Tolga – Voyage au royaume de la datte : La déesse aux doigts de lumière

Tolga – Voyage au royaume de la datte : La déesse aux doigts de lumière

A proximité de la commune d’Ouled Djellal où repose le corps de la légendaire Hizyia dont l’histoire a captivé le cœur des hommes et des poètes, se dresse la silhouette de la «déesse» aux doigts de lumière, la palmeraie de Tolga.

Gâtée par la nature, cajolée et choyée par les hommes, elle leur offre en récompense tout ce qu’elle a de meilleur, de plus sucré, de plus lumineux.

Ses doigts de lumière ornés de miel. Ou ce qu’on appelle communément à Biskra, Deglet Nour. Ses adorateurs d’ailleurs ne se font pas prier pour cueillir ce qu’elle leur donne de si bon cœur. Mais pour cela, il faut attendre l’automne, la période où les dattes sont mûres et prêtes à quitter leurs nids douillets sous les palmiers. C’est ainsi que la cueillette a commencé au mois d’octobre et se poursuit en décembre. C’est aussi en ce mois que la «déesse» aux doigts de lumière expose son autre beauté.

Pétillante au printemps, Tolga est romantique et mystérieuse en automne. Sa belle robe verte prend quelques reflets jaunâtres. Sous ses pieds, un tapis jaune orangé s’étend à perte de vue, où les rongeurs s’affairent discrètement. Un vent léger joue dans ses cheveux verdoyants. Le soleil qu’elle affectionne particulièrement caresse ses joues et aux creux de ses mains, elle recueille des petits oiseaux qui virevoltent en chantant des chansons nostalgiques sur le printemps. Sa silhouette longue et légèrement inclinée, comme dans un geste de révérence, apporte de l’ombre aux fellahs, épuisés en cette période par la cueillette.

On les voie en effet s’affairer autour comme un tissu troué où sont étendues soigneusement des régimes de dattes. D’autres fellahs, à l’aide d’une corde, escaladent agilement les palmiers. A l’aide d’une autre corde, ils font descendre délicatement les régimes jusqu’au sol. Là, les fruits sont nettoyés, triés avant d’être placés dans des caisses. Les jeunes palmiers, implantés sous les vieux palmiers qui ne produisent plus, sont plus faciles à atteindre. Il suffit de tendre les bras pour attraper les régimes de dattes. «La cueillette des dattes est sacrée ici. Même ceux qui travaillent dans l’administration prennent des congés pour cela ! A chaque fellah, on lui confie une centaine de palmiers pour cueillir les fruits.

Il est entouré d’une petite équipe pour l’aider dans le transport et le traitement des dattes. C’est un travail qui prend beaucoup de temps et nécessite énormément de patience», explique l’un des fellahs. Or, la patience, les fellahs de Tolga en ont à en revendre. Elle se reflète dans chacun de leur geste, mouvement et dans leur travail minutieux et bien fait. Même des commerçants, venus d’autres wilayas du pays, se prêtent volontiers au jeu, «très sérieux». Au lieu d’acheter les dattes une fois cueillies, ils préfèrent s’approprier la marchandise alors qu’elle est encore aux creux des palmiers. Imitant les fellahs, ils cueillent eux même les régimes de dattes avant de les mettre également dans des caisses. La récolte est ensuite conservée dans des chambres froides en attendant qu’elle soit vendue au moment propice. Selon eux, les dattes peuvent être conservées durant trois ans. Sauf les dattes qui ne sont pas assez mûres. Celles-là pourrissent très vite.

LA DATTE TROP SÈCHE CETTE ANNÉE

«Nous sommes déçus par la récolte de cette année. Pas par rapport à la quantité mais par rapport à la qualité. Les dattes sont trop sèches cette année. Il y a eu trop de soleil cet été. Deglet Nour le premier choix n’est pas très nombreuse», estiment les cultivateurs de Tolga, précisant que l’eau ne pose pas de problème dans cette région. L’eau est puisée de la nappe phréatique et d’une façon générale, les propriétaires, tous privés, ont des forages sur leurs terrains.

Mais certains d’entre-eux n’en ont pas. Pas par manque de moyens puisque les pouvoirs publics les soutiennent financièrement. Mais plutôt par choix, préférant investir les subventions ailleurs. En conséquence, les palmeraies de ces derniers sont soumises au bon vouloir de la pluie. «L’année dernière, nous n’avons pas eu beaucoup de pluie. Ce sera peut-être encore le cas cette année. Il n’y a pas eu beaucoup d’averses ces derniers temps. Ce qui n’est pas bon pour les palmeraies qui ne sont pas dotées de systèmes d’irrigation. D’autant plus que les palmiers doivent être irrigués tous les 14 jours», expliquent les fellahs.

Outre les régimes de dattes, et pour nettoyer les palmiers, les fellahs coupent aussi les vielles branches qu’ils brûlent ou utilisent comme rempart. Les propriétaires de ces palmeraies aiment garder leurs «jardins» à l’abri des regards, tout comme leurs ancêtres. D’ailleurs, certains d’entre-eux ont conservé les anciennes enceintes faites de vielles pierres. Ces enceintes et quelques maisons en ruine, ce sont là tout ce qui reste de l’ancienne cité de Tolga.

L’ANCIENNE TOLGA, UN RÊVE LOINTAIN

En dehors des palmeraies, un autre monde s’ouvre à nous à Tolga. Celui de la nouvelle ville, plutôt austère. Même la déesse aux doigts de lumière n’arrive pas à dissimuler les formes peu harmonieuses de cette autre Tolga façonnée par les hommes.

Les différentes infrastructures dont les maisons sont construites dans des formes peu attrayantes, sans recherche ni imagination aucune. Mais des charrettes montées par d’adorables petits garçons vêtus de burnous minuscules et conduites par de beaux chevaux, très nombreuses à traverser la ville, égayent un peu ce paysage. Même Schéma pour le grand marché de Tolga, la partie la plus palpitante de la ville, qui se limite à quelques étalages. Cela dit, on y retrouve les plus beaux et les meilleurs légumes fraîchement cueillis dans les communes environnantes. Sans oublier les dattes qui font, en cette période, le bonheur des propriétaires des palmeraies et des marchands. Car après un dur labeur, c’est l’heure de la délectation et surtout des gains.

Un nombre incalculable de caisses de dattes, toutes variétés confondues, Deglet Nour et les dattes blanches notamment, sont exposées au vu et au su de tous, non seulement au niveau du marché mais aussi tout au long des trottoirs et dans des garages largement ouverts.

En matière de dattes, Tolga vend en gros à des prix qui ne sont jamais fixes. Les négociations sont serréés et les vendeurs des dattes se montrent inflexibles. L’effervescence dans le marché et l’enthousiasme affiché par les vendeurs et acheteurs des dattes nous fait presque oublier l’austérité des lieux. Pour ceux qui veulent acheter des dattes en détail, ils devront se déplacer au centre-ville de Biskra, sinon ils peuvent toujours amadouer les fellahs pour qu’ils leurs offrent un petit avant-goût. Car même s’ils arborent un air inflexible, les fellahs peuvent se montrer très généreux, avec les étrangers notamment. Car rien n’est plus délicieux que de déguster des dattes mielleuses tout juste cueillies, après une longue promenade sous les palmiers. C’est ce que Tolga a de mieux à proposer.