Tlemcen: des familles s’échangent les vœux de l’Aïd… aux frontières

Tlemcen: des familles s’échangent les vœux de l’Aïd… aux frontières

Par Khaled Boumediene,

Tlemcen: des familles s’échangent les vœux de l’Aïd… aux frontières

Si pour certaines familles la fête de l’Aïd El Fitr, une occasion idoine pour se rendre aux cimetières pour se recueillir à la mémoire de leurs chers disparus, ou visiter dans la joie et la piété des malades et des personnes en convalescence, pour d’autres ce rituel est une circonstance bénie pour se donner rendez-vous à la frontière algéro-marocaine (fermée depuis 23 ans), pour se souhaiter une joyeuse fête et s’échanger des nouvelles. En dépit d’une chaleur caniculaire, des familles algériennes et marocaines s’amassent à « Ladjraf », le point frontalier le plus rétréci entre les deux pays, à l’entrée de de la station balnéaire de Marsat Ben M’Hidi (côté algérien) et Saïdia (côté marocain). Des familles de la bande frontalière mais aussi d’autres wilayas environnantes profitent de cette opportunité de proximité pour se réunir à cet endroit exigu qui ne sépare naturellement les deux territoires que par un oued, et se rapprocher ainsi de leurs oncles, leurs cousins ou leurs grands-parents vivant de part et d’autre des frontières. « Depuis que les frontières ont été fermées entre les deux pays, je viens moi et ma famille à cet endroit de Marsat Ben M’hidi pour saluer et m’enquérir des nouvelles de ma tante et ses enfants qui vivent à Berkane. Allah ghalab ! C’est la seule solution pour se rapprocher de nos proches. L’avion nous revient très cher et puis il faut se rendre à Oran pour embarquer à bord d’un avion, atterrir à Casablanca ou à Rabat au Maroc et ensuite revenir jusqu’à l’Oriental, et vice versa, vous voyez ?! C’est trop long et c’est très coûteux ! Ici à cet endroit, même si l’on ne peut pas serrer dans nos bras ou embrasser nos proches, l’on se contente de les voir en chair et en os et discuter avec eux en criant très fort ou en communiquant avec eux en face à face par la gestuelle, car ils nous manquent beaucoup ! », a indiqué un père de famille venu d’Oran le jour de l’Aïd. Pour un autre habitant de Bab El Assa, aujourd’hui, les habitants se retrouvent piégés dans un no man’s land: «Avant on pouvait même dépasser la ligne de démarcation séparant de quelques mètres l’Algérie et le Maroc et traverser l’oued et les arbustes pour aller rencontrer nos proches, mais, depuis l’installation des barrières grillagées et des fossés pour lutter contre les trafics et les réseaux terroristes, les frontières sont devenues hermétiques. Aujourd’hui, vraiment nous sommes coupés de nos proches vivant de l’autre côté des frontières. Nous ressentons une blessure douloureuse de ne pouvoir s’approcher d’eux. Cette situation de verrouillage de l’accès par voie terrestre nous pénalise énormément ! Jusqu’à quand ça va continuer comme ça… Nous avons même perdu des proches de l’autre côté des frontières et on n’a même pas pu assister à leurs obsèques, c’est injuste ! ».

Il faut rappeler qu’en 1994, après l’attentat terroriste commis à Marrakech, Rabat avait imposé un visa aux voyageurs algériens. Alger a répondu en fermant sa frontière terrestre. Bien que le pouvoir marocain soit revenu sur sa décision, supprimant le visa pour les ressortissants algériens en 2004, la frontière terrestre est restée close.