Responsable du département juridique dans une entreprise publique des hydrocarbures activant principalement dans les régions du Grand-Sud du pays, notamment à Hassi-Messaoud, Mme Tir Sihem a accepté de répondre aux questions de “Liberté” liées à la fois à sa fonction et à sa conditon de femme exerçant dans le Grand-Sud.
Liberté : Votre condition de femme constitue-t-elle un obstacle dans la gestion de vos obligations professionnelles ?
Tir Sihem : Pas du tout. L’accès des femmes aux postes de décision dans l’entreprise est devenu une réalité dans notre pays. Les femmes occupent un peu moins d’un tiers des postes d’encadrement dans les entreprises du secteur privé et semi-public alors qu’elles sont majoritaires au sein de l’université. La féminisation des postes de cadre est en augmentation dans tous les secteurs. Par ailleurs, en plus des droits civils et politiques revendiqués depuis la nuit des temps par les femmes du monde, le 8 Mars rappelle aussi leurs belles avancées dans le monde moderne du travail, l’entrepreneuriat, la technologie, etc., où elles se sont intégrées et dont elles ne peuvent qu’être fières.
En ce qui me concerne, il suffit de savoir manager. Il est important que le responsable juridique ait un sens de management d’équipe. Auparavant, le juriste pouvait se contenter d’être un simple expert du droit. De nos jours, il a besoin d’une double casquette : celle de manager et celle de juriste.
La position du responsable juridique de plus en plus proche de la direction générale, l’oblige à traiter des questions de management, sans compter l’équipe entière qu’il doit gérer. Il doit créer une véritable synergie, tout en mettant sur pied une politique efficace de gestion des carrières. En somme, je suis la garante de l’épanouissement de mon équipe.
Quels sont les facteurs de succès et comment devient-on manager juridique ?
Ayant cumulé seize années d’expérience dans la fonction juridique, j’ai été promue au poste de chef du département juridique rattaché à une direction centrale de l’activité.
Outre la gestion des cadres juristes mis sous ma responsabilité, et étant spécialiste en droit des affaires, j’interviens dans le conseil, la rédaction des documents pré-contractuels, contractuels et post-contractuels. Le responsable juridique doit s’inscrire profondément au cœur du business, et devenir une valeur ajoutée pour l’entreprise. Les conseils qu’il prodigue doivent être créateurs de valeurs à la fois dans la gestion du risque immédiat et dans la protection et la pérennité de l’activité de l’entreprise sur le long terme. Le responsable juridique et ses équipes doivent tenir le même langage que l’ensemble des autres unités de la société, à savoir celui des chiffres. Il est très important d’exprimer ses projets à travers un prisme chiffré plutôt que d’utiliser les terrains émotionnels ou techniques.
La fonction juridique qui était, dans un passé récent, moins considérée, commence à être réhabilitée par beaucoup d’acteurs économiques. Quel est le secret de cette évolution ?
Les managers de haut niveau se sont rendu compte que le juriste ne doit plus être confiné dans la fonction de secrétariat. Il faut désormais le mettre en position de passer du savoir au faire savoir. Le responsable juridique doit d’abord valoriser sa structure auprès des autres structures de l’entreprise, en faisant du marketing de sa propre structure.
Il doit traduire son expertise, sans l’amoindrir pour susciter l’intérêt de ses partenaires. Un profil loin d’être naturel pour un juriste au profil universitaire qui n’a pas acquis les bases nécessaires pour être un bon communicant pendant sa formation. Il n’est pas habitué à présenter son travail d’une manière intelligible pour tous avec un discours adapté en fonction de son interlocuteur. Et pourtant, c’est aujourd’hui capital pour que chacun prenne conscience de l’importance et de l’intérêt de son travail.
On dit qu’il n’est pas aisé de rester au diapason de la législation et de la réglementation en perpétuelle évolution. Est-ce votre cas ?
En effet, le monde économique ne cesse de se transformer et les lois et règlements ne sont pas en reste. Le juriste d’entreprise doit être toujours à la pointe du droit. Il ne doit jamais se laisser dépasser par les événements et surtout par l’environnement juridique qui change constamment. Le droit évolue très rapidement et se nourrit toujours de la nouveauté.
Il faut donc aller aussi vite que lui. Au cœur du business il doit pouvoir s’adapter, anticiper et prévoir l’environnement dans lequel il évolue. Pour ma part, mon ambition est que la fonction juridique et mon équipe de juristes soient toujours mises en situation de pouvoir donner le meilleur d’elles-mêmes. Non pas pour la satisfaction d’une quête hégémonique ou dogmatique, ou encore pour les lauriers d’une reconnaissance statutaire, mais, fondamentalement, pour qu’elles soient toujours là, où et quand il faut, de manière à ce que les décisions de l’entreprise se prennent une fois leur avis entendu et compris.