Les islamistes mettent la pression sur le bulletin de vote
A quelques semaines du scrutin des législatives du 10 mai, le conflit entre le département de l’intérieur et la Commission nationale de surveillance des élections (Cnsel) n’a pas livré tous ses secrets.
Le noeud gordien du désaccord entre le département de Ould Kablia et la Cnsel «est relatif à l’inscription en bloc et hors délais des militaires sur les listes électorales de plusieurs wilayas», affirment les partis contestataires.
«Les problèmes sont toujours en suspens», a affirmé M.Seddiki, président de cette commission qui n’a pas exclu la tenue d’une conférence de presse pour expliquer tous ces blocages. «On se réunira dimanche (aujourd’hui Ndlr) pour trancher plusieurs points importants», a-t-il affirmé sans préciser la nature des actions que la Commission compte entreprendre. Selon un membre de la Cnsel, qui comprend 41 représentants de partis politiques, une lettre signée par tous les partis pourrait être rendue publique et adressée au président de la République.
De leur côté, les islamistes mettent la pression sur le bulletin de vote. Si son importance relative est établie, le bulletin unique n’est qu’un prétexte ou une diversion, soutiennent-ils.
A ce propos, Abdallah Djaballah accuse le département de l’intérieur de verser dans la politique du deux poids, deux mesures. Pour lui, le véritable enjeu du bras de fer entre la Commission nationale de surveillance de ces législatives et le département de Ould Kablia que l’on essaie de passer sous silence, «c’est cette histoire d’inscription massive et hors délai des militaires». Du coup, l’argument avancé est évacué d’un revers de la main par le même responsable.
Le fait que «nos soldats sont venus au secours des populations isolées lors des dernières intempéries, ne les place en aucune manière au-dessus de la loi», a-t-il estimé. En décelant que derrière ces conflits superposés se «cachent de réelles volontés de fraude». De même dans la moindre mesure, le consensus sur l’exigence de bulletin unique est présenté par la majorité des partis politiques en lice comme un «un minimum pour assurer une transparence et une crédibilité à l’opération» électorale. La secrétaire générale du PT et le président du Front du changement (FC), Abdelmadjid Menasra, ont réitéré, hier encore, leurs plaidoiries en faveur du bulletin unique. Ce système de bulletin unique, portant les noms et les numéros des listes électorales, «permettra de couper la route à certaines puissances d’argent qui se préparent à acheter les voix des électeurs», a affirmé le chef du FC.
Or, le ministère de l’Intérieur, lui, a préconisé de substituer le bulletin unique par «le bulletin pour chaque liste» en jugeant «irréaliste» la demande de la Cnsel. De son côté, celle-ci a décidé, jeudi, de poursuivre la suspension de ses activités jusqu’à aujourd’hui, en protestation contre «la persistance» par le ministère de l’Intérieur à refuser toutes ses propositions, doléances en opposant une fin de non-recevoir à ses correspondances.
Dans cette cohue générale, les micro-partis ont ajouté leur grain de sel en s’alignant sur la position du ministère de l’Intérieur. Dans ce contexte, le FNL fraîchement agréé, pour ne citer que celui-là, s’inscrit contre la décision de la Cnsel sans toutefois argumenter sa position incongrue.
Sur un autre plan, les islamistes, les tenants de la «chkara» et même ceux ayant des antécédents judiciaires se sont taillés la part du lion sur les listes de candidatures de la majorité des partis. Les islamistes BCBG et ceux qui s’assument comme tels, ont eu la part belle sur les listes des partis favoris pour emporter la mise. En clair, ceux qui veulent profiter de l’effet de la conjoncture régionale induite par les révoltes arabes, et soutenant mordicus que l’Algérie ne pourrait y échapper, se retrouvent en pole position en prévision du scrutin des législatives.
L’Islam politique et le mouvement conservateur sont les seuls bénéficiaires de ces joutes. Illustrant cette tendance symptomatique, 45% des candidats de Djaballah viennent du secteur éducatif dont 25% des trois paliers de l’Education nationale et 20% de l’enseignement supérieur. Cela prouve, s’il en est, que ces secteurs sensibles sont le nid de l’islam politique. Il est clair que «l’arabité a favorisé l’islamisme». Cela relève des conséquences de l’option de l’arabisation tous azimuts engagée à l’époque.
Daho Ould Kablia a qualifié cet état des lieux comme lié à des erreurs commises, notamment dans un domaine aussi névralgique. Dans la même logique, la désillusion des jeunes totalement évacués de la course, s’ajoute à la tempête de contestation des bases militantes ou ce qui en reste, engendrée directement par la confection des listes. Dès lors, un «changement pacifique, loin de toute forme de violence» dont on parle avec insistance, est loin d’être garanti.