La recrudescence de la fermeture des routes fait craindre tout déplacement à Béjaïa
Depuis quelques mois, les fermetures des routes imposées par d’interminables protestations sociales se font au grand jour et à un rythme infernal.
La ville de Béjaïa était hier pratiquement vide. La circulation automobile était inhabituellement fluide. Et pour cause! Tous les axes routiers desservant cette ville étaient coupés à la circulation. Pas moins de quatre manifestations ont été enregistrées en ce début de semaine dans la wilaya de Béjaïa. Elles ont toutes pris le départ aux portes de Béjaïa. Du coup, les travailleurs ont été contraints au chômage forcé, les étudiants ont raté leurs examens. Le port et l’aéroport ainsi que toutes les unités industrielles ont été à l’arrêt. Béjaïa était en stand-by. Et personne ne semble s’émouvoir. L’inquiétude était telle hier, au point de pousser à l’interrogation. Y a-t-il une autorité à Béjaïa? Jusqu’à quand allons-nous subir ce diktat? Pourquoi le recours à cette manière de protester? Qui est derrière ces mouvements intempestifs? Des questions nombreuses se posaient hier à l’opinion locale. Une opinion qui se sentait désabusée ne sachant plus à quel saint se vouer. L’heure est grave, conclut-on. Les discussions sur ce sujet et le risque d’affrontement entre citoyens n’est pas à écarter tant ces blocages sont récurrents et le spectre de Ghardaïa est même évoqué.
La RN 09 est fermée par ceux-là même qui ont bloqué un projet de raccordement de gaz, dix années durant. La fermeté affichée par les autorités quant à la concrétisation de ce projet à travers l’itinéraire initial a provoqué la colère des villageois de Tidhelsent à Aokas. Le feuilleton du raccordement en gaz de ville de la daïra de Souk El Tenine continue.
A l’entrée est de la ville de Béjaïa, ce sont les riverains de la RN 09 qui sont sortis hier matin pour réclamer l’aménagement d’un trottoir. Ils en ont ras-le-bol de se salir les chaussures en sortant de leurs habitations. Et quoi de mieux pour se faire entendre que de fermer la route à Iryahen.
Sur la RN 26, ce sont les villageois de Tagma qui ont bloqué la circulation routière. Ils veulent de l’électricité. «On ne s’étonnera pas demain si un citoyen en manque de tabac puisse fermer une route pour réclamer sa cigarette», une sentence d’un citoyen qui n’a de valeur que d’illustrer l’ampleur qu’a pris ce fléau de fermeture de routes et l’urgence d’y mettre fin. Depuis quelques mois, la recrudescence de la fermeture des route fait craindre tout déplacement dans cette région. Les spectaculaires fermetures des routes imposées par d’interminables protestations sociales se font au grand jour à un rythme infernal. C’est à croire que tout manque à la population de la région, contrainte à une pénalisation mutuelle entretenue depuis plusieurs mois à Béjaïa. Les conditions de vie difficiles sont souvent le moteur de ces manifestations, qui se traduisent par d’importants bouchons routiers. En proie à des pénuries d’eau et de gaz, des problèmes d’assainissement, au mauvais état des routes les habitants prennent d’assaut, les axes routiers pour se faire entendre. «Normal!» s’exclamait hier un usager de la route «d’autres se sont fait entendre en recourant à la fermeture de route pourquoi pas eux?» ironise-t-il comme pour accabler la politique des pouvoirs publics face à ce phénomène qui focalise toujours les principaux axes routiers (RN26 ou RN12) jugés stratégiques. Hier, une véritable pagaille et plus de 30 km de bouchons ont complètement paralysé les deux axes routiers desservant Béjaïa.
«Le blocage des routes est le seul moyen que nous avons pour nous faire entendre. Nous avons bien raison d’y recourir», justifie un protestataire visiblement décidé derrière les barricades. En ce début de semaine, les blocages des deux importants axes routiers de la région ont paralysé la ville de Béjaïa, qui a, elle aussi, connu une marche organisée par l’association pour la protection des consommateurs qui s’insurgeaient contre la flambée des prix sur le marché. Ces blocages ont exacerbé les usagers. Cette escalade de l’action radicale pénalise l’activité économique qui tourne au ralenti dans une situation de forte tension; les usagers rejettent majoritairement ces fermetures systématiques des routes, jugées «injustifiées». La semaine dernière, un drame a été évité de justesse. Les usagers se sont heurtés à l’entêtement des protestataires qui ne voulaient pas céder le passage sur la RN26. «C’est insupportable! Il faut qu’on arrête ces blocages», peste un chauffeur de camion dans l’impossibilité de faire les longs détours empruntés par les véhicules légers.
Comme lui, beaucoup se sont mis à plaindre leur sort. «Autant je comprends la préoccupation des protestataires, autant je ne comprends pas la position des autorités qui ne daignent répondre qu’à ceux qui bloquent les routes», souligne-t-il avant d’ajouter: «Cette manière de faire des autorités encourage les gens à bloquer les routes. Ça, c’est insupportable.» Les usagers sont remontés pas seulement face à ces blocages, mais aussi face à l’inertie des autorités. Le blocage des routes empoisonne la vie des usagers qui se retrouvent otages de l’inertie des autorités. Le blocage des routes coûte cher à l’économie de Béjaïa. L’économie locale est, en effet, portée par des PME dont les besoins en déplacements sont quotidiens. «Ce recours ne pénalise que le pauvre salarié, le commerçant et l’opérateur économique, qui paient la facture. Les autorités sont à l’abri», râle un entrepreneur qui attendait sa marchandise provenant du port. «Comment une dizaine de protestataires peuvent-ils bloquer aussi facilement des dizaines de milliers de citoyens usagers de la route?», s’interroge un chauffeur au volant d’un bus, coincé dans l’embouteillage à Iryahen.
«Ça me révolte! Je trouve inadmissible de prendre les gens en otage. Je trouve cela anormal», lâche un autre usager de la route. Réconfortés par l’aboutissement de leurs revendications ou du moins la promesse de leur prise en charge, les protestataires finissent souvent par faire des émules. Et le phénomène de la fermeture des routes fait tache d’huile.
Conséquemment, les populations de la wilaya de Béjaïa descendent souvent dans la rue pour réclamer l’amélioration de leurs conditions de vie et exprimer leurs revendications. L’avenir est porteur de risque si des mesures adéquates ne sont pas apportées par ceux qui ont la charge des affaires publiques.