Un violent accrochage a opposé, samedi dernier, les éléments de l’armée à un groupe d’individus sur les hauteurs de la daïra de Gouraïa, causant la mort d’un garde communal et des blessures graves à 7 militaires.
L’information pourrait ne pas inquiéter outre mesure si on continue d’inscrire «ces soubresauts» dans un contexte d’après guerre, c’est-à-dire, comme le soulignent toujours les politiques, «après de longues années de terrorisme desquelles ne resteraient désormais que des poches ici et là, qu’un terrorisme résiduaire alimenterait par des ultimes barouds d’honneur au prix, hélas, encore de vies humaines».
Il n’est cependant pas raisonnable d’y croire au lendemain d’un double attentat kamikaze qui a ciblé l’académie militaire interarmes de Cherchell. Un haut responsable de la sécurité nous expliquait hier que l’accrochage qui a eu lieu samedi entre les éléments de l’ANP et un groupe terroriste, «c’est-à-dire quelques heures après l’attentat contre l’académie, remet sérieusement en cause et le discours politique triomphaliste de ces dernières années sur une guerre gagnée contre le terrorisme et les stratégies, les visions et les moyens auxquels les services de sécurité y ont recouru jusqu’à ce jour pour combattre ce phénomène».
Samedi, un groupe terroriste a tenu tête à un contingent de l’ANP soutenu par un groupe de la garde communale, à Bouhriz, dans la commune de Messelmoune, daïra de Gouraïa dans la wilaya de Tipaza. «L’accrochage a eu lieu en plein maquis, sur les montages de la région », nous disait hier le haut responsable de la sécurité qui craint qu’on «doit reparler encore des maquis».
Pour notre interlocuteur, il est d’ores et déjà reconnu que la situation sécuritaire est devenue difficile et compliquée parce que brouillée par de nouveaux éléments engendrés par la rapide évolution que connaissent les événements dans la région. «L’Algérie est un pays pétrolier, on n’est pas à l’abri de problèmes graves, ils veulent nous abattre», soutient notre interlocuteur.
Bien au fait du développement de la situation sécuritaire, il avance sans craindre d’être contredit que «les groupes terroristes se sont reconstitués, on le voit déjà au niveau de la Kabylie où ils se sont installés pour longtemps». Notre source estime que «seul le renseignement peut aider à contrecarrer leurs agissements et faire échouer leurs plans.» Mais il déplore que «depuis quelques années, le renseignement ne monte plus aux services concernés, le peuple ne parle plus, il ne collabore plus».
Le haut responsable plaide fortement pour une réorganisation du renseignement et des structures et services qui en ont le monopole. «Il faut (ré) organiser le renseignement, nous avons les moyens nécessaires pour réussir, nous avons une police puissante, de l’argent et de grandes capacités humaines », affirme-t-il.
«IL FAUT RÉORGANISER LES COMMUNES EN FONCTION DE LA SITUATION SÉCURITAIRE»
Il pense même que «le renseignement de proximité doit être encouragé par tous les moyens, le renseignement, il faut le payer !», souligne-t-il. La proximité doit, selon lui, être gérée par la commune». Il faut réorganiser les communes de l’ensemble du pays en fonction de la situation sécuritaire interne et externe et de ses nouveaux développements », conseille-t-il.
Ceci exige bien sûr, complète-t-il, «de la technicité et du professionnalisme ». Le ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales s’était déplacé, au printemps dernier, aux frontières algéro-maliennes pour s’enquérir de l’état de la sécurité dans des zones jugées à haut risque sécuritaire, notamment depuis l’avènement de l’insurrection en Lybie.
Daho Ould Kablia avait tenté de sensibiliser les populations locales sur l’importance de la vigilance «en gardant les yeux ouverts sur les frontières», mais aussi sur la nécessité du renseignement «sur tout ce qui bouge à ce niveau». Le ministre a comme programme de continuer ses randonnées à travers toutes les régions frontalières du pays pour «mettre dans le coup de la surveillance du pays toutes les populations».
Ceci étant dit, les déplacements de Ould Kablia constituent une infime partie de ce qui est qualifiée de «réflexion autour d’une problématique aussi épineuse et complexe qu’est la sécurité du pays». Réflexion qui, dit-on, est largement engagée. «Le Conseil de sécurité au sein duquel siègent tous les secteurs concernés doit revoir tout ça», estime le haut responsable.
Des sources bien informées proches de la présidence de la république rapportent que «non seulement la réflexion a été engagée depuis très longtemps mais qu’il en ait découlé un rapport bien épais sur ce qui doit être fait et prévu comme changements logistiques et humains». Mais c’est certainement le dernier caractère exigé – humain – par le changement qui pose problème.
«Si le président dit aux responsables avec qui il doit collaborer pour gérer les affaires du pays que tout le monde partira le moment opportun, qu’il est le seul à décider, il est évident que des réticences se déclarent, elles peuvent être sournoises et nuisantes même», nous renseigne nos sources.
RÉFORME DES SERVICES DE SÉCURITÉ
Il est dit, comme déjà annoncé dans ces colonnes, que le président de la république a entre les mains un document portant réforme des services de sécurité dans leur ensemble.
«Il avait engagé ce travail dès son arrivée à la tête du pays, il en discutait longuement avec Nouredine Yazid Zerhouni en tant qu’élément bien actif de l’ancien ministère algérien des Liaisons générales (MALG)», dit-on de sources bien informées. L’on rappelle d’ailleurs que c’est à ce moment qu’a surgi l’idée de la création d’un super ministère de la sécurité qui devait regrouper toutes «les factions» des services, y compris la Gendarmerie nationale, un corps régi, en principe, par le ministère de la Défense nationale.
L’assassinat, l’année dernière, de Ali Tounis, le patron de la Direction générale de la sureté nationale (DGSN) est venu compliquer davantage les choses. «Il a totalement remis en cause ce qui devait être décidé comme mesures de changement et de réformes», explique-t-on. Le seul changement entrepris par Bouteflika est intervenu par la mise de fin de fonction du Général Nadjib qui avait une place bien en vue au sein du Conseil de sécurité.
«Si la réforme est inscrite noir sur blanc dans un document qui a été remis au chef de l’Etat, sa mise en oeuvre exigerait bien des sacrifices et engendrerait des distorsions dans les faits et actes devant en faire foi, des sanctions, des remplacements dont les conséquences ne seraient pas sans danger sur la stabilité du pays», estiment un haut responsable.
Décidé depuis quelques années, le super ministère de la Sécurité n’a pas encore été créé, les services de sécurité n’ont pas été réformés et Zerhouni a été changé de ministre de l’Intérieur en vice-Premier ministre. Mis à part sa participation dans les différentes réunions du Conseil des participations de l’Etat (CPE) dont les missions sont de décider des actions et des mesures au profit des entreprises du secteur public, Zerhouni garde, depuis sa résidence au sein du palais du gouvernement, tout près d’Ahmed Ouyahia, toute la discrétion qui sied à un personnage dont les accointances avec le chef de l’Etat datent, selon nos sources, de leur proximité au sein du MALG durant les années de la guerre de libération nationale.
Bouteflika a dû certainement en garder l’essentiel puisque c’est à lui qu’il a confié depuis le début des années 2000, dit-on, la restructuration des services de sécurité. Le double attentat kamikaze contre l’académie militaire interarmes de Cherchell vient rappeler à l’ordre ceux qui auraient pensé qu’il fallait laisser les choses en l’état pour ne pas provoquer et réveiller de vieux démons.
Ghania Oukazi