Tourisme: Quelles perspectives pour les agences de voyages?

Tourisme: Quelles perspectives pour les agences de voyages?

La pléthore d’agences de voyages attendue de l’application du décret 17-161 du 15 mai 2017, ne pose pas particulièrement un problème. C’est déjà pléthorique. Quelques-unes de plus ou de moins…

Avec 2041 agences de voyages déjà opérationnelles, on est sur un rapport d’une agence pour 1200 entrées sur le territoire, en comptabilisant 2,5 millions d’entrées, et une agence pour 48 lits avec une capacité totale de 100.000 lits. Le Maroc, avec son millier d’agences de voyages, c’est une agence pour 10.800 touristes (10 millions d’entrées) et une agence pour 254 lits pour une capacité totale de 242.000 lits.

En Tunisie pour 600 agences en exercice, c’est une agence pour 9600 touristes (5700.000 entrées) et une agence pour 400 lits, les capacités étant d’environ 240.000 lits. En France, c’est une autre dimension. Avec ses 6000 agences, ce sera une agence pour 14.000 touristes et une agence pour 850 lits. Autant dire qu’en Algérie, les agences de voyages se marchent déjà sur les pieds. Alors, qu’il y ait deux ou trois fois plus d’agences ne changera pas grand-chose à la situation du tourisme qui prévaut à l’heure actuelle et depuis plus de deux décennies. Et si pareil décret est entré en application malgré l’opposition manifeste des représentants des corporations des agences de voyages, c’est parce que ces dernières n’ont pas beaucoup de poids.

L’esprit de corps n’existe pas.

Et ce n’est pas tout. Le mépris affiché à l’égard des métiers du tourisme est à la mesure de la dévalorisation de ces mêmes métiers constatée depuis de nombreuses années, et explique en grande partie la facilité avec laquelle on a fait fi des doléances ou des protestations de la corporation.

Il n’est un secret pour personne que le professionnalisme dans le tourisme est en net recul par rapport aux années de gloire du tourisme algérien. Les instituts de formation, à tous les niveaux, répondaient aux besoins de l’époque. L’activité prolifique aidait à consolider les connaissances et la maîtrise de métiers, techniciens, techniciens supérieurs et cadres gestionnaires. Le recul de l’activité touristique dès le début des années 1990, la désertion de la destination touristique par la clientèle étrangère ont eu un impact mortel sur le professionnalisme et l’exercice des métiers de façon générale. Les personnels diplômés et surtout expérimentés et aguerris sur le terrain sont sur la porte des départs- quand ils ne sont pas déjà partis et le processus de remplacement est défaillant. Les nouveaux diplômés sont plus enclins à chercher des débouchés «ailleurs» sous d’autres cieux ou les emplois sont plus rémunérateurs ou, pour d’autres, faire le choix de la rente en louant leurs diplômes..

L’expérience du terrain ne se cultivant pas, en raison de l’absence de touristes, les programmes de formation des instituts et écoles hôtelières étant obsolètes et incapables de répondre aux besoins des entreprises hôtelières et touristiques les portes sont alors grandes ouvertes pour des non-initiés issus d’autres secteurs de la formation et de l’enseignement. Il en est résulté une dépréciation des métiers du tourisme, considérés désormais comme à «la portée de tout le monde». D’où cette facilité par laquelle, considère-ton, il est permis à tous d’accéder à la fonction d’agents de voyages. Contrairement aux grandes nations touristiques qui posent comme première exigence la qualification professionnelle à l’exercice de ces métiers et les formations spécialisées de haut niveau pour accéder aux sésames des agences de voyages.

Ce n’est donc pas tant le nombre d’agences qui est problématique, que celui de la qualification. Par ailleurs, considérer qu’en facilitant l’accès aux agréments réduira le chômage est une fausse perception et du métier et du problème de l’emploi. 1000 agences qui réussissent peuvent employer 5000 personnes, mais 5000 agences qui échouent réduiront à néant ces emplois.

Le réseau des agences de voyages est un maillon qui se situe en aval de la chaîne touristique. Sa dévalorisation peut compromettre, à terme, tous les efforts faits en matière de promotion de la destination et de densification du parc hôtelier. La force de vente s’y situe.

* Expert international en tourisme