Trafic aux frontières Est : L’autre face de Souk-Ahras

Trafic aux frontières Est : L’autre face de Souk-Ahras

Comme toutes les wilayas frontalières, Souk- Ahras connaît une nette recrudescence de la contrebande. Mais la nature même du terrain, composé de montagnes et d’oueds, contraint les tranbendistes à utiliser des techniques spécifiques .

À Souk-Ahras, les gendarmes ont l’avantage du terrain. Les montagnes escarpées et les oueds profonds ne permettent pas aux contrebandiers d’évoluer dans des conditions «propices». Une situation qui diffère totalement de Tébessa, où, à la faveur des vastes étendues steppiques, les trabendistes utilisent des véhicules puissants pour le transport en masse de marchandises.

Baudets

«Ici, l’essentiel des produits traversent la frontière sur des baudets, des motos ou sont transportés à dos d’homme. Les conditions sont très difficiles, voilà pourquoi le phénomène de la contrebande est assez limité», explique le lieutenant- colonel Mabrouk Fratsa, commandant du 18e Groupement de gendarmes garde-frontières.

Posté à Taoura, le 18e GGF est chargé de la surveillance du tracé frontalier qui s’étend de la wilaya d’El-Tarf à celle de Souk-Ahras sur près de 200 kilomètres. L’officier reconnaît que malgré les difficultés liées à la configuration du terrain, la contrebande connaît une nette augmentation dans cette région.

Certains indices ne trompent pas. C’est le cas, notamment, du nombre de baudets saisis ces dernières années. Ainsi, selon une étude comparative réalisée par les services de ce GGF, 244 ânes ont été saisis durant l’année 2008 et 447 en 2009. Mais rien que pour les quatre premiers mois de l’année en cours, les GGF ont mis la main sur 204 bêtes de somme.

On constate, toutefois, que le nombre de véhicules saisis sur la bande frontalière a fortement baissé : 15 en 2008, 3 en 2009 et juste 2 pour les quatre premiers mois de 2010. «Il est évident que les véhicules ne sont pas adaptés à cette région, contrairement aux baudets. Ces derniers sont utilisés essentiellement pour le transport de carburant vers la Tunisie», note le lieutenantcolonel Fratsa.

Ce dernier fait toutefois la révélation suivante : «Les baudets qui traversent la frontière ne sont pas tous utilisés pour la contrebande. Nous disposons d’informations faisant état d’animaux qui seraient destinés à des zoos tunisiens». Ainsi, les ânes d’Algérie serviraient de biftecks aux fauves de Tunisie. Une preuve que les trabendistes sont à la recherche de nouveaux débouchés.

Corail

Mais il est vrai qu’en matière de contrebande, il existe des valeurs sûres dans la région. C’est notamment le cas du corail. L’or rouge des côtes d’El-Kala fait l’objet d’un trafic incessant depuis des années. Tout se fait dans la plus totale illégalité, sa pêche étant interdite depuis 2000. Les gendarmes du 18e GGF ont récemment réussi à saisir 13,100 kg de ce produit très prisé en joaillerie.

«Cette quantité de corail était en possession d’un individu qui traversait à pied la frontière. Nous l’avons interpellé près de la localité de Kef-Sekleb, dans la wilaya d’El-Tarf. Le trafic de corail est particulièrement rentable. Le kilogramme se négocie à 12 millions de centimes», note le lieutenant-colonel Mabrouk Fratsa.

Biens culturels

Il n’y a pas que le corail qui intéresse les marchés européens. Les pièces archéologiques traverseraient, elles aussi, les frontières dans la plus total illégalité. Néanmoins, l’usage du conditionnel semble s’imposer en évoquant ce sujet très sensible. Selon l’adjudant Khaled Righi, chef de la cellule régionale d’atteinte aux biens culturels, les affaires de trafic se sont toutes déroulées sur le territoire national.

«Depuis 2007, année de la création de cette cellule, nous n’avons pas traité d’affaires de trafic illégal de biens culturels vers l’étranger. Toutes les pièces ont été saisies sur le territoire national. Aucun ressortissant étranger n’a été arrêté dans ce cadre. Mais nous savons que sans notre intervention, certaines pièces auraient fini sur les marchés internationaux.»

Dotée d’une compétence territoriale qui s’étend sur 6 wilayas (Tébessa, Souk- Ahras, Guelma, Annaba, Oum El Bouaghi et Khenchela), le 5e Commandement régional de la Gendarmerie nationale a réussi à récupérer près de 2000 pièces archéologiques et objets d’art durant trois années d’exercice. Cette entité dispose de deux structures de ce type.

«En plus de la lutte contre le trafic de biens culturels, notre mission consiste également à surveiller les sites protégés et à contrôler ceux nouvellement découverts. Nous travaillons en collaboration avec l’Office national de gestion et d’exploitation des biens culturels protégés (Ogipec), les directions de la culture des wilayas et même les APC.»

Installées dans l’ensemble des commandements régionaux de la gendarmerie, les cellules d’atteinte aux biens culturels sont appelées à se développer après une phase d’expérimentation.

Trafic de véhicules

Par contre, en matière de trafic de véhicules, les unités territoriales du Groupement de gendarmerie nationale de Souk-Ahras ont acquis une grande expérience. Lors d’une opération coup-de-poing qui s’est déroulée samedi et dimanche derniers, les gendarmes ont réussi à saisir 9 véhicules circulant avec de faux documents. «Ce phénomène n’est pas propre à la wilaya de Souk-Ahras.

Le trafic de véhicules est répandu sur l’ensemble des wilayas de l’est du pays», note le lieutenant- colonel Abdelaziz Touafek, commandant du Groupement de gendarmerie de Souk-Ahras. En fait, les trafiquants utilisent plusieurs techniques. La plus usitée consiste à récupérer les documents d’un véhicule accidenté, d’en retirer le jeu d’aile — partie métallique sur laquelle est gravé le numéro de série — et de le souder sur un autre véhicule.

Cette technique est généralement appliquée sur les anciens modèles de marque Peugeot. Sur des modèles plus récents, les trafiquants n’hésitent pas à effacer le numéro de série pour en graver un autre inscrit sur des documents acquis frauduleusement. Depuis le début de l’année, dix-sept véhicules trafiqués ont été saisis par les gendarmes à Souk-Ahras.

T. H.