Le rapport annuel du gouverneur de la Banque d’Algérie relève que plusieurs institutions financières en Algérie demeurent mal équipées dans le domaine de la mise en application des mesures prévues en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
Ce constat vient poser de nouveau avec acuité la problématique de la réforme des institutions financières algériennes, qui tarde à se faire jour sous nos cieux.
Le moins que l’on puisse dire c’est que le rapport du gouverneur de la Banque d’Algérie, qui doit être présenté ce lundi par Laksaci devant les députés de l’APN, et dont nous nous sommes procuré une copie, souffle le chaud et le froid en relevant, d’une part, des avancées significatives, tout en mettant en exergue des insuffisances d’une relative gravité.
Le document, en effet, indique qu’«en matière de lutte antiblanchiment et suite aux contrôles en la matière réalisés en 2010, les banques et établissements financiers ont accompli des progrès en matière d’adaptation de leurs dispositifs de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, efforts matérialisés par une meilleure appréhension du risque inhérent».
Or, le document relève, immédiatement après, que «la conformité de certaines institutions reste en deçà des exigences et standards requis et des efforts sont à déployer par ces dernières afin de combler les faiblesses décelées, notamment en matière de procédure, de formation du personnel et de mise à jour des dossiers clientèles (…) et la qualité de l’information recueillie par les banques et établissements financiers figure parmi les insuffisances qu’il convient de corriger».
Voilà pourquoi, nous apprend encore le document, «la Banque d’Algérie a diligenté 6 enquêtes dans le courant de l’année passée».
Deux d’entre elles ont porté sur l’évaluation du portefeuille de deux banques alors que deux autres avaient trait au dispositif de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Des enquêtes spéciales ont, également, été menées en vue de vérifier la régularité d’opérations réalisées par des clients de banques et établissements financiers.
LES MARCHÉS DE CHANGES PARALLÈLES DES DEVISES EN LIGNE DE MIRE…
Dans le même ordre d’idées, et à la poursuite des mêmes buts, pas moins de 15 missions ont été conduites essentiellement au titre de la vérification de la conformité des opérations concernées aux dispositions législatives et règlementaires en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et des infractions à la règlementation des changes.
D’autre part, les missions de contrôle ont relevé 50 cas de non-respect par les banques et établissements financiers du dispositif prudentiel régissant la profession. Il y a même eu des infractions dans ce sens, selon le rapport de la Banque, des banques. Ces cas sont imputables pour 26 % aux banques privées.
Les établissements financiers privés ont été responsables de 36 % des cas d’infractions commises en 2011. S’agissant du respect par les banques et établissements financiers des dispositions légales et règlementaires, il y a lieu d’observer que concernant la base des déclarations transmises, «19 institutions seulement, parmi celles assujetties, ont respecté toutes les normes prudentielles».
Plus grave encore, nous apprend aussi le document, la Banque d’Algérie a enregistré la bagatelle de 12 787 personnes physiques et morales frappées de déclaration d’interdiction d’émettre des chèques. Les chèques impayés déclarés à l’institution que préside Laksaci demeurent concentrés sur la tranche comprise entre 10 000 et 1 million de dinars, à savoir 81 % du total des chèques sans provision émis.
De plus, il est constaté une meilleure maîtrise de ce genre de problèmes par la centrale des risques, puisque le nombre d’incidents de paiement sur chèques déclarés par les banques à cette structure pour absence ou insuffisance de provision a atteint les 80 % de l’ensemble des chèques rejetés en compensation pour le même motif.
Globalement parlant donc, et en attendant de voir ce que dira Laksaci pour justifier les énormes retards pris dans les réformes des institutions financières, ainsi que la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, force est de relever que celui-ci a toutes les chances d’être vivement interpellé par rapport aux propos très graves récemment tenus par le ministre de l’Intérieur, quand il avait indiqué que les cambistes du square Port-Saïd étaient tolérés par l’État.
Cet aveu lourd de sens peut signifier, en effet, que l’État encourage en sous-main le blanchiment d’argent et le transfert massif de devises vers l’étranger, ce qui contredit foncièrement le rapport de Laksaci. À suivre donc…
Ali Oussi