Des cadavres jonchent les rues de Tripoli
Les Etats-Unis proposent leur savoir-faire en matière de sécurité, la concrétisation de cette «offre» signera probablement la mise sous tutelle de la Libye.
Les Etats-Unis ne signeront pas non plus de chèque en blanc au CNT et à la rébellion libyenne. «Nous allons les observer pour s’assurer que la Libye remplit ses responsabilités en matière de traités, qu’elle s’assure que ses stocks d’armes ne menacent pas ses voisins ou tombent dans de mauvaises mains et qu’elle se montre ferme face à la violence extrémiste», a indiqué jeudi la secrétaire d’Etat.
«Il ne peut pas y avoir de place dans la nouvelle Libye pour les représailles et les attaques revanchardes», a prévenu Hillary Clinton. Les attaques perpétrées par les groupes armés contre les ambassades algérienne et vénézuélienne sont symptomatiques du climat d’anarchie qui règne dans la Libye post-Gueddafi et du regain de tensions racistes exacerbées par les rumeurs persistantes et entretenues sur la présence d’Africains au sein des forces restées fidèles au guide de la Jamahirya.
Des vidéos circulant sur Internet montrent des images, choquantes d’Africains (supposés mercenaires) capturés et lynchés par une foule hystérique. L’insurrection libyenne est-elle en train de virer à la vendetta? Le Conseil national de transition, organe politique de la rébellion contrôle-t-il tous les groupes de combattants qui se sont joints au soulèvement né des émeutes armées du 13 février? La situation sur le terrain, comme l’ont montré plusieurs reportages de télévisions occidentales, ne donne pas de signes ou de gages qui puissent nous indiquer que l’on se dirige vers un début de stabilité ou d’accalmie
. A Tripoli la situation est plus que préoccupante du point de vue humanitaire, comme l’a signalé le reportage diffusé le 25 août par la chaîne de télévision France 3 qui a mis l’accent sur les sévères pénuries d’eau, d’électricité et de gasoil qui se profilent. Un phénomène plus inquiétant qui était à redouter semble cependant prendre racine et s’installer durablement dans ce conflit qui donne l’impression de vouloir s’éterniser.
Dans les rues de Tripoli, les insurgés, qui veulent en finir avec le régime du colonel libyen pris dans le tourbillon de l’ivresse de cette victoire tant espérée qu’inattendue, transgressent la mission qui leur a été assignée. Les portes des chambres d’hôtels sont fracassées sans aucun ménagement. France 24 parle de véritable chasse à l’homme. Des voix s’élèvent pour dénoncer ces exactions. Amnesty International vient de lancer un appel à l’arrêt de la torture d’où qu’elle vienne. La section locale d’ONG de défense des droits de l’homme a recueilli des témoignages «très forts faisant état de tortures pratiquées aussi bien par les rebelles que les forces loyales à El Gueddafi, à Zawiyah, ville côtière proche de Tripoli,» rapporte une dépêche de l’AFP. Le rapport de l’association parle de «125 personnes entassées dans une cellule, incapables de s’allonger ou de bouger».
Un prisonnier blessé par balles à la jambe affirme avoir été battu sévèrement alors qu’il était désarmé et qu’il était sur le point de se rendre. Les détenus étaient «battus et insultés» en prison, a-t-il ajouté au cours de son témoignage. Dans son édition du 21 juin 2011 le quotidien américain The Wall Street Journal signale que les rebelles ont chassé toute la population noire de la ville de Misrata.
Dans leur percée vers de Tawergha, une localité voisine située à environ 50 km, accusée d’avoir soutenu les forces loyalistes, ils se sont fixé pour but de la vider de tous ses habitants à la peau noire. Ces groupes armés se définissent comme des «brigades dont la mission est de purger le pays des esclaves à la peau noire». Dixit un de leurs chefs qui répond au nom de Ibrahim al-Halbous qui a fixé un ultimatum aux Libyens noirs: «Il faut qu’ils fassent leurs valises» et qui a promis d’effacer de la carte Tawergha. «Les rebelles sont responsables de nombreuses attaques contre les étrangers et les Libyens noirs, soupçonnés d’être des mercenaires. Certains ont été assassinés. Il faut agir maintenant.
Les gens du Conseil national de transition sont contre ces pratiques. Je les crois sincères, mais ils ne contrôlent pas la situation», a déclaré le 16 juin 2011, Donatella Rovera, conseillère sur la réaction aux crises à Amnesty International dans une interview accordée au site d’information Rue 89. Ce qui a décidé les Etats-Unis à proposer leurs compétences en matière de maintien de l’ordre.
«Nous considérerons favorablement une demande venant du CNT (Conseil national de transition) à l’ONU pour un soutien policier. C’est l’ONU qui aura la direction, mais nous regarderons de quelle façon les Etats-Unis peuvent aider», a déclaré la chef de la diplomatie américaine. Un «appel du pied» qui scellera certainement la mise sous tutelle de la Libye de demain.