Trafic de carburant aux frontières ouest,Réservoirs à sec

Trafic de carburant aux frontières ouest,Réservoirs à sec
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Tlemcen. 22 janvier 2012. Il est 14h30. A l’entrée de la ville, une impressionnante file de véhicules se dresse devant une station-service. Le carburant ! Naftal approvisionne mensuellement cette wilaya d’environ 55 millions de litres entre mazout et essence.

Les services de la Gendarmerie nationale de Tlemcen ont saisi durant l’année 2011 plus d’un million de litres destiné à traverser les frontières. Il s’agit là des quantités récupérées au niveau d’une seule wilaya et par un seul corps de sécurité. Ce qui transite réellement reste inestimable.

En cette journée ensoleillée de la fin du premier mois de l’an 2012, la population locale semblait profondément absorbée dans son œuvre légendaire. Faire le plein de carburant, le vider dans des jerricanes et revenir à la station-service pour remplir le réservoir. Les frontières ouest restent très difficiles à surveiller. Dispositif sur dispositif, pourtant le carburant algérien transite vers le voisin de l’Ouest. Même si la mobilisation et les prises opérées par les gardes frontières sont quasi-quotidiennes. Mais le Maroc aspire sans arrêt et surtout paie bien ! Le trafic de carburant rapporte plus que toute autre activité et les stations-services à Tlemcen décrochent toujours les pistolets des pompes plus tôt que prévu.

Réservoirs à sec !

«Faut-t-il faire en sorte que chaque véhicule fasse une seule fois le plein par jour pour empêcher les contrebandiers de vider les puits de leur essence», dira un observateur de la scène. Difficile à réaliser sachant qu’une fois le réservoir vidé, le contrebandier cible une autre station-service pour refaire le plein, en changeant de conducteur, histoire de faire diversion et ne pas attirer l’attention. C’est toute une stratégie, voire une doctrine, tant que le trafic de carburant permet de faire fortune. Il y a de jeunes gens de la région qui n’ont que ça à faire pendant toute leur vie. Ils ne connaissent pas d’autres moyens pour survivre ! Le chômage dans ces localités fait rage et l’agriculture, en dépit des milliers d’hectares de terres fertiles, n’est pas développée. La contrebande explose ! Derrière la façade d’une capitale de la culture islamique et des festivités à gros sous, se cache la plaque tournante du trafic en tous genres. Une triste réalité qui résulte de la misère des uns et d’un manque de vision flagrant des autres. A chacun ses priorités ! Les jeunes gens sans emploi de la région semblent avoir choisi la leur. Mais il y a le Maroc. Il accueille à bras ouverts les milliers de litres de carburant pompés des réservoirs d’Algérie. Un argent réinvesti dans l’achat de drogue acheminée dans le pays. Carburant contre drogue. Qui dit mieux ? Lundi 23 janvier 2012. Il est 10h30 et comme de coutume, les stations-services de Tlemcen sont prises d’assaut. Le wali aurait instruit les propriétaires des stations-services de ne pas dépasser les 40 litres pour chaque véhicule léger et 180 litres pour les camions. Une mesure qui ne semble pas trop mettre les contrebandiers dans l’embarras. Car à vrai dire ils font le tour de toutes les stations de services. 40 litres par-ci, 40 litres par là. Naftal approvisionne mensuellement cette wilaya de 17 millions et 29 000 d’essence et de 38 millions et 168 000 l de mazout. Les unités du groupement territorial de la Gendarmerie nationale de Tlemcen ont procédé durant l’année 2011 à la saisie de 404 943 d’essence et de 653 184 l de mazout, ainsi que 512 855 jerricanes en plastique. Il s’agit là, bien entendu, des saisies opérées au niveau d’une seule wilaya et par un seul corps de sécurité.

Les gendarmes traquent les dépôts de stockage

Limiter l’approvisionnement des véhicules en carburant, suivant l’instruction du wali de Tlemcen, reste difficile à faire, tant que des complicités existent au niveau de certaines stations-services. Des autochtones de la région affirment que des propriétaires de stations-services sont pleinement engagés dans le trafic de carburant aux frontières. Les unités du groupement territorial de la gendarmerie de Tlemcen qui ont, par le passé, mis la main sur des propriétaires de stations-services indélicats, suivent actuellement de très près ce dossier et veillent à l’application de l’instruction du premier magistrat de la wilaya. D’ailleurs, 300 véhicules légers, 3 camions et 350… bourricots ont été interceptés aux frontières par les gendarmes au cours de l’année 2011. Le plus gros impliqué dans le trafic de carburant. Mais le plus grand défi à relever reste la localisation des dépôts de stockage de carburant aux frontières. Les contrebandiers qui font le plein dans les stations-services mettent leurs litres de carburant dans des jerricanes bien mises à l’abri dans des dépôts situés près des frontières. Mais le péril réside justement dans la proximité de ces dépôts des villages limitrophes, mettant la vie des familles qui y résident en danger, en cas d’incendie. Combien de contrebandiers ont d’ailleurs mis le feu dans leurs dépôts pour faire disparaître les preuves, mettant ainsi le voisinage en danger de mort. Les éléments de la gendarmerie de Tlemcen ont réussi durant l’année 2011 à mettre la main sur plus de 15 dépôts d’une capacité de stockage allant de 15 000 à 5 000 litres de carburant.

M. M.

Reportage réalisé par Mehdi Mehenni