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N’y a-t-il rien qu’on ne trouve pas ici? Au fil de la marche, car en voiture les ruelles s’apparentent à un calvaire, l’acheteur découvre des marchandises insoupçonnées. Entre outillage, literie, jeux vidéo, vélos, articles de sport… tout se vend ici!
Traversée par la RN 5, aux routes poussiéreuses et encombrées, El Hamiz sonne comme «consommation» ou «achats» dans les oreilles des Algérois. On y vend absolument de tout, à des prix défiant toute concurrence. Un urbanisme improvisé, des ruelles qui font des zigzags incessants, des parkings informels à foison. Voilà à quoi ressemble le plus grand «centre commercial» algérien.
Les prix pratiqués sont inférieurs à ceux des distributeurs officiels et les commerçants ont rarement un problème de disponibilité. Par contre, pour la garantie, on y reviendra. Les commerçants pratiquent, au mieux, une garantie de marche. C’est-à-dire que, pour un appareil électrique par exemple, ils s’assurent que l’article s’allume et qu’il fonctionne. Tant pis s’il s’arrête le soir-même. Les différents «rayons», aussi surprenant que cela puisse paraître, sont relativement bien organisés. C’est comme si les commerçants s’étaient réunis pour compartimenter la ville. «Si je veux acheter de la literie, je sais vers où aller», déclare Djamel, père de famille, non sans un sourire en coin. «Pour l’électroménager c’est la même chose», ajoute-t-il. «Je me suis familiarisé avec les lieux avant mon mariage, j’ai fait tous mes achats ici», explique-t-il. «On y trouve tout, aux meilleurs prix. Il suffit de passer la journée ici pour meubler sa maison», conclut-il, avant de s’en retourner à ses achats, accompagné de sa femme. Sami, Manel, Zoheir et Sarah sont là pour tout autre chose. Cette bande d’amis, tous la vingtaine, cherchent du matériel de bivouac. «Nous cherchons des tentes et des sacs de couchage», annoncent-ils. «C’est un ami qui nous a conseillés de venir chercher ici; c’est le dernier endroit auquel nous aurions pensé pour ce genre d’achats», plaisantent-ils. «Et pourtant! C’est possible de s’équiper en entier par ici!», s’exclament-ils, sans cacher leur surprise. «Par contre, il faut savoir ce qu’on achète, tout n’est pas de bonne qualité», relativise Zoheir. N’y a-t-il rien qu’on ne trouve pas ici? Au fil de la marche, car en voiture les ruelles s’apparentent à un calvaire, l’acheteur découvre des marchandises insoupçonnées. Entre outillage, literie, jeux vidéos, vélos, articles de sport… tout se vend ici! Un peu plus loin, vers «Sentipi», un quartier que les habitants ont nommé d’après la Sntp, Société nationale des travaux publics, c’est le «rayon» prêt-à-porter. Les grossistes de vêtements y pullulent. Des vêtements fraîchement arrivés de Turquie, le nouveau fournisseur de l’Algérie en textiles. La façon avec laquelle les magasins se chevauchent est impressionnante; tellement, qu’essayer de faire la distiction entre eux devient difficile. Inutile de mentionner que la majeure partie du chiffre d’affaires échappe aux impôts.
Les revenus issus de cette ville et qui sont déclarés sont insignifiants. «Certains magasins ne sont même pas installés légalement», lance Abdelhak, un riverain. «La grande majorité des commerçants ont des complices au niveau des impôts, et ils sont prévenus quand un contrôle est prévu», assure-t-il. «Ils ferment boutique tout simplement les jours de contrôle. Ils sont même au courant des périodes de congé des contrôleurs des impôts!», ajoute-t-il avant de retourner à son domicile. Autant dire que le manque à gagner pour le fisc est abyssal. Difficile à calculer, mais ô combien facile à imaginer! Il n’y a pas une direction dans laquelle l’oeil regarde sans voir une personne repartir avec des achats fraîchement effectués; et ce, à longueur de journée. El Hamiz n’est pas le seul «no tax land» en Algérie. La cité Soummam, à Bab Ezzouar, El Eulma, Aïn M’lila, Médina Jdida à Oran… difficile de citer de façon exhaustive tous les gouffres financiers qui, au vu et au su de tout le monde, privent l’Algérie et l’Algérien d’un dû. Celui d’un impôt qui servira à la collectivité, dont certains commerçants peu scrupuleux s’épargnent au nom d’un égoïsme et d’une fraude décomplexés.