Tout en revendiquant un gouvernement FLN, Saâdani veut la tête de Sellal

Tout en revendiquant un gouvernement FLN, Saâdani veut la tête de Sellal
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Le secrétaire général du FLN

Ses sorties récurrentes ne sauraient être classées dans le divers. La scène nationale ne peut ignorer ces attaques ciblées visant le Premier ministre.

La démarche du secrétaire général du FLN est on ne peut plus claire. Depuis son arrivée à la tête du parti majoritaire, il n’a eu de cesse de porter des coups au pouvoir exécutif. Amar Saâdani ne remet pas en cause les actions ou encore la stratégie adoptée par l’équipe gouvernementale. Les réalisations, les ratés, les imperfections ou autres polémiques créés par les islamistes pour gêner le gouvernement ne l’intéressent pas outre mesure. L’homme ne cherche qu’une chose. Qu’on donne le pouvoir exécutif au FLN, pour la simple raison que ce parti est à la tête du pouvoir législatif.

Partant de cette logique qui n’est pas consacrée par l’actuelle Constitution, celle-ci laissant toute liberté au président de la République de choisir son Premier ministre, le patron du vieux parti milite pour le changement de la loi fondamentale. Toute autre considération lui échappe ou ne l’intéresse pas du tout.

Presque toutes ses sorties médiatico-politiques, sont centrées sur cette préoccupation seulement. Ainsi, lorsqu’il parle d’Etat civil, de séparation des pouvoirs ou de nouvelle Constitution, le secrétaire général du FLN poursuit un seul objectif, à savoir être associé à la désignation du premier responsable de l’Exécutif. Pour y parvenir, il n’a vu que la voie de la révision constitutionnelle, histoire de donner du sens à son ambition.

LG Algérie

Responsable par effraction

Cela dit, l’homme semble vraiment y croire et va jusqu’à critiquer l’actuel locataire du Palais du gouvernement. En estimant, il y a quelques temps que Abdelamalek Sellal n’avait aucune expérience en politique, Saâdani tente de faire admettre la nécessité d’une appartenance partisane pour tout chef de l’Exécutif. Technocrate accompli et homme de confiance du président de la République, le Premier ministre n’a rien à prouver en ce qui concerne le management d’une équipe gouvernementale.

Il est de tradition, en effet, que ce poste revienne à une personnalité compétente qui jouisse d’un maximum de crédibilité dans les rouages de l’administration. Le choix de Sellal répond donc à des considérations objectives, mais aussi politiques au sens où, avant d’être Premier ministre, il a été directeur de campagne du président de la République. Il a, à ce titre, pris part à la confection du programme électoral du chef de l’Etat dans ses aspects économiques, mais aussi politiques.

Il faut dire qu’au regard de la configuration du pouvoir, les deux hommes, à savoir Saâdani et Sellal sont du même bord. Mais cela ne semble pas satisfaire le secrétaire général du FLN qui donne l’impression de vouloir «personnaliser» la passe d’armes pour le pouvoir. Les insinuations répétées sur le principe de la majorité qui doit gouverner, en arrivent à agacer beaucoup de responsables politiques du pouvoir. Certains vont même jusqu’à lui retourner la critique en relevant que lui-même n’est pas blanc comme neige. Au plan politique, son arrivée à la tête du FLN est quelque peu contestable.

Il faut savoir, à ce propos, que Saâdani n’a pas été élu par la base du FLN, mais porté au poste de secrétaire général par les membres du comité central et pas par le congrès, comme le stipulent les statuts du parti. En un mot comme en mille, l’homme est parvenu par effraction au secrétariat général. Son sens de la «gestion» l’amène à différer aux calendes grecques une session du comité central et hypothéquer le congrès de sa formation politique, seulement pour pouvoir réclamer le pouvoir exécutif. En diluant la question du congrès par des propos populistes, du genre «c’est aux militants d’organiser le congrès», le patron du FLN s’engage sur une voie illégale qui en dit long sur l’idée qu’il doit se faire des institutions du pays. Comment charger un chef de parti de former un gouvernement, alors qu’il n’arrive même pas à réunir sa direction politique? Cette interrogation, les observateurs se la posent et ils ne misent pas un centime sur une personnalité comme Saâdani pour camper le rôle du chef de la majorité, dans le cadre d’une Constitution accordant le pouvoir exécutif au parti majoritaire dans le législatif.

L’urgence d’un arbitrage

Au plan personnel, n’oublions pas que le patron du FLN traîne encore quelques casseroles médiatico-judiciaires, en rapport notamment avec ses acquisitions à Paris. A ce propos, des sources autorisées parlent de contacts entre les justices algérienne et française et de concertation judiciaire à propos de certaines accusations rapportées par la presse française, en ce qui concerne les biens immobiliers de Saâdani en France.

Au plan de la vision «stratégique» Saâdani n’a aucune gêne à accepter une trop grande proximité entre le pouvoir et le monde des affaires, arguant que les opérateurs économiques doivent défendre leurs intérêts en faisant de la politique. Le nombre d’hommes d’affaires déjà important dans les institutions élues de la République ne le dérange pas.

En fait, tout plaide contre Saâdani, mais ce dernier insiste à vouloir jouer les premiers rôles et à force de chercher la brèche pour s’immiscer dans les affaires de l’Etat, donner de la politique algérienne une image déformée, au point où des observateurs se demandent pour qui roule réellement le secrétaire général du FLN. Il est clair, cependant, que ce comportement n’émane pas d’un personnage de seconde zone. Nous parlons ici du premier responsable de la première force politique du pays. Ses sorties récurrentes ne sauraient être classées dans le divers. La scène nationale ne peut ignorer ces attaques ciblées visant le Premier ministre.

Cette situation ne saurait durer indéfiniment. L’impression «bicéphale» que veut donner Saâdani au pouvoir est appelée, en principe, à cesser. Un arbitrage doit intervenir d’une manière ou d’une autre, en attendant la promulgation de la prochaine loi fondamentale du pays, estiment les observateurs qui constatent que la scène nationale fait ressortir un Premier ministre qui tente par tous les moyens de conserver une paix sociale, quitte à faire des compromis, et un «petit» pyromane qui court dans tous les sens et jette le doute dans les esprits. Enfin, il est évident que l’objectif essentiel de Saâdani est de voir Sellal quitter le gouvernement pour le remplacer par une personnalité du FLN. Qui? Saâdani ne voudrait pas donner plus de détails, mais on le devine. Nul n’est bien servi que par soi-même.