Thon et thoniers dans le collimateur

Thon et thoniers dans le collimateur
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L es 1100 tonnes de thon allouées pour 2010 à l’Algérie par la Commission internationale pour la conservation du thon (ICCAT) n’ont pas été pêchées, a déclaré à la Chaîne III le nouveau ministre de la Pêche, Abdallah Khanafou. Une information que nous donnions déjà au mois de juin dernier, à l’issue de la campagne de la pêche au thon en Méditerranée.

Le ministre de la Pêche et des Ressources halieutiques (MPRH) le regrette sans en donner les raisons.



Les Algériens n’ont pas pêché de thon cette année, comme les années précédentes par ailleurs, car l’interdiction de recourir à des étrangers introduite pour la campagne 2010 a mis au jour les véritables capacités des thoniers algériens qui ne font des pêches miraculeuses que s’ils s’associent avec des Turcs.

Ceci pour les embarcations qui se faisaient passer pour des thoniers et qui étaient néanmoins portées par le MPRH sur la liste de l’ICCAT pour être homologuées. Une supercherie employée depuis 2003 et qui a montré toute son ampleur avec l’affaire de Annaba et le scénario de l’échange virtuel en haute mer de centaines de tonnes de thon rouge, le plus prisé.

LG Algérie

Pour les rares thoniers algériens capables de faire une pêche digne de ce nom et que l’on peut compter sur les doigts d’une seule main, ils n’ont pas été informés à temps par le MPRH, durant le mois de janvier, de l’existence d’une autre disposition de l’ICCAT. Celle de s’acquitter avant terme du montant d’un million de dinars environ pour la présence d’un observateur indépendant à bord de chaque embarcation.

Un oubli loin d’être innocent car il arrangerait bien certaines affaires puisqu’on peut ainsi justifier l’absence des Algériens dans la campagne de 2010 par le défaut du paiement des armateurs et surtout écarter un observateur indépendant gênant.

L’unique armateur qui a pu s’acquitter de cette nouvelle redevance a été empêché cependant de mettre ses bateaux au travail par une avalanche de difficultés administratives du fait que ses acquisitions ont entièrement été financées sur fonds personnels, sans aucun apport de la banque ou de l’Etat. Un ovni, en quelque sorte.

En effet, les unités considérées comme thoniers, commandées en grande majorité dans les chantiers navals turcs et dont le prix varie entre 50 et 80 millions de dinars, sont financées par l’Etat à hauteur de 60%, par un prêt bancaire contracté auprès de la BADR de 30% alors que l’armateur n’apporte que les 10% restants. Une affaire en or qui a attiré du monde.

Sur les quais, ce n’est un secret pour personne : les beaux bateaux flambants neufs mais déjà en panne appartiennent à des dignitaires du régime ou à leurs proches. En panne parce qu’ils n’ont pas été construits selon les caractéristiques du cahier des charges. Des malfaçons qui traduisent les irrégularités dans les contrats où armateurs et constructeurs ont profité tant qu’ils ont pu de la manne du plan de relance.

Le nouveau ministre de la Pêche a déclaré, hier, suspendre toute nouvelle acquisition. Mais difficile de croire que c’est parce que la flottille de pêche algérienne, avec ses 4500 unités, suffit à couvrir les besoins qui ne sont pas connus puisqu’on va acquérir un bateau de pêche scientifique dont le but, précisément, est de déterminer les stocks exploitables.

En fait, tout le monde se demande où sont passés ces 26 milliards de dinars du plan de relance qui devait faire passer de 4 à 8 kg/an/habitant la consommation de poisson de l’Algérien ? Comme toujours, dès que le constat du secteur de la pêche est fait et que ses éternelles défaillances sont reconnues, on fait appel à ce mythe de l’aquaculture que l’on fait miroiter pour continuer à bénéficier de programmes et de financements.

En Egypte, dira le ministre, les productions de l’aquaculture dépassent celles de la pêche comme partout dans le monde aujourd’hui. Nous avons commencé à nous intéresser à l’aquaculture en même temps que les Tunisiens et les Egyptiens, mais nous sommes loin derrière.

Des financements de fermes aquacoles ont été accordés jusqu’à des montants de 700 millions de dinars, mais l’aquaculture en Algérie en est au stade du béton.

Comme pour la pêche, les avantages des investissements ont attiré des personnes qui n’ont rien à voir avec cette activité qui nécessite au minimum une excellente connaissance des techniques et des technologies. M. Khanafou a promis d’ouvrir des enquêtes sur les destinations de ces centaines de milliards d’aides allouées par l’Etat.

Slim Sadki