Tourisme Saharien,Les professionnels lancent un cri de détresse

Tourisme Saharien,Les professionnels lancent un cri de détresse
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C’est aujourd’hui que va être lancée l’opération de nettoiement et d’aménagement des sites touristiques de la wilaya de Tamanrasset. Organisée par la wilaya, la direction du tourisme, en collaboration avec les agences de voyages

, ainsi que l’Office national de l’Haggar, cette initiative coïncide avec la célébration de la Journée internationale du tourisme. Elle a pour objectif de préparer les sites et les doter de moyens et commodités nécessaires en prévision d’accueillir les touristes dès l’ouverture officielle de la prochaine saison prévue dès novembre. C’est une première opération du genre dans la région qui se veut, également, un appel pressant pour la relance du tourisme dans la région,

en hibernation depuis deux ans en raison de la fermeture, pour des raisons de sécurité, des plus importants et prestigieux sites touristiques du parc de l’Haggar et Tassili. La région a été désertée par les touristes étrangers et les différents opérateurs activant dans le secteur ont dû changer d’activité laissant des milliers de personnes au chômage. La relance du tourisme saharien à Tamanrasset n’est, de nos jours, plus une question de prestige mais elle s’impose et décidera du devenir de la région,

de l’avenir des acteurs ainsi que du développement local. La caravane qui sillonnera les différents sites va les débarrasser des détritus, installer des plaques de signalisation, dégager les pistes et dépoussiérer un patrimoine riche en plus de sensibiliser des touristes à préserver ces lieux charmants. Il est question également d’aménager les lieux pour permettre aux visiteurs de passer un bon séjour.

«On va procéder à la mise en place de deux espaces sahariens à travers l’installation de camps de toile, de tentes et autres commodités à l’Assekrem et au Tassili du Hoggar», précise Ahmed Hamdaoui, directeur de l’agence Takouba. Il est prévu aussi la relance de la célébration des fêtes locales et religieuses et l’invitation des tours opérateurs étrangers, dans une grande caravane, pour une nouvelle présentation des plus beaux sites au monde. La réouverture des sites interdits d’accès aux touristes n’est toujours pas annoncée officiellement mais les prémisses d’une éventuelle autorisation sont là.

C’est en tout cas, l’attente, et la préoccupation majeure, des opérateurs du secteur qui semblent s’impliquer avec beaucoup de volonté et de bien-faire afin de dépasser cette phase très critique pour tous. «Nous avons un grand espoir pour que ça redémarre enfin. Il est grand temps de sortir notre tourisme de cette phase de réanimation qui a trop duré», dira Mohamed Soulah, d’Abalema Voyages.

Un circuit à l’Assekrem à 20 000 DA pour les nationaux

Les multiples appels des pays étrangers, notamment la France, recommandant à ses ressortissants de ne pas aller dans le sud algérien, ont été bien reçus et compris par les opérateurs locaux qui, de leur côté, multiplient les appels à encourager le tourisme des nationaux.

Cette saison sera d’ailleurs dédiée aux Algériens du Nord, les invitant à visiter et découvrir les multiples richesses touristiques, patrimoniales, culturelles de cette vaste région de l’extrême sud du pays. Le prix exorbitant du billet d’avion et le manque terrible des infrastructures adéquates sont deux facteurs ayant longtemps découragé ce type de tourisme. L’idée a été discutée avec les responsables de la compagnie nationale aérienne en prévision de baisser ses tarifs, d’organiser des vols charters et de proposer des tarifs promotionnels pour lancer ce type de tourisme.

«De notre côté, nous avons préparé des tarifs promotionnels spéciaux pour les nationaux, étudiants, handicapés et autres. Nous sommes prêts à appliquer les tarifs des années 1990, proposer des réductions de 50% pour les locaux. A titre d’exemple, le tarif d’un circuit complet à l’Assekrem durant une semaine commencera à partir de 20 000 dinars par personne», affirme notre interlocuteur.

Cri de détresse

«On ne peut pas se convertir vers une autre activité. La fermeture des circuits touristiques les plus importants de la région a été fatale pour nous et pour notre personnel», déplore Ahmed Hamdaoui. Il sollicite les autorités concernées à prendre en charge cette situation. «Nous demandons juste la réouverture de ces sites et la sécurité.

Le reste, c’est-à-dire ramener et envahir la région de touristes, est de notre responsabilité», a-t-il affirmé. Il regrette la situation des centaines des cuisiniers, guides, chameliers et autres qui se trouvent au chômage alors qu’ils ont investi leur vie dans ce métier. «Ils souffrent, ça nous fait de la peine», a-t-il précisé. «C’est un tourisme particulier, c’est un tourisme d’élite»,

dira M. Hamdaoui, l’un des plus anciens agents touristiques dans la région, reprenant l’une des recommandations du séminaire international du tourisme tenu en 1989. «Tamanrasset est la capitale du tourisme saharien, c’est la représentante de l’Afrique. Le tourisme est né ici, ce n’est pas un produit importé», a-t-il ajouté.

Selon lui, ce tourisme a été construit par les opérateurs locaux qui ont investi leurs efforts, leurs propres moyens et fait leur propre promotion au niveau national et international. «Outre l’agriculture, il n’y avait rien à faire dans cette région, dans les années 1970. Il a fallu travailler dur et bien pour développer cette activité et pouvoir nourrir nos enfants.

Aujourd’hui, grâce à nous, le tourisme saharien algérien a une réputation internationale. Nous avons préservé cette image depuis plusieurs années et personne ne nous a aidés dans ce travail», a-t-il indiqué. Les années 1980 ont vu ce tourisme exploser. «Le nombre de touristes que nous recevions à l’époque était beaucoup plus important que nos moyens mais ça se passait à merveille»,

a-t-il ajouté. La décennie noire a été le début du déclin. «Il n’y avait pas d’attentats à Tamanrasset mais l’activité a connu un arrêt total.» Plusieurs tentatives ont été faites pour relancer l’activité touristique à travers la participation à des foires internationales (Berlin, Madrid, Paris), l’organisation de rallye doux à Djanet, dans l’espoir de voir des jours meilleurs, mais ça n’a pas été d’un grand succès.»

L’Après-pétrole,dites-vous ?

Au début des années 2000, le discours politique en Algérie projetait pour l’après-pétrole. Les opérateurs locaux ne voyaient pas mieux que le tourisme comme palliatif. Un gros travail d’information et de promotion a été fait pour «travailler la destination Algérie qui n’était pas, avant cette date, à vocation touristique». Le retour de la sécurité a favorisé un retour massif des touristes étrangers dans la région.

Des vols charters directs à partir de Paris, Francfort, Madrid, Mulhouse, Marseille étaient quotidiennement organisés en plus du renforcement des vols à partir d’Alger. Outre la fermeture des sites, les opérateurs locaux dénoncent les contraintes réglementaires, notamment le texte de loi élaboré par le ministère du Tourisme exigeant aux agences de tourisme de renouveler leur agrément tous les trois ans. «Nous travaillons depuis trente ans, il est inconcevable de remettre en cause notre expérience.» L’obligation d’avoir des guides agréés par le ministère est une autre contrainte soulevée.

«Ceux avec qui nous travaillons sont des gens formés sur le tas, ils connaissent leur métier et savent surtout gérer les situations de crise. Comment peut-on ramener des gens qui ne connaissent pas le Sud et les spécificités de la région à exercer ce métier dans ces conditions, pour la simple forme d’avoir un agrément du ministère ,», s’est-il interrogé.

L’intervention des pouvoirs publics pour aider ces opérateurs à se doter de moyens pour exercer au mieux leur métier est très sollicité. «Le crédit bonifié à 3%, accordé par l’Etat aux investisseurs, ne peut pas régler le problème de ces opérateurs qui ne croient pas au crédit. Nous voulons d’autres facilitation pour l’accès aux outils de travail», a-t-il expliqué.

Par Nouria Bourihane