Le secteur de la santé dans la wilaya de Tizi Ouzou reste loin des attentes de la population. Si des efforts ont été consentis dans l’optique d’améliorer les conditions d’accueil et de prise en charge du citoyen, cependant des insuffisances dans l’actuel système notamment au niveau de la prise en charge spécialisée, restent encore posées.
Certes, la politique de santé, basée sur le système de la gratuité des soins où le financement est supporté en partie par le Trésor public, la Sécurité sociale et la collaboration des collectivités locales, s’avère « dépassée et ne peut plus répondre aux exigences ».
La contractualisation initiée dans le cadre de la réforme de la santé et le système de sécurité sociale tarde à être appliquée. Ce qui pénalise le citoyen.
Contacté par nos soins, le président de la commission santé et hygiène au sein de l’Assemblée populaire de wilaya indique que «le secteur de santé de la wilaya de Tizi-Ouzou accuse d’énormes insuffisances» et que même « la nouvelle carte sanitaire initiée depuis mai 2007, portant création des EPSP, EPH et EHS devant permettre des soins de proximité aux citoyens, n’a pas atteint les résultats escomptés par le manque de moyens mis en place».

Il affirme qu’il a effectué des visites au niveau de plusieurs structures sanitaires de la wilaya afin de s’enquérir de l’état des lieux. En effet, l’établissement hospitalier spécialisé en gynéco-obstétrique de Sbihi-Tassadit au centre-ville de la wilaya a enregistré le décès de six parturientes à la fin de l’année 2012 et le début 2013.
Les résultats de l’enquête initiée par le ministre de la Sante et des Réformes hospitalière sont en cours. La clinique en question, qui a ouvert ses portes en 1981, ne répond plus à la demande ascendante «de par son exiguïté et le personnel spécialisé » dira Dr Msela, le président de ladite commission. Il notera que «la surcharge du volume de travail entraîne une sur occupation des espaces et l’on se retrouve avec une salle de parturientes de 16 m² pour une dizaine de femmes enceintes, souvent 2 femmes pour un même lit et 2 bébés dans une même couveuse».
Il faut ajouter à cela le manque de suivi des femmes opérées dans cette clinique après leurs sorties de l’établissement et qui reste un problème intrinsèque. En tous les cas, dira notre interlocuteur, la commission tire la sonnette d’alarme sur les évacuations venant des autres wilayas, en dépit de la disponibilité à leur niveau des moyens matériels et de spécialistes en gynéco-obstétrique. Quant à l’établissement Fernane-Hanafi de Oued Aïssi, il est spécialisé en soins psychiatriques et est d’une capacité de 330 lits. Cet établissement accuse un déficit en en matériel et en personnel spécialisé.
Les polycliniques,les salles de soins ne jouentpas le rôle escompté
Le président de la commission de santé, hygiène et protection environnement regrettera que les polycliniques ne soient pas performantes. « La polyclinique, élément essentiel de la pyramide des soins, ne joue pas pleinement le rôle escompté » dira-t-il. Par ailleurs, sur les « 58 polycliniques existantes, seulement 16 sont équipées de maternité et 15 de services des urgences médico-chirurgicales (UMC).
Elles remplissent plus le rôle d’unités de soins que de véritables polycliniques » précisera-t-il avant de souligner que la «la polyclinique de Thala Ililten sur les hauteurs de la commune d’ Aït Aïssa Mimoun (daïra de Ouaguenoun) est une structure délabrée avec infiltrations d’eau causées par des problèmes d’étanchéité. L’eau potable fait défaut dans les robinets. On s’alimente à partir d’une citerne.
Elle ne dispose guère d’UMC ». Toujours dans la même daïra puisque la sortie a été faite sur cette daïra, dans la polyclinique de Timizart, notre interlocuteur notera que les malades sont examinés sur les lits d’observation. Les patients attendent dans la cour en plein air, faute de salle d’attente. La radio n’est pas fonctionnelle pour cause d’absence d’un manipulateur pendant que le laboratoire spectrophotomètre est en panne depuis deux ans avec le groupe électrogène.
A Tikobaïne, chef-lieu de la localité, le programme de dépistage du cancer du col de l’utérus n’est pas opérationnel, une femme qui accouche ne reçoit même pas de tisane chaude, faute de restauration. Les parturientes ne se sont pas en sécurité par manque d’équipes de garde. Dans une autre sortie, à la daïra de Tigzirt, la polyclinique n’est pas aussi mieux lotie que les précédentes : problème d’étanchéité, manque d’échographe, dépistage du cancer du col de l’utérus non assuré, absence de réactifs en rupture de stock depuis des mois.
Les EPSP d’Iferhounène, Boghni, Draâ El Mizan, Draâ Ben Khedda, Azeffoun, Azazga … rencontrent des problèmes quasi similaires au vu et au su des responsables du secteur. Quant aux établissements publics hospitaliers (EPH), ils ne sont pas épargnés à ce marasme alors qu’ils devraient constituer une courroie de transmission entre les polycliniques et le CHU mais ce n’est pas le cas, y compris pour celui d’Azeffoun tout récemment réceptionné en 2012.
Il n’est un secret pour personne que celui-ci est resté en-deçà de la demande de la population côtière. Mais cela ne s’arrête pas là, puisque sept autres structures de même type vivent la même situation. Aïn El Hammam (datant de 1893), Larbaâ Nath Irathen, Draâ El Mizan, Azazga, Azeffoun, Tigzirt, Le Belloua.
Les problèmes rencontrés sont liés à la qualité de soins et à l’absence de médicaments pour certaines maladies. Le plus souvent, les malades se rabattent sur le privé. D’autre part, Dr Msela affirme dans son rapport lu devant les membres de l’APC lors de la première session, a dressé également un tableau noir de l’état des 258 unités existant au niveau du territoire de la wilaya.
Quant au CHU Nedir-Mohamed au centre-ville, d’une capacité d’accueil de 1100 places se retrouve dépassé par le nombre ascendant des patients qui s’y redent. «Il n’assure pas correctement sa mission tant sur le volet thérapeutique que pédagogique et ce, malgré des efforts consentis dans divers domaines». Un constat amer. Les autorités concernées doivent améliorer à l’avenir cette situation, à commencer par la réalisation d’un complexe mère-enfant, d’un nouveau CHU puisque le terrain qui abritera ces deux structures est déjà réservé. De plus, des améliorations au niveau des EPH, salles de soins s’imposent.
Nabil Graichi