Tlemcen Capitale de la culture islamique : Voyage au cœur de l’événement

Tlemcen Capitale de la culture islamique : Voyage au cœur de l’événement
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La manifestation «Tlemcen, capitale de la culture islamique 2011» a entamé son second acte dans une atmosphère qui fleurait bon l’allégresse, un sentiment de fierté que les citoyens cachent difficilement. Le tout Tlemcen s’est mobilisé pour redorer le blason de la ville d’art et d’histoire, selon la formule consacrée. L’œuvre est stimulante car il s’agit de consacrer la voie du dialogue interculturel, de mettre en exergue, une meilleure compréhension de l’islam, de permettre une convergence et une réconciliation des cultures.

Les stéréotypes et les clichés tant galvaudés dans les sociétés occidentales n’ont aucun lien avec une civilisation qui a tellement contribué au développement de l’humanité.

C’est un défi et un privilège qui sont confiés à la «perle du Maghreb». Le rappel s’impose, au risque de donner l’impression d’avoir à défoncer des portes ouvertes. Retour sur un événement qui défraya la chronique paisible d’une cité sommée de reprendre langue avec son statut de pôle culturel de premier ordre.

La météo gardait le cap. Chaude et ensoleillée, la journée s’annonçait radieuse. A quelques moments d’un rendez-vous exceptionnel, l’aéroport conservait encore un calme olympien. On ne distinguait aucun signe d’agitation comme on aurait pu le supposer.

Pour un quidam, habitué à l’effervescence d’une capitale vouée aux affres des tribulations quotidiennes, ce calme rassérénant et gorgé de quiétude est un cadeau du ciel.

A la sortie de l’aéroport, des conducteurs de taxis, toujours à l’affût et aux réflexes réglés comme du papier à musique, vous accostent, flairant l’aubaine. Le déplacement vers Tlemcen n’est pas offert. Il faut pour cela, mettre la main à la poche. La voiture traversa langoureusement la petite ville de Remchi. Elle semblait assoupie et elle respirait à grosses lampées, l’atmosphère des bourgades du pays profond. Remchi ne déroge pas à la règle.

La cité parée de ses plus beaux atours

La traversée s’achève aux portes de la «Perle du Maghreb» qui s’offre au visiteur dans des circonstances particulières. La cité vivait des moments rares, un événement qui tranchait nettement avec la routine habituelle. Elle s’apprêtait à accueillir un hôte de marque, en la personne du Président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika, et à entamer dans le faste, la deuxième version de la manifestation d’envergure internationale qui s’étalera durant toute l’année.

L’ambiance était pour le moins assez singulière et on n’a pas besoin de la science infuse pour en déceler les motifs.

Décorée et parée de ses plus beaux atours, Tlemcen allait à la rencontre d’un rendez-vous qui restera gravé dans les esprits.

Noyée dans une profusion de fanions aux couleurs nationales, parsemée à satiété de slogans de bienvenue, de portraits géants du Chef de l’Etat, elle s’était jurée de prendre acte de l’événement avec tout l’apparat qui sied en pareille occurrence. Et c’est de bon augure.

Pour celui qui découvre Tlemcen pour la première fois, la douceur du climat, la rencontre avec une population qui donne l’impression d’être pétrie d’urbanité, de convenance, sont des signes qui affleurent d’emblée. On est aussi frappé par cette espèce de reliquaire de l’art musulman qui persiste vaille que vaille à travers les âges et les époques. On raconte sans trop d’excès, que les mosquées sont réputées par le raffinement de leur architecture, la beauté de leur conception. On colporte, également, que cette ville affectionne particulièrement les jardins et les bienfaits d’une végétation exubérante. C’est un pli, une rassurante obsession que l’on aimerait voir fleurir dans toutes nos contrées. Tlemcen ne laisse pas insensible et c’est le cas de le dire.

Quand on déambule dans les «arcanes» de la ville, flanqué de sa seule envie de voir et de se balader, la cité vous impose, une belle mixture où se greffent des influences et des brassages divers. Tout se côtoie et se mêle en un agencement urbain hétéroclite, en un réceptacle où se réfugient de multiples interférences. Des venelles pittoresques, des souks, des rues étroites et tortueuses, ajoutent une note de charme que «perturbe» du moins provisoirement, une ambiance des grands jours.

Les citoyens ont la nette sensation d’avoir été privilégiés en décrochent l’insigne honneur de monopoliser les feux de la rampe, l’espace médiatique, de se voir porter au pinacle. Ils en ressentent une certaine fierté, sans tomber dans les travers d’un d’orgueil déplacé.

Dans les cafés, les amateurs de farniente, ne se gênent point d’étaler leur satisfaction, en faisant montre d’une volubilité que l’on comprend parfaitement.

«Tlemcen mérite cette distinction et nous allons démontrer que cette faveur ne sera pas usurpée», me confie un jeune adhérent de la maison de la culture Abdelkader Alloula.

Il parlait avec fougue et enthousiasme si propres à la jeunesse. Il ne put réprimer quelque amertume qui le prenait à la gorge tel un fauve affamé. Comment peut-on s’accommoder de portions congrues, de miettes éparses, de petites manifestations culturelles sans réelle portée quand on est natif de Tlemcen. Doit-on éternellement se satisfaire d’un minuscule festival de la musique andalouse pour assouvir un trop-plein d’imagination, de vitalité latente qui se trouvent par la force des choses, bridés et confinés dans une sorte de carcan qui n’arrange personne. Sans coup férir, ce jeune se mettait à remuer le couteau dans la plaie d’un vécu culturel qui ne brille pas par son exubérance. Qu’à cela ne tienne !

Il y a de toute façon matière à réagir d’autant plus que la ville ne peut plus se complaire dans un régime de vaches maigres avec toutes les infrastructures culturelles que l’Etat a mis à la disposition des citoyens pour tailler des croupières à la somnolence forcée que l’on a voulu perpétuer à coup de disettes, de doses homéopathiques dispensées avec un sens poussé de la parcimonie.

La soif de culture inextinguible, ce besoin inné de vouloir renouer avec les fondamentaux d’une vie culturelle dense et pleine de perspectives prometteuses, se laissaient deviner déjà au cours de la projection en avant- première d’un documentaire fort instructif. L’assistance n’y alla pas de main morte. Un débat tout en remarques, en de judicieuses répliques, de pertinentes interventions, imprime une tournure dont il serait surprenant de s’en plaindre. Agréable découverte. Le public sait donner du fil à retordre, faire montre d’un sens réel de la discussion à bâtons rompus. La censure est bannie, battue à plate couture. Point de tabous, de non-dits, d’allusions absconses

La radio locale au diapason

La radio locale donnait le ton. Elle ne cessait de diffuser des spots publicitaires, des chansons du terroir, des informations, des communiqués à l’intention de la population pour l’inciter à être partie prenante de l’événement autant que faire se peut Elle diffusait à profusion de beaux extraits de poèmes populaires, dédiés à la gloire de la ville, à son prestige, organisait des causeries sur Tlemcen, son histoire, sa culture, son legs culturel, son riche patrimoine, en rameutant nombre de personnalités qui ont pignon sur rue pour rehausser l’éclat de la manifestation. Les animateurs insistaient abondamment sur la nécessité d’accueillir avec déférence et courtoisie, les nombreux invités qui vont «envahir» la ville.

Le centre de presse, situé en face d’un hôpital et juste à proximité d’une sûreté de police urbaine, était également saisi d’une grande sensation de fébrilité. Constamment sollicité par les journalistes, il donnait l’impression de s’être transformé en une ruche bourdonnante. C’est qu’il fallait répondre à toutes les demandes, prendre en charge les préoccupations d’une gent médiatique venue en force couvrir l’événement. Les journalistes, à l’affût de la moindre information, lâchaient la bride à leurs réflexes proverbiaux, tentaient d’assouvir leur curiosité pour alimenter les colonnes de leurs «canards» Ils venaient de tous les horizons

Visite au royaume des maquettes

Une randonnée nous fut proposée pour aller «inspecter» le chantier où sont préparés les fameux camions chars destinés à la grande parade populaire qui constituait un prélude à l’ouverture officielle de la manifestation. On s’était introduit dans une espèce de capharnaüm où s’affairaient des artistes, des décorateurs, des charpentiers, des peintres et toutes sortes d’artisans besogneux qui effectuaient les dernières retouches à leurs œuvres avant le jour “J”. Les journalistes, ces éternels «inquisiteurs» ne faisaient pas entorse au rituel des questions réponses face à une artiste d’origine italienne qui essayait de leur tendre l’oreille, le sourire aux lèvres.

On ne se priva pas de l’aubaine. Les interrogations se multiplient et chacun y alla de son couplet comme pour faire bonne mesure. La causerie dura assez longtemps et beaucoup de points furent soulevés. On tenta de connaître le montant alloué à l’organisation de la parade. C’est une question qui n’eut pas de réponse de la part de cette interlocutrice. Par contre, elle était parfaitement disserte sur la portée et la symbolique de la manifestation qui incarne, selon ses propos, un condensé assez exhaustif de l’étendue et de la richesse de la civilisation islamique, son apport au progrès de l’humanité. Il faut, en bref, mettre en valeur, à travers des maquettes, des tableaux, des images et figurines, le vaste patrimoine de cette ère civilisatrice. La démarche est simple. Elle consiste à transmettre des messages faciles à comprendre par le public. Il s’agit aussi de rompre avec le traditionnel défilé folklorique.

Une journée bien particulière

Le vendredi 15 avril fut assez remonté. On avait appris que le Chef de l’Etat allait s’adresser au peuple par le truchement d’un discours important. Les citoyens l’attendirent avec une grande impatience. L’information s’était diffusée comme une traînée de poudre. Toute la ville en parlait non sans intérêt. C’était de surcroît, le jour de la grande parade populaire qui se déroulera dans le courant de la soirée, à partir du nouveau palais de justice situé dans le quartier d’imamat.

Le moment du discours arrivé, les journalistes se sont donné rendez-vous à l’hôtel Agadir, un établissement assez cossu. L’instant fut solennel et les gens ont écouté avec beaucoup d’attention l’intervention télévisée du Chef de l’Etat. Une journaliste lança à la cantonade, d’une manière plutôt amusée, que la TV nationale va connaître un «pic» d’audience maximale. En effet, au vu de l’attitude de l’assistance, cette remarque d’allure sibylline, se justifia amplement car au même instant, les gens suivaient le discours sur les places publics, les cafés, partout où il leur était loisible de le faire

La grande parade

L’esplanade où devait s’ébranler le spectacle était pleine de monde. Une assistance des grands jours, s’y était amassée et se serrait les coudes dans une ambiance de fête, de communion collective et de retrouvailles chaleureuses. Des citoyens venus en grand nombre, s’alignaient en rangs compacts, tout le long de l’itinéraire, désireux de profiter à pleines dents, d’un plateau de choix. Les camions défilaient en une procession rigoureusement ordonnancée par les concepteurs de ce spectacle haut en couleurs.

Des youyous stridents fusaient dans l’air, des applaudissements nourris se faisaient entendre, à chaque passage d’un camion. Le grand œuvre de la civilisation islamique se donnait à voir et il sillonnait de nombreuses artères. L’événement était suivi par une foule de médias nationaux et étrangers. On remarquait les photographes et les cameramen courir dans tous les sens pour le pérenniser. Les citoyens ne dissimulaient pas leur enthousiasme.

L’animation nocturne est un axe sur lequel les organisateurs comptent bâtir leur activité culturelle durant toute la durée de la manifestation. «Il est clair que Tlemcen, capitale de la culture islamique s’attellera à concocter des programmes qui incitent les gens à sortir la nuit pour assister aux spectacles, aux conférences, aux projections cinématographiques» clament à l’unisson les responsables. Les gens sont donc conviés à veiller, à quitter leurs demeures et prendre part aux festivités. A cet effet, des écrans géants sont installés dans des places publiques pour donner corps et un contenu concret, à une animation de proximité intra et extra-muros. Tout est fait pour que la manifestation ne restera pas confinée dans des espaces réduits.

Le 16 avril, journée du Savoir ou «Youm El Ilm», est à marquer d’une pierre blanche pour la ville de Tlemcen.

Tôt le matin, la cité est gagnée par une ambiance peu coutumière. Le Chef de l’Etat, en visite de travail et d’inspection, était présent pour donner le coup d’envoi de l’ouverture officielle de la manifestation. C’était aussi, l’occasion pour lui, d’inaugurer ou de visiter des infrastructures culturelles de grande importance pour ne parler que de cette occurrence. La cité des Zianides, grâce à tous ces équipements, a dorénavant, de larges opportunités pour rayonner après tant d’années de vaches maigres.

Le plateau de Lalla Setti est le théâtre d’un immense show en guise d’ouverture fabuleuse, intitulée «Tlemcen, l’écho de la foi», élaborée par le célèbre, Abdelhalim Caracalla. Une fresque épique retraçant l’histoire de la cité des Zianides. C’est une apothéose vivement appréciée par l’assistance. La soirée on ne peut plus somptueuse, a vu la participation d’une grande pléiade d’artistes algériens. C’est une manière assez édifiante de reconnaître leur talent. La représentation était à la mesure de la cérémonie officielle qui se conclura par des feux d’artifice.

Majestueux plateau de Lalla Setti

Une pensée lancinante me traversa l’esprit. Il est difficile d’accepter le fait qu’une cité au passé tellement resplendissant, se soit dérobée un tant soit peu et en catimini, du bruissement de l’histoire, de ses convulsions.

Une chose est sûre. Tlemcen avec ses infrastructures culturelles et éducatives, ses grands travaux de restauration tous azimuts, ses édifices, son nouveau musée édifié dans l’enceinte de l’ancienne mairie et tant d’autres réalisations conséquentes, va sortir la tête de l’ornière, repartir du bon pied.

A l’évidence cette couronne de capitale de la culture islamique, n’est pas un simple attribut que l’on arbore inutilement. Dans cette cité installée douillettement aux abords de l’imposant plateau de Lalla Setti, promu au rang de lieu de villégiature, de bastion touristique de haute volée qui la domine majestueusement, l’éclipse est vouée à entonner son chant du cygne.

La chronique locale se nourrit d’espérances légitimes qui en disent long sur une volonté perceptible de mettre à profit un gisement de potentialités indéniables.

Mohamed Bouraïb