Routes coupées, administrations fermées et services publics paralysés… Tizi Ouzou n’en finit pas de compter les actions nées de la colère des ses populations.
Intervenant lors de la session de l’APW du mois d’avril dernier, l’ex- wali de Tizi Ouzou, Abdelkader Bouazghi, avait annoncé que 804 fermetures d’institutions publiques ont été enregistrées de 2010 à 2014 dans cette wilaya. Dans le détail, il a observé que durant cette période, le siège de la wilaya a été fermé par des manifestants 103 fois et les sièges de daïra 114 fois, alors que ceux des mairies l’ont été 412 fois. Quant aux structures de la Sonelgaz (31) et de l’Algérienne des eaux (26), elles ont totalisé 57 fermetures. A cela s’ajoutent les routes qui ont subi 118 fermetures. Depuis cette annonce, ce nombre a connu une augmentation sensible, notamment en matière de fermeture de routes et de structures locales de l’Algérienne des eaux (ADE), en raison du problème d’alimentation. Mais pourquoi les habitants recourent à ce moyen extrême pour faire valoir leurs droits ? « Les citoyens privilégient la fermeture de routes et d’institutions comme forme de contestation, plutôt que la concertation et le dialogue avec les autorités compétentes, même si les différentes autorités pour la même période avaient reçu 887 organisations de la société civile, notamment les comités de villages et 98.000 citoyens individuellement », a noté l’ancien wali. En fait, ce moyen de protestation est, parfois, un « challenge » gagnant dans la mesure où les autorités cèdent aux desiderata des manifestants.
Ces derniers ont compris que les manifestations de rue est la solution à leurs problèmes, ils en usent systématiquement. Ainsi, pour le moindre problème, on ferme la route. Parfois pour des raisons…familiales, comme ce fut le cas pour ce citoyen qui, suite à une brouille avec son épouse, s’en est allé fermer la route desservant sa localité en brûlant des pneus. La dernière péripétie date de jeudi dernier quand les habitants de la localité de Taourga, relevant de la wilaya de Boumerdès, qui ont fermé la RN12 à hauteur du pont de Sidi-Naâmane, que de le faire dans leur wilaya, durant deux jours, pour réclamer la vérité sur la mort de deux jeunes de leur localité retrouvés carbonisés dans leur véhicule criblé de balles sur les hauteurs de Makouda, le week-end dernier. En fait, ces derniers se retrouvent otages de ce « deal » passé entre les autorités et les contestataires. Et pour cause, combien de rendez-vous médicaux, des examens déterminants pour l’avenir comme le bac ou de recrutement ou encore des départs à l’étranger importants ont été ratés à cause de ces fermetures intempestives.
La RN 12, le déversoir de la colère
La fureur des habitants de Tizi Ouzou s’exerce notamment sur la RN12. Un important axe économique. Sa paralysie cyclique agace non seulement les citoyens, mais aussi les opérateurs économiques de la région. En fait, ces opérateurs subissent les contre-coups de la fermeture de la RN 12, même lorsque ses tronçons sont fermés au niveau d’Adekar et d’El Kseur, dans la wilaya de Bejaïa et à Naciria et Bordj-Ménaïel, dans la wilaya de Boumerdès. « Ces fermetures récurrentes sont pénalisantes pour mon entreprise », fulmine un opérateur qui estime qu’« avec la concurrence qui existe sur le marché, les entreprises de la wilaya de Tizi Ouzou sont les premières victimes de ces blocages de la RN12 ». Et d’ajouter : « Dès lors que je ne peux pas faire parvenir ma production dans les délais à ma clientèle et que je ne reçois pas aussi la matière première, comment voulez-vous que je sois compétitif. Donc je suis aussi dans l’obligation de revoir à la baisse mon plan de charge et par conséquent revoir aussi à la baisse mes effectifs, en procédant à des licenciements. » L’opérateur exige des autorités concernées d’agir avec la plus grande célérité et fermeté contre les auteurs de ce type de protestation. Une idée qu’approuve ce citoyen qui s’est un jour retrouvé bloqué sur la route de la localité de Mammar, non loin de Draâ El-Mizan, par des manifestants qui ont fermé la route pour un problème d’AEP. « Même si les revendications des contestataires sont légitimes, on ne doit pas subir les représailles. Je refuse d’être otage et victime de cette situation », souligne-t-il. D’autant que pour lui ces fermetures de routes sont mises à profit par des bandes de voyous pour user de leurs armes blanches et faire main basse sur tous les biens des automobilistes et leurs passagers bloqués dans ces bouchons. Tout comme, ils délestent même des semi-remorques de leurs marchandises devant des chauffeurs impuissants et médusés.
Rachid Hammoutène