derrière les barreaux».
On y prend goût !
Cette forme de délinquance serait-elle confinée dans des régions particulières ? «Pas à ma connaissance mais, assurément, il y a des régions où ce phénomènes est très prégnant», nous indique un confrère de Djelfa.
Dans cette wilaya, note-t-il, il s’agit de pratiques sociales ancrées dans l’esprit des populations nomades de certaines communes steppiques.
«Le fait de donner de l’argent pour la délivrance d’un extrait de naissance, une fiche individuelle ou une déclaration sur l’honneur ne signifie pas que l’on achète ces documents, c’est plutôt une forme de reconnaissance à l’employé qui vous fournit ce service», explique-t-il, ajoutant que «pour le malheur de ces citoyens, les fonctionnaires y ont pris goût, et la pratique est devenue habitude».
Le maire d’une importante commune de Tipasa reconnaît que les «pratiques négatives» n’ont pas totalement disparu, mais que, «jusqu’à preuve du contraire, il n’a jamais été prouvé que les citoyens de ma commune se font délivrer des documents administratifs contre de l’argent». Selon lui, la clarté des règles et des procédures interdit en principe toute pratique frauduleuse.
Et d’indiquer que des fonctionnaires indélicats l’ont appris à leurs dépens ; beaucoup de responsables administratifs se sont fait épingler en délivrant de vrais faux certificats de résidence.
De vrais faux documents officiels
Me L. Z., avocat qui a eu à défendre le président d’une APC relevant de la wilaya de Tipasa, accusé d’avoir délivré un certificat de résidence à une personne étrangère à sa commune, estime qu’il faut situer le problème dans son contexte : «Ces pratiques prouvent qu’il existe un gros trafic sur les documents administratifs».
Notre interlocuteur rappelle que durant la période où les mairies étaient aux mains des délégations exécutives communales (DEC) et des édiles du parti dissous, des milliers de faux documents ont été délivrés «qui ont servi à confectionner de fausses pièces d’identité».
Plus important, il nous révèle que les documents officiels délivrés par les administrations de l’Etat sont frappés de suspicion au niveau des chancelleries étrangères.
Aujourd’hui, nous apprend-il, les émigrés souffrent énormément de ce problème car, pour être valide dans n’importe quel pays de l’Union européenne, tout document délivré par l’administration algérienne doit être légalisée par le ministère de tutelle.
«Les documents d’état civil sont validés par le ministère de l’intérieur, la nationalité par les affaires étrangères, le casier judiciaire par le département de la justice et ainsi de suite», note L. Z. Pour cet auxiliaire de justice, les raisons sont nombreuses qui justifient le recours impératif à la biométrie.
«Sans elle, il est impossible de lutter contre le trafic de documents administratifs, tout comme il serait vain de prétendre moderniser l’administration», conclut-il.
A. L