On la savait rongée par les frictions internes mais on ne s’attendait guère à assister de sitôt et de la sorte au spectacle public de son irrémédiable distorsion. L’Alliance présidentielle, née pour servir le chef de l’Etat, sombre, les réformes politiques ayant précipité son naufrage.
Ce n’est plus à fleurets mouchetés que les Belkhadem, Ouyahia et Soltani s’affrontent désormais. C’est à qui assénera le coup de massue à l’autre. Fini le temps des convergences feintes et des congratulations de circonstance. Les chefs des trois partis de l’Alliance présidentielle enfilent leurs armures et jouent aux gladiateurs dans une arène politique jusque-là dominée par le vaudeville. Abdelaziz Belkhadem, à qui les redresseurs du FLN hérissent déjà les poils de la barde, a mis, depuis samedi, une autre corde à son arc et a décoché à l’endroit d’Ahmed Ouyahia.
Tant qu’à vivre avec les inimitiés, autant les démultiplier, semble avoir (mal) raisonné Belkhadem dont la sérénité se trouve sérieusement troublée ces temps derniers. «Je me demande pourquoi, à la veille de chaque rendez-vous important, c’est le FLN qui est ciblé (…) pourquoi certains, qui avaient pourtant été au pouvoir, ont partagé le pouvoir, n’ont jamais été ciblés ? Ces gens-là ont pourtant consacré la corruption et l’opportunisme. Nous, nous n’avons pas attendu le jour où les vents changent de direction pour prendre le train de la réconciliation nationale, juste par opportunisme, juste pour garder des postes», a-t-il asséné samedi depuis la Coupole vers où il a battu le rappel des troupes comme pour narguer Salah Goudjil et ses camarades redresseurs. Mais la volée est destinée à s’abattre sur Ouyahia et le RND que le propos accuse de corruption et d’opportunisme. Ça ne devrait pas laisser de marbre Ouyahia que l’on sait porté sur l’estocade. Surtout que c’est son partenaire dans l’Alliance présidentielle qui s’est amusé à lui tailler des croupières. Miloud Chorfi, porte-parole du RND et chef du groupe parlementaire du parti, donne déjà le ton de ce que sera la réplique. «Le 1er Novembre appartient à tous les Algériens, il n’est pas l’apanage de ceux qui veulent le monopoliser», a-t-il soutenu, dans une allusion à peine voilée au FLN. Ce pugilat politique entre les deux partis ayant constitué le socle de l’Alliance présidentielle intervient alors que le MSP avait enfilé ses gants depuis un bon moment déjà.
Aboudjerra Soltani n’a eu, en effet, de cesse de vilipender ses deux partenaires dans ce qui fut une Alliance présidentielle, accusant tour à tour le RND d’abord et le FLN ensuite de faire peu de cas de la présence de son parti, le MSP, parmi eux. Avec l’avènement des réformes politiques, à parler vrai la promesse du chef de l’Etat, le parti islamiste a ajouté d’autres graduations dans son animosité à l’encontre de ses supposés alliés, notamment le FLN qu’il accuse de tout entreprendre pour saborder les réformes en question. Il y va jusqu’à inviter le président Bouteflika à soustraire ses réformes à l’Assemblée populaire nationale, affublée, elle, du pas du tout élogieux titre d’illégitime, et les soumettre à l’appréciation du peuple. C’est dit ainsi, sans les précautions d’usage chez les politiciens. Ce qui, bien évidemment, dénote de toute la sclérose qui a atteint l’Alliance présidentielle qui, censée servir l’action du président, travaille plus que la plus radicale des oppositions à lui en garantir l’échec.
S. A. I.