Terrorisme et trafic de migrants grèvent la crise libyenne: La voie minée du dialogue

Terrorisme et trafic de migrants grèvent la crise libyenne:  La voie minée du dialogue

Le meurtre de deux dignitaires du clan de Beni Oualid, vendredi dernier, est venu s’ajouter aux combats meurtriers qui opposent depuis deux semaines des groupes rivaux à Sabratha, faisant 26 morts et 170 blessés. Des faits préoccupants pour l’Algérie et les autres pays voisins.

Depuis le début de l’année 2016, la crise migratoire a explosé et, avec elle, la peur du terrorisme. Une hantise que les évènements successifs en France, en Belgique et en Allemagne ont malheureusement étayé. On se souvient qu’à l’époque, Interpol annonça que Daesh dispose de 250 000 passeports vierges syriens et irakiens, et que, grâce à ce sésame, 3 000 à 5 000 selon Europol, allaient intégrer les cohortes de migrants aux portes de l’Europe. De là à amalgamer ouvertement les flux migratoires et la menace terroriste, il n’y avait qu’un pas, allègrement franchi par certains pays de l’UE qui n’ont pas digéré le cavalier seul de la chancelière allemande Angela Merkel quand elle «invita» un million de Syriens, passant outre le visa Schengen. Le fait est que le phénomène a atteint une telle ampleur et que le flux s’est concentré dans la Libye voisine où le trafic est devenu une activité fort lucrative, au point de susciter une vive réaction du GNA de Fayez al Serraj mais aussi des autorités de l’Est. La forte recrudescence des candidats à l’immigration, après avoir déferlé sur les frontières grecques et bulgares, s’est orientée vers les côtes italiennes, via la Libye, au point que Rome a multiplié les doléances et les pressions pour obtenir un «droit de regard» sur les eaux territoriales libyennes. Frontex avait ainsi prévu en 2016 un doublement du nombre des migrants (Soudanais, Erythréens, Maliens et Somaliens) depuis les côtes libyennes vers les côtes européennes, soit 300 000 personnes. Environ 800 000 attendaient déjà en Libye, un nombre qui s’ajoute aux 6 millions de Syriens déplacés.

En 2017, les victoires sur Daesh, aussi bien en Irak et en Syrie qu’à Syrte et Sabratha, en Libye, ont déclenché un reflux de ses combattants vers leur pays d’origine mais aussi vers l’Europe. C’est ce qui a poussé le Club de Berne (alliance des renseignements européens), à mettre en garde contre des attaques simultanées dans plusieurs capitales européennes. L’Italie avait dès janvier 2017 mis la pression sur le GNA et sur les autorités de l’Est pour les amener à contrôler sévèrement le trafic à grande échelle qui s’est développé, principalement à Sabratha, d’où partent la plupart des embarcations de migrants. Haftar qui s’est rendu la semaine passée à Rome, après une visite officielle à Tunis, a remis à la ministre italienne de la Défense une liste de matériels de guerre (4×4, jumelles de visée nocturne, hélicoptères, etc.) pour accomplir la tâche de surveillance du Sud libyen mais il n’a obtenu que l’assurance d’une formation de quelques dizaines d’éléments aux exigences sécuritaires.

Il se trouve que la guerre contre le trafic de migrants a fait vendredi deux victimes, des dignitaires appartenant à un des clans majeurs du pays. En mission de bons offices pour apaiser les tensions entre bandes rivales, selon des tribus de la région, ils ont été mitraillés à leur retour vers Beni Oualid, à 180 km au sud de Tripoli. Le conseil social des tribus des Ouarfella a dénoncé l’assassinat du «cheikh Abdallah Nattat, chef du comité de réconciliation, du cheikh Khamis Isbaga et de leur deux accompagnateurs», aussitôt suivi par le GNA qui a ouvert une enquête et par le Parlement siégeant à Tobrouk. Le meurtre de ces deux dignitaires intervenait au moment où des combats meurtriers opposaient des groupes rivaux à Sabratha, faisant 26 morts et 170 blessés. Des faits préoccupants pour l’Algérie et les autres pays voisins.On le voit bien, la situation reste suffisamment complexe pour penser que la solution serait à portée de main. Le double périple effectué en avril-mai dernier par le ministre des Affaires étrangères Abdelkader Messahel dans la majorité des villes a constitué un temps nécessaire dans la stratégie de médiation conduite par l’ONU et par le Groupe des pays voisins. Si Daesh a été chassé de plusieurs cités comme Syrte et Sabratha, il n’en demeure pas moins que le trafic des migrants, aujourd’hui combattu par le GNA et par les autorités de l’Est, a servi de matrice reproductrice au terrorisme à visages multiples dont les visées concernent notre pays. Aussi, le travail diplomatique incessant ne peut-il être perçu comme un luxe ostentatoire car les enjeux sont primordiaux pour la paix et la sécurité de la sous-région. La réunion à Tunis, mardi dernier, de représentants des parties rivales libyennes a situé le degré de complexité de la tâche, l’objectif avoué étant de parvenir à un amendement «limité» de l’accord de 2015 pour calmer les ardeurs du maréchal Haftar, de Saleh Aguila, président de la Chambre des représentants et de Abderrahmane Sweihli, président du Conseil d’Etat, tout en maintenant une «légitimité» du GNA soutenu par les milices de Tripoli dont celles de Haythem Tajouri et de Abderaouf Kara. Un travail de longue haleine est donc encore à mener pour qu’une solution politique intervienne, objectif que l’Algérie poursuit, contre vents et marées, tout en apportant un soutien sans parti pris aucun à l’ensemble des parties engagées dans le dialogue inclusif, seule source de paix possible pour le peuple libyen.

Par