Terrorisme et raison d’Etat

Terrorisme et raison d’Etat

Onze militaires ont été tués le 19 avril dans un attentat perpétré en Kabylie. Cette attaque spectaculaire contredit le discours officiel présentant le pays comme un exemple dans la lutte contre le terrorisme et jette une ombre sur les capacités de l’armée.

L’insécurité en Algérie n’est toujours pas soumise au débat public. Le Parlement, en congé presque permanent, est incapable d’auditionner les responsables de l’Etat sur la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, dans un pays situé en zone instable. L’attaque terroriste du 19 avril à Iboudrarène, en Kabylie, repose avec acuité la question de la capacité d’une armée dotée de tous les moyens pour neutraliser une action violente de type terroriste, entraînée pour contrer l’insurrection et qui perd d’un seul coup une quinzaine d’hommes. Cela ressemble à un échec de la stratégie tant évoquée ces dernières semaines par le commandement de l’armée sur la lutte contre le terrorisme et le crime organisé.

Le 20 avril, le ministère de la Défense nationale a publié un bilan détaillé des opérations menées contre les groupes armés ces derniers mois. Une action de communication qui n’a pas grande utilité puisque le rôle de l’armée est de lutter contre les actions terroristes sans faire de publicité. Sinon, à quoi sert tout le matériel militaire acheté en masse à l’étranger, projetant l’Algérie à la place de premier client de l’industrie mondiale de l’armement en Afrique ? Dans le discours diplomatique, les autorités algériennes présentent le plus grand pays du continent comme un « exemple » dans la lutte contre le terrorisme. Alors, comment expliquer la faillite d’Iboudrarène ? Mauvais renseignement ? Erreur opérationnelle ?

Chantage et brigandage

Il faut bien qu’un haut gradé de l’armée donne des explications aux Algériens. N’a-t-on pas vendu, durant la campagne électorale, l’idée de la sécurité et de la stabilité pour maintenir l’ordre politique en l’état [la reconduction de Bouteflika pour un quatrième mandat à la tête du pays] ? N’a-t-on pas rappelé les années de sang en Algérie pour contrer les appels au changement politique ? Le gouvernement est resté silencieux sur l’attaque meurtrière qui a coûté la vie à une quinzaine de jeunes soldats dont on ne connaît ni le nom ni le prénom. Aucune photo des victimes n’a été publiée. Ces hommes en tenue ont-ils existé un jour ? Ou sont-ils réduits à un simple numéro de code ? Aucun message de condoléances n’est venu de la présidence de la République ou des services du Premier ministre pour atténuer la douleur des familles.

A l’insécurité urbaine, qui souligne les limites professionnelles de la police et de la gendarmerie à mettre hors d’état de nuire des groupes de truands de plus en plus organisés et protégés, vient donc s’ajouter la violence terroriste. En Kabylie, pour ne citer que cette région du pays, des kidnappings suivis de demandes de rançon se sont multipliés sans qu’un plan sécuritaire ne soit établi pour mettre fin à ces formes nouvelles de chantage et de brigandage. Idem pour les hold-up de plus en plus nombreux dans la région.

La mission obligatoire de l’Etat d’assurer la sécurité sur toute l’étendue du territoire national est-elle influencée par des calculs politiques étroits ? La question demeure posée, au moment où les hauts responsables du pays parlent à haute voix de menaces internes et externes sur le pays. Des menaces qui peuvent évoluer et prendre des formes ingérables si la population se sent abandonnée, oubliée.