Tlemcen, La frontière de tous les maux

Tlemcen, La frontière de tous les maux

La région frontalière consomme 140 fois plus qu’Alger ou une autre ville de même taille en matière de carburant.

De la commune d’El Aricha, à Marsat Ben M’hidi, c’est un no man’s land propice à tous les replis, à tous les trafics. La frontière, tout le long des 171 km, est le chemin du gasoil à destination du Maroc. Chaque jour, drogue, alcool, cigarettes, essence… traversent la frontière. Les dangers sont nombreux et les contrebandiers trafiquent sans relâche.

Il y a à peine quelques années, ces trafiquants n’osaient pas aller au-delà de la daïra de Maghnia, ils se faisaient discrets et personne ne les remarquait. Malheureusement, les choses ont évolué depuis, ces flibustiers du carburant sont partout et ne craignent personne au niveau des stations Naftal.

Ils font la loi, et si jamais l’un des leurs est en difficulté, ils deviennent menaçants. C’est toute une flotte de camions et de voitures légères aux réservoirs modifiés qui fait la navette tous les jours entre les villes de l’Ouest (Tlemcen Aïn Témouchent, Sidi Bel-Abbès) et la bande frontalière.

Selon les estimations, des pertes dues au trafic de carburant sont estimées à plus d’un milliard de dollars pour l’Algérie. Ce chiffre ne reflète pas la réalité, car les pertes économiques sont plus importantes, il suffit de faire un simple décompte des véhicules qui prennent chaque jour la direction de Maghnia pour avoir une idée précise sur ce crime économique : plus des 60% du carburant livré par Naftal est entreposé de l’autre côté de la frontière.

À la recherche de carburant

La pénurie persiste encore à Tlemcen. Cette région est la plus touchée par cette crise, malgré les mesures prises. Certains propriétaires de stations-service se frottent les mains à chaque fois que la pénurie s’installe. Il y a, en effet, de gros profits à en tirer, le litre d’essence est chèrement revendu. Les saisies effectuées par les services de sécurité montrent à quel point le danger est grave. S’ajoutent également les saisies de tonnes de drogue.

A travers la wilaya, la crise de carburant a eu de graves conséquences, à tous les niveaux. La moitié du parc automobile est immobilisé. Au niveau des stations-services, il y a des files de voitures sur plus de 500 m. Au niveau du tracé frontalier, où la présence des éléments de l’ANP, des GGF et de la douane s’est renforcée, les travaux de réalisation d’une tranchée sont en cours. Le but est de freiner le passage des véhicules des hallabas.

Selon les services de sécurité, plus de 3.000 véhicules activent dans le trafic de carburant. Les mesures prises depuis la saison estivale se sont soldées par la saisie de plus de 600 véhicules et l’arrestation de nombreux hallabas. Le trafic de carburant a régressé, mais les contrebandiers utilisent tous les moyens. Ils ont recours toujours aux baudets pour le transport de la marchandise. Rappelons que les services de sécurité ont réussi à mettre la main sur 40 baudets chargés de jerricans à quelques bornes du tracé frontalier.

Les trafiquants courent toujours

De nombreux trafiquants ont été neutralisés au niveau des frontières Ouest. Pour rappel, la mort accidentelle d’un jeune étudiant près de la région frontalière de Boukanoun. La fraude, la contrebande et la contrefaçon font perdre chaque année à l’Etat d’importantes sommes d’argent.

Les saisies opérées quotidiennement par les services de sécurité montrent à quel point le fléau a pris de l’ampleur. Une moyenne de 120.000 litres de carburant est saisie par mois, ce qui entraîne des pertes lourdes à l’économie nationale. Selon les services de sécurité, la mafia redouble de férocité.

A travers la région ouest du pays, la contrebande menace à plus d’un titre le pays. Tout le monde exerce ce métier. « C’est un créneau juteux, on travaille de jour comme de nuit », nous diront des jeunes rencontrés, tout en précisant que la majorité des contrebandiers sont chômeurs.

Dans cette région, il est consommé 140 fois plus de carburant qu’à Alger ou une autre ville similaire. Les gains tirés de ce trafic sont considérables. Les trafiquants ont recours aux moyens de communication les plus sophistiqués. En effet, la longueur des frontières et la difficulté de les contrôler rend la tâche des douaniers et des GGF et de la BMPJ ardue.

Les services de sécurité à pied d’œuvre

Les autorités estiment que la réalisation d’une tranchée est l’unique solution, en attendant la mise en service des postes frontaliers. Les services de sécurité, notamment la douane, expliquent que la contrebande est à l’origine de pertes faramineuses au Trésor public, en raison du non-paiement des droits et taxes.

Dans les rapports de la douane il est notamment noté : « Nous pouvons toujours évoquer l’exemple des produits tabagiques, dans ce cadre, les pertes annuelles enregistrées au niveau du Trésor public sont de l’ordre de 35 millions de dinars, cela est dû aux activités de commerce illégal des cigarettes qui veut dire la compromission des droits et taxes. » A cela s’ajoute « l’importation de certaines marchandises en dehors des bureaux des douanes, au détriment des entreprises nationales qui produisent le même genre de marchandises, car les produits de contrebande sont vendus sur le marché noir à un prix inférieur à celui des produits des entreprises nationales » Par ailleurs, au niveau de la frontière ouest, sévit le crime organisé. Les trafiquants de drogue, selon la gendarmerie, font souvent appel à des spécialistes des questions financières pour procéder au blanchiment de grandes quantités d’argent.

Ils ont recours à des réseaux compliqués de comptes bancaires, à d’autres transactions financières ainsi qu’à des compagnies qui ne sont que des paravents. A travers la région frontalière, tous les moyens ont été mobilisés pour lutter contre la contrebande. Barrages fixes, présence des éléments de l’ANP, rondes des douaniers se soldent chaque jour par des saisies. Le fléau a certes régressé, mais les contrebandiers arrivent à passer entre les mailles des filets des services de sécurité. La tranchée creusée a réduit le flux d’engins des hallabas, mais beaucoup reste cependant à faire pour une parfaite maîtrise de la situation.

M. M.