La plupart des opposants réclamant la chute du gouvernement en Thaïlande ont observé une trêve ce matin, à l’exception d’une frange de jusqu’au-boutistes, à la veille de l’anniversaire du roi Bhumibol.
Au Monument de la démocratie, lieu symbolique du mouvement où ils étaient les plus nombreux ce matin, les opposants au gouvernement se sont alliés aux employés de la municipalité pour nettoyer leur campement installé depuis des semaines au milieu d’une avenue où sont traditionnellement organisées des célébrations pour l’anniversaire du roi.
«Nous avons arrêté de manifester afin de tout nettoyer pour la célébration de l’anniversaire du roi. Nous reprendrons le combat après», a expliqué à l’AFP, Kriangkrai Kaewraka, un des manifestants participant à la grande opération de nettoyage. Certains débris – carcasses de voitures brûlées, barbelés découpés… – ont également commencé à être ramassés autour de bâtiments officiels ayant vu des affrontements pendant plusieurs jours entre policiers et manifestants qui voulaient les prendre. «Leur mouvement aujourd’hui est simplement pour montrer leur pouvoir et que les manifestations continuent», a commenté le chef du Conseil de sécurité nationale, Paradorn Pattanatabut. Les meneurs du mouvement n’ont en effet pas abandonné leur objectif de se débarrasser de ce qu’ils appellent le «système Thaksin» et de le remplacer par un «conseil du peuple», non élu. «Après l’anniversaire du roi, nous reprendrons le combat jusqu’à ce que nous ayons atteint notre but», a promis hier, mardi, le meneur des manifestants, Suthep Thaugsaban. Hier, les autorités avaient changé de tactique et laissé les manifestants entrer par milliers, sans résistance, au siège du gouvernement et de la police de Bangkok, où ils sont restés un moment avant de repartir d’eux-mêmes. Rappelons qu’au cœur de la colère des manifestants, alliance de bourgeois conservateurs proches du Parti démocrate, principal parti d’opposition, et de groupuscules ultra-royalistes: une haine profonde de Thaksin qui rejaillit sur sa sœur, à la tête du gouvernement depuis 2011, après une large victoire dans les urnes du parti pro-Thaksin, Puea Thai. Derrière les manifestations se trouve le Parti démocrate, dont Suthep était un des leaders avant de démissionner pour mener le mouvement. Les Démocrates n’ont pas remporté d’élections nationales depuis 20 ans, mais leur chef, Abhisit Vejjajiva, a dirigé le gouvernement de 2008 à 2011 à la faveur d’une décision de justice ayant dissous le parti pro-Thaksin au pouvoir et forcé le Premier ministre à la démission. Majoritaire à Bangkok et dans le sud de la Thaïlande, les Démocrates sont traditionnellement soutenus par les élites de la capitale – hauts fonctionnaires, magistrats, militaires et proches du Palais royal – qui voient dans Thaksin et le mouvement des «chemises rouges» soutenant ce dernier une menace pour la monarchie.
R. I. / Agences
Quatre meurtres liés à l’insurrection
Quatre villageois ont été abattus dans l’extrême sud de la Thaïlande, a indiqué la police ce matin, au moment où la crise politique en cours jette une ombre sur des discussions de paix déjà au plus bas. Les quatre hommes voyageaient dans un camion, hier soir, lors qu’ils sont tombés dans une embuscade de rebelles présumés dans le district de Nongchik de la province de Pattani, l’une des trois de l’extrême Sud placées sous état d’urgence. Selon des indications préliminaires, «les meurtres sont liés à l’insurrection», a déclaré le colonel Yukol Prasatnanont, de la police de Nongchik, ajoutant qu’un cinquième homme était porté disparu. Dans un incident séparé, un chef de village musulman a été abattu à son domicile, hier soir, dans un autre district de la même province. Depuis le début en 2004 de la rébellion séparatiste dans cette région majoritairement musulmane rattachée à la Malaisie jusqu’au début du XXe siècle, plus de 5 700 personnes ont été tuées, dont une majorité de civils pris pour cibles par les insurgés ou victimes collatérales d’opérations des forces de sécurité. Les insurgés musulmans se rebellent contre ce qu’ils vivent comme une discrimination contre la population d’ethnie malaise et de religion musulmane dans un pays essentiellement bouddhiste.
Le plus vieux souverain en exercice au monde
Le roi Bhumibol Adulyadej, plus vieux souverain en exercice au monde après plus de six décennies de règne, est le symbole de l’unité de la Thaïlande et une figure vénérée, à mi-chemin entre le père de la Nation et le demi-dieu. Des violences le jour de ses 86 ans seraient vues comme un affront. Ce monarque constitutionnel, dont la santé est affaiblie, vit désormais dans son palais de Hua Hin, station balnéaire située au sud de Bangkok et n’est pas apparu jusqu’ici pour évoquer la crise.