Une croissance économique de 3,42%, des importations de biens de 65,4 milliards de dollars, un déficit budgétaire de plus de 4 100 milliards de dinars, un excédent de plus de 2 600 milliards de dinars à verser dans le fonds de régulation des recettes.
Ce sont quelques données chiffrées de l’avant-projet de loi de finances pour 2015 qui, par ailleurs, consacre l’abrogation de l’article 84-bis, entérine l’octroi des crédits bancaires à la consommation et prévoit plusieurs mesures controversées en matière d’investissement et promotion de la production nationale.
Dans une note de présentation, les rédacteurs assurent que l’avant-projet de loi de finances (APLF) pour 2015 s’insère dans les objectifs tracés par le programme quinquennal 2015-2019, notamment ceux visant une croissance économique sensible avec une plus grande diversification de sa structure, une amélioration de la part des exportations, hors hydrocarbures, dans les exportations totales, une création d’emplois effectifs et une augmentation de la part des recettes ordinaires dans les ressources budgétaires.
Au-delà de l’analyse de la conjoncture mondiale, l’avant-projet compare entre les données du FMI et celles du plan d’action du gouvernement, adopté par le Parlement concernant l’économie nationale.
Les chiffres du FMI et ceux du gouvernement comparés
Certes, le FMI prévoit une amélioration sensible de la croissance économique (4,3% en 2014 et 4,1% en 2015, contre 2,7% en 2013), sous l’hypothèse d’une diversification de l’économie algérienne, malgré le repli de la croissance de la valeur ajoutée des secteurs, hors hydrocarbures.
Toutefois, les prévisions du programme quinquennal 2015-2019 situent le niveau de la croissance du PIB à 3,42% en 2015, en retrait de 0,7 point de pourcentage par rapport aux prévisions du FMI, en raison de l’écart entre les évolutions du secteur des hydrocarbures (+1,72% dans l’avant-projet 2015 et +2,3% dans les prévisions du FMI).
Pour l’Algérie, il est prévu une augmentation du taux d’inflation qui devrait atteindre 4% en 2014 et en 2015 (contre 3,25% en 2013), tandis que l’avant-projet fixe une variation de l’indice des prix à la consommation de +3,0%. Pour l’Algérie, le FMI prévoit une tendance à la baisse du taux de chômage qui devrait atteindre 9,4% en 2014 et 9,0% en 2015 (contre 9,8% en 2013).
Les importations sont estimées à 65,4 milliards de dollars en 2015
Ainsi, l’avant-projet a été basé sur les grands agrégats économiques et financiers suivants : un prix du baril de pétrole brut à 37 dollars pour le prix de référence fiscal et à 100 dollars pour le prix moyen du marché, ainsi qu’une parité monétaire dinar-dollar américain de 79 dinars pour un dollar.
Il prévoit également une augmentation des importations de marchandises de 6,2% par rapport à 2014 ( en volume de 4,54% et de prix à 1,60%), à 65,44 milliards de dollars, contre une progression des exportations d’hydrocarbures de 3,68%, à 66,02 milliards de dollars.
Un déficit budgétaire de plus de 4 100 milliards de dinars
En termes de cadrage budgétaire, l’avant-projet observe que «la confection du budget de l’Etat au titre de l’année 2015 s’insère dans une démarche prudente et réaliste, en conformité avec les capacités économiques et financières du pays». D’où «un parachèvement des programmes qui se poursuivra, tout en privilégiant l’efficience de la dépense publique».
Dans ce contexte, l’avant projet de la loi de finances pour 2015 se déclinerait en 8 858,1 milliards de dinars au titre des dépenses et en 4 684,6 milliards de dinars au titre des recettes. Un profil budgétaire qui induirait un niveau du solde budgétaire de -4 173,4 milliards de dinars représentant -22,0% du PIB. Voire, le solde global du Trésor se situera à -4 187,0 milliards de DA, soit -22,1% du PIB.
Plus de 2 600 milliards de dinars à verser dans le FRR
De manière explicite, l’on indique que les recettes budgétaires s’élèveraient, en 2015, à 4 684,6 milliards de dinars, se répartissant en 1 722,9 milliards de dinars en produit de la fiscalité pétrolière et 2 961,7 milliards de dinars en fiscalité ordinaire.
Le produit de la fiscalité pétrolière budgétisée devra croître sous l’effet, essentiellement, de l’évolution des quantités d’hydrocarbures commercialisées (marché local et marché international). Soit, une fiscalité pétrolière à recouvrer qui devrait s’établir à 4 357,1 milliards de dinars, générant ainsi une plus value à verser dans le FRR de l’ordre de 2 634,2 milliards de dinars à la fin de 2015. La fiscalité ordinaire progresserait de 13,0%, passant ainsi de 2 621,8 milliards de DA en 2014 à 2 961,7 milliards de DA en 2015, sous l’effet combiné des hausses des produits des contributions directes (+8,5%), des impôts sur les affaires (+11,1%), des produits de douane (+8,9%) et des contributions au budget de l’Etat ainsi que des revenus des participations de l’Etat de 43,1%.
Hausse des dépenses de fonctionnement
Quant aux dépenses budgétaires, elles s’établiraient en 2015 à 8 858,1 milliards de dinars en hausse de 15,7% par rapport aux dépenses de la loi de finances pour 2014. Cette hausse s’explique par la croissance aussi bien des dépenses de fonctionnement (+5,5%), que celles d’équipement (+32,1%). En effet, les dépenses de fonctionnement augmenteraient de 257,8 milliards de dinars, passant de 4 714,5 milliards de dinars dans la loi de Finances 2014 à 4 972,3 milliards de dinars dans l’APLF 2015, soit une hausse de 5,5%.
Et ce en raison notamment de la prise en charge des nouveaux postes budgétaires et du produit de la formation ainsi que de l’impact des avancements dans les carrières, avec des dépenses de rémunérations qui se situeront ainsi à 2 104,4 milliards de dinars contre 1 976,8 milliards de dinars dans la LF 2014.
Davantage de soutiens et aides publiques
En outre, l’intervention économique de l’Etat passera de 534,3 milliards de dinars en 2014 à 493,3 milliards de DA (-41 milliards de DA), avec, toutefois, une hausse des contributions de l’Etat au profit de l’Onil et à l’OAIC, qui enregistreront des augmentations de 3,4 milliards de dinars et 8,4 milliards de dinars, respectivement. Par ailleurs, le budget de l’Etat continuera de prendre en charge les aides et subventions en direction des franges de populations fragilisées, le soutien des produits et services de base ainsi que les dispositifs de promotion de l’emploi.
Dans le domaine de l’action sociale, l’avant-projet évoque le soutien aux retraites d’un montant de 226,3 milliards de dinars couvrant le différentiel de pensions de retraites des moudjahidine, des petites pensions, la contribution de l’Etat au Fonds de réserves de retraites, des indemnités et allocations (ICPRI, Icar, ICPR …), mais aussi une dotation budgétaire en direction des élèves démunis (allocation spéciale, gratuité du livre scolaire, cantines scolaires et bibliothèques scolaires) d’un montant de 41,0 milliards de dinars, ainsi qu’une dotation d’un montant de 1 milliard de dinars pour alimenter le fonds de pension alimentaire pour les femmes divorcées.
L’article 87-bis sera abrogé
Par ailleurs, l’avant-projet consacre l’abrogation de l’article 87-bis de la loi n°90-11 du 21 avril 1990, relative aux relations de travail, ainsi que le renvoi à la voie réglementaire pour la nouvelle définition de SNMG.
Cette mesure sera couverte dans la mesure où le budget de fonctionnement intègrera également, un montant de 310,5 milliards de dinars de provision groupée couvrant notamment l’incidence de la révision de la définition du SNMG.
Hausse des crédits d’équipement
Quant aux dépenses d’équipement, l’on indique que les autorisations de programmes (AP) pour 2015 s’élèveront à 4 079,7 milliards de dinars contre 2 744,3 pour la LF 2014 soit une hausse de 1 335,4 milliards de DA (+48,7%). Les crédits de paiement (CP) passeront de 2 941,7 milliards de DA dans la LF 2014 à 3 885,8 milliards de DA dans la loi de finances pour 2015, soit une hausse de 32,1%.
Ce niveau de crédits de paiement se décomposera entre les investissements pour un montant de 2 802,1 milliards de dinars (en hausse de 944,1 milliards de dinars) et les opérations en capital pour un montant de 1 083,7 milliards de dinars. Il s’agit de prendre en charge notamment une tranche du programme en cours (PEC) de 863,2 milliards de DA, un montant de réévaluation de 760,7 milliards de dinars, une dotation pour le soutien à l’activité économique de 811,9 milliards de DA (CAS), ainsi que l’inscription d’un programme neuf de 1 178,2 milliards de DA en direction, notamment, des secteurs de l’habitat, de l’hydraulique, de l’énergie, de l’éducation-formation- enseignement supérieur et de la santé.
Des exonérations mais aussi des surprises fiscales
Par ailleurs, plusieurs propositions d’ordre financier, économique et social sont contenues dans cet avant-projet. En ce qui concerne l’encouragement de l’investissement et la promotion de la production nationale, le projet évoque l’octroi d’avantages fiscaux aux investissements qui portent sur les activités relevant des filières industrielles. Ces investissements bénéficient d’une exonération en matière d’IBS ou d’IRG et de la TAP pour une durée de 5 ans. Ces mêmes activités bénéficient d’une bonification à 3% des taux d’intérêts applicables aux prêts bancaires.
En matière fiscale, l’avant-projet fait état d’une disposition assez surprenante de la révision du taux de l’IBS en l’unifiant à 23% au lieu des 19% (sociétés exerçant dans la production de biens, BTP et tourisme) et 25% (sociétés exerçant dans les activités de commerce et de services) qui sont en vigueur.
Autre mesure, l’augmentation du droit fixe d’enregistrement de 500 à 1 500 DA, applicable à tous les actes qui ne se trouvent tarifiés par aucun article du code de l’enregistrement et qui ne peuvent donner lieu à la perception d’un droit proportionnel, à l’instar des actes de location d’immeubles.
Révision du régime d’imposition forfaitaire
D’autres dispositions d’exception sont évoquées, notamment la soumission des biens usagés à la TVA sur la marge et ce, en vue d’encadrer le marché d’occasion, ainsi que la soumission des intrants destinés à l’aviculture au taux de 7% de TVA au lieu et place de l’exonération.
La révision du régime d’imposition forfaitaire (IFU) est aussi évoquée à travers, notamment la révision du seuil du régime du forfait (IFU) en le portant à 30 millions de DA et alignement du seuil d’assujettissement à la TVA sur ce nouveau seuil, la suppression du régime simplifié et du taux proportionnel de 20%, le relèvement du montant du minimum d’imposition de 5 000 DA à 10 000 DA pour les contribuables relevant de l’IFU, l’exclusion des sociétés et coopératives soumises à l’IFU, du champ d’application de l’impôt sur les bénéfices des sociétés.
Le timbre du passeport à 10 000 dinars
Comme il est fait état de l’augmentation des droits de timbre sur les passeports de 2 000 DA à 10 000 DA en contrepartie de la biométrisation du document et de l’augmentation de sa durée de validité (10 années au lieu de 5 années) ainsi que la suppression du mode de paiement par timbre mobile.
A contrario, le droit du timbre sur certains documents administratifs (certificat de nationalité, casier judiciaire et carte d’identité nationale) est supprimé. Outre l’institution d’une amende fiscale sur la détention ou la vente d’ouvrages en métaux précieux importés en dépit du dispositif légal, le projet comporte le réaménagement de la taxe intérieure de consommation sur les produits tabagiques par l’institution d’un taux proportionnel de 10%, applicable sur la valeur, en sus d’un droit fixe applicable sur les quantités.
Le crédit à la consommation consacré
Le texte propose aussi de relever le montant du minimum d’imposition de 5 000 DA à 10 000 DA, pour les contribuables relevant de l’IRG.
Ce faisant, l’avant-projet autorise les banques à accorder, en sus des crédits immobiliers, des crédits à la consommation destinés à l’acquisition de biens par les ménages. Comme il instaure un ancrage légal à la nouvelle formule du logement, dénommée «logement promotionnel public (LPP)», à l’effet de la consacrer comme un projet d’intérêt public, destiné à une tranche de population éligible à l’aide de l’Etat.
C. B.