À la veille du 1er juin, date de la célébration de la Journée internationale de l’enfance, le représentant du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) en Algérie, Thomas Davin, a, d’emblée, accordé, hier, un satisfecit au gouvernement algérien dont il n’a eu de cesse de louer les efforts en matière de protection de l’enfance.
Première agence onusienne présente en Algérie à l’Indépendance, l’Unicef a été témoin, selon son représentant à Alger, des progrès réalisés en matière d’accès à l’éducation et à la santé. En attendant le rapport global de l’Unicef sur la situation des enfants dans le monde 2013 qui sera rendu public samedi, l’invité du Forum de Liberté a tout de même égrené quelques chiffres. “30% du PNB sont consacrés aujourd’hui aux transferts sociaux en Algérie. Le niveau des investissements sociaux ne s’est jamais démenti depuis l’Indépendance.”
D’après lui, l’arsenal juridique algérien protège assez bien les enfants. “Dans ce domaine, il y a peu de lois qui n’existent pas dans la législation algérienne”, affirme-t-il enthousiaste. À le croire, l’Unicef dont le rôle est d’influencer les politiques publiques, semble ne pas avoir trop de “pain sur la planche” en Algérie. Les partenaires gouvernementaux n’attendent pas, selon lui, l’agence onusienne pour initier des projets ou pour revoir leurs systèmes et procédés de protection de l’enfance. Il reconnaît, de cette manière, une certaine disponibilité et ouverture algériennes pour mieux servir et protéger l’enfance et la jeunesse. Pour lui, “le plus grand pays d’Afrique” induit, par sa taille, surtout des challenges d’ordre “logistique”. “Sur le plan des réalisations des structures sociales, l’Algérie n’est ni le Congo ni l’Afghanistan, ni la Somalie. Il y a eu des investissements structurels significatifs.” M. Davin reconnaît, toutefois, que cela fait, à peine un an, qu’il est en Algérie, un pays qu’il ne prétend pas connaître parfaitement. Néanmoins, pour lui, il y a eu plusieurs “batailles gagnées” mais il reste également quelques “défis à relever”. En effet, si en matière d’éducation, 98% des enfants algériens ont, aujourd’hui, accès à l’école, nombre d’entre eux la quitte très tôt (9% à l’issue de l’école primaire et 35% après le collège). Pour lutter contre la déperdition scolaire en Algérie, l’Unicef préconise “la mise en place d’un système d’information électronique qui permettra d’identifier, suivre et réintégrer les enfants déscolarisés” et envisage d’aider également à “la formation des enseignants par l’approche pédagogique par les compétences”. De son “constat rapide”, il en résulte que si la bataille de la scolarisation est gagnée, sur le plan de la “qualité” de l’enseignement, les choses sont, selon lui, toute autre.
“Il reste des progrès à faire notamment dans le préscolaire dont le potentiel d’impact sur l’enfant est déterminant.” En insistant dans son plaidoyer pour un système dit de “maternelle”, l’invité de Liberté mettra en exergue les retombées financières.
Un argument auquel tout le monde est désormais sensible. “Un dinar investi dans le préscolaire peut rapporter de 8 à 17 dinars de retour sur investissement”.
En effet, d’après les statistiques disponibles, les enfants préscolarisés de 3 à 5 ans ont plus de chances de réussir leurs études que d’autres. La petite enfance, soit de 0 à 6 ans, représente, d’après lui, les années de vie les plus importantes pour le futur adulte. “Si l’enfant est scolarisé dès l’âge de 3 ans, il peut aller plus loin dans ses études”, soutient-il. Autre sujet récurrent en Algérie, les enlèvements, les viols et les meurtres sur les enfants. Le représentant de l’Unicef s’est montré, à ce sujet, plutôt rassurant. “D’après les chiffres officiels de la DGSN, nous ne sommes pas dans le cas d’une courbe ascendante en termes de valeur absolue. Je n’ai pas de raison de remettre en cause ces chiffres”. Si, pour lui, il n’y a pas de croissance exponentielle de ce phénomène, il estime néanmoins comprendre la préoccupation et les attentes des parents. Il se félicite surtout que la société algérienne dise non en refusant ces crimes abominables. “On doit pouvoir, en effet, arriver à zéro cas car aucun enfant ne doit être maltraité.” D’après lui, il existe au niveau national des cellules de prévention que l’Unicef veut aider par une meilleure coordination. “Nous voulons aider les différents acteurs (services de sécurité, autorités administratives, associations) à mieux travailler ensemble pour qu’aucun enfant ne passe à travers les filets de la protection mise en place. De même que nous voulons vérifier que le système fonctionne à l’échelle locale”. S’agissant du traitement médiatique des cas de violence sur enfants, M. Davin a exhorté les journalistes à tenir compte, à chaque fois, de “l’impact potentiel sur le futur de la victime ainsi que sur sa capacité à se reconstruire”. Pour lui, même la publication des circonstances de la mort d’un enfant, son nom et sa photo doivent être soumis à une autorisation préalable des familles. De son point de vue, les médias ne doivent pas participer à la culpabilisation des parents. Le “système” doit, selon lui, s’assurer, à chaque fois, de la véracité des faits, au demeurant, très graves. L’enfant-victime est amené, pour sa part, à répéter plusieurs fois sa version des faits, ce qui est, pour lui, non seulement très traumatisant mais risque également de l’entraîner dans un “mutisme” profond. C’est pourquoi l’Unicef recommande toujours l’entretien filmé où tous les détails seront abordés une seule et dernière fois. M. Davin évoque, en revanche, une recrudescence des enfants impliqués dans les délits en Algérie. Concernant la malnutrition, il révélera qu’elle touche environ 11% des enfants du Sud et des Hauts-Plateaux où les aliments ne sont pas toujours disponibles et où la pauvreté est, semble-t-il, plus importante qu’ailleurs. Par ailleurs, il n’y a, d’après lui, que 7% de nouveau-nés alimentés en Algérie au lait maternel durant 6 mois. Ce qui entraîne des conséquences sur le développement physique et cognitif des futurs adultes.
S’agissant de l’aide apportée aux enfants réfugiés en Algérie, il révélera que cela fait au moins 20 ans que l’Unicef est impliquée aux côtés des enfants sahraouis, et ce, dans les cinq camps de réfugiés situés à Tindouf où la mortalité néonatale, précise-t-il, est encore très forte. En outre, 40% des enfants sahraouis ont, selon lui, un retard de croissance. Quant à la présence des réfugiés maliens sur le territoire national, le représentant de l’Unicef en Algérie croit savoir que la majorité d’entre eux ont “la double nationalité”. “Le seul chiffre qu’on connaît est celui de
1 700 personnes donné fin décembre par les autorités algériennes au Haut-Commissariat aux réfugiés.” Il révélera qu’un camp de 420 personnes du Croissant-Rouge algérien est installé à la frontière malienne, à près de 800 km du premier aéroport civil et de 8 à 10 heures de route de la ville d’Adrar. “Logistiquement, il nous est difficile d’intervenir nonobstant du fait qu’il s’agit d’une zone à risques”, a-t-il déclaré impuissant.
Revenant, enfin, sur la célébration de la Journée internationale de l’enfance samedi, M. Davin révélera qu’elle sera dédiée cette année aux “enfants handicapés” qui, sont des “enfants à part entière”. Il s’agit notamment, selon lui, de mettre en exergue, à cette occasion, les qualités et les aptitudes des enfants handicapés. “Dans le monde, un être humain sur sept est handicapé”, annonce-t-il. Interrogé sur la situation de milliers d’enfants atteints de “légers handicaps” psychomoteurs et précisément sur les difficultés de leur scolarisation en Algérie, M. Davin fera son “mea culpa” en avouant que l’agence onusienne a peu travaillé en Algérie sur cette question quelque peu “sous-estimée” au profit des handicaps “plus lourds”. En attendant de se pencher sur cette question, l’invité du Forum de Liberté s’est dit néanmoins solidaire du chemin de croix de ces enfants et de leurs parents.
M C L