La façade industrielle, aussi étendue soit-elle, n’arrive pas à dissimuler les vagues ni à étouffer le bruit de l’inlassable ressac de la mer.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, Skikda l’industrielle a conservé certaines de ses sites naturels à l’état vierge. Une multitude de criques et de petites plages au sable blanc se cachent derrière falaises et rochers pour se protéger des regards indiscrets et des mains fouineuses, pour ne pas dire destructrices.
Dans un éductour à Skikda qui s’est tenu du 19 au 20 août à l’initiative de l’association « Plumes touristiques », en coordination avec le ministère de l’Aménagement du territoire, du Tourisme et de l’Artisanat et de l’Office national du tourisme (ONT), les journalistes ont eu à s’émerveiller de ces petits coins de paradis.
Les torchères de la raffinerie dressées sur le flanc des côtes de Skikda semblent avoir du mal à se fondre dans le décor.
Elevées tels des dragons crachant du feu, elles impressionnent les nouveaux venus par leurs flammes qui transpercent le ciel.
La fumée noire qu’elles dégagent plonge la ville dans un brouillard gris qui a fini par déteindre sur les façades des vieux quartiers et des vieilles habitations. Des structures qui demeurent élégantes, distinguées malgré l’humidité qui les rongent.
Les grandes arcades qui décorent la ville sont un abri pour les passants contre le soleil en ce mois d’août et les quartiers fissurés par le manque d’attention s’étirent dans un enchevêtrement infini de ruelles et de passages. Les étrangers à la ville s’y perdraient à coup sûr.
Le quartier des Italiens, le plus connu, témoigne de la présence des premiers colons italiens à Skikda. Le guide touristique, Ayadi, raconte que les premiers colons n’étaient pas français mais des familles de pêcheurs de Naples, située à 200 km seulement des côtes de Skikda.
« Elles ont traversé la Méditerranée sur leurs petites embarcations pour commencer une nouvelle vie à Skikda, qui s’appelait à l’époque Phillipeville, en hommage au roi français Louis Philippe.
Ce sont ces familles qui ont introduit la soupe de poisson dans la région », raconte-t-il. Les Italiens ont introduit également la « pitz ». De délicieuses pizzas miniatures dont la pâte est aussi dure que celle des galettes.
Les Français s’y sont installés un peu plus tard et avec leurs coutumes et leur architecture. Le maire de Philippeville de l’époque, Paul Cuttoli, s’est inspiré de l’architecture mauresque pour certains des édifices qu’il avait fait construire dans les années 30.
Un contraste saisissant entre ces édifices et la raffinerie qui s’étend sur 1.500 ha en plein centre-ville. Et un paradoxe dans les senteurs. D’un côté, la fumée de la zone industrielle, considérée comme la plus importante après celle d’Arzew, et de l’ autre, l’odeur salée et fraîche de la mer.
La mer au centre-ville
A Skikda, il suffit de pencher la tête pour apercevoir l’immensité bleue.
La façade industrielle, aussi étendue soit-elle, n’arrive pas à dissimuler les vagues ni à étouffer le bruit de l’inlassable ressac de la mer.
Des hauteurs de Stora et jusqu’à la Marsa, plus de 10 km de sable et d’eau limpide. Par certains endroits, cependant, elle ne l’est pas du tout.
Du côté du oued, au centre ville, où sont déversés les déchets industriels de la raffinerie et qui débouchent directement sur la mer.
L’oued en question aurait pu être un excellent lieu de loisirs. Au lieu de cela, il est couvert de couches blanchâtres tandis que le fond est sombre, chargé qu’il est de rejets industriels.
« La zone industrielle fait des heureux et des malheureux.
Des heureux parce que cela rapporte beaucoup d’argent et des malheureux, car la raffinerie nuit à l’environnement et aux richesses naturelles de la région », souligne notre guide, Ayadi. Collo et l’île de Sirigina figurent parmi ces richesses ainsi que la corniche de Felfla. Longue et élancée, elle donne un accès direct sur la mer.
Un coin que la mer et un vent inlassable rendent tumultueux après que le soleil, suspendu dans le ciel comme un lustre flamboyant, se précipite au fond de la mer, dans un éclat de couleurs arc-en-ciel.
Ce côté-là est surtout occupé par les touristes locaux et des émigrés qui séjournent dans les hôtels implantés au bord de la corniche avec option « pieds dans l’eau ».
Une série de petites plages privées sont alignées côte à côte, et les propriétaires ont déployé des efforts dans la décoration pour les rendre attrayantes. Au lieu de parasols classiques, ils mettent en place des protèges-soleil en bambou ou en paille, rappelant les lointaines îles du Pacifique.
Les restaurants sont le maillon faible de cette région. Les fast-foods ne manquent pas, ainsi que les petits salons de glace sur tout le long de la corniche. Mais les restaurants dignes sont inexistants.
Les gourmands ne trouveront pas leur bonheur ici ! Sauf dans les hôtels 5 étoiles qui jouxtent la corniche où des restaurants, tenus par de grands chefs cuisiniers, proposent diverses spécialistes culinaires.
Cela dit, on peut trouver des plats typiques de la région dans les gargotes. Si le décor laisse à désirer, il n’en est peut-être pas de même pour les plats. Surtout que dans cette région, le poisson frais ne manque pas.
Stora, le lieu de prédilection des autochtones
Les estivants autochtones préfèrent, quant à eux, les plages de Stora. Une série de criques que Dame Nature a façonnées avec art, avec juste ce qu’il faut de rochers pour être à l’abri du tumulte marin. Les vaguelettes s’écrasent avec douceur sur les petits écueils qui longent la façade basse de l’île des Singes.
Un ilot tout en rochers dont le sommet est inaccessible. Les visiteurs ne peuvent parcourir l’île que par ses flancs qui donnent tous sur la mer.
Les plages en dessous ne sont pas surpeuplées. D’ailleurs, les plages des Skikda ne sont pas encombrées comme celles de la capitale. Celles de Stora, au centre-ville, sont fréquentées par les familles skikdies. Certaines criques ne sont occupées que par des femmes, des mères de famille et leurs filles.
Le port de plaisance et de pêche de Stora, l’un des poumons de la ville, s’arrache avec peine des griffes des hauts conteneurs, entassés à proximité, sur le port industriel. Des petits bateaux sont amarrés dans l’attente d’éventuels passagers pour un petit tour en mer.
Ou encore occupés par les pêcheurs qui s’occupent des derniers préparatifs avant leur sortie en mer dès le coucher du soleil. Contrairement à Felfla, Stora est surchargée en matière de restaurants.
Plats traditionnels et modernes se côtoient. Dès les dernières lueurs du coucher du soleil, les restaurateurs mettent leurs premières viandes ou poissons à griller.
Histoire de pousser les passants réticents à s’abandonner aux senteurs qui taquinent leurs narines. D’ailleurs, la nuit tombe très vite une fois que le soleil a entamé son déclin. En un rien de temps, la ville est plongée dans l’obscurité. Mais s’allume tout aussi vite ! La lumière est partout à Skikda, qui scintille comme un joyau.
La raffinerie est le point le plus lumineux et donne, avec ses deux torchères, une beauté féerique à la côte. Et les passants et promeneurs ne sont pas pressés de rentrer chez eux…