Débordé par les dossiers qui restent en suspens et la multiplication des revendications sociales, le staff exécutif se trouve désormais dos au mur.
Le Premier ministre, lui, tend à travers ses déplacements et instructions à prendre le taureau par les cornes. Mais par quoi et par qui faut-il commencer ? L’ordre de ses priorités pourrait être chamboulé par le caractère urgent des problèmes qui se posent.
Dos au mur, c’est le mot qui convient le mieux pour illus-trer la situation critique dans laquelle se trouve tout le staff exécutif, réaménagé récemment par le chef de l’Etat. Et personne ne sait mieux que Abdelmalek Sellal, Premier ministre, combien la tâche est difficile pour lui et son équipe.
«Il y a du pain sur la planche», disait-t-il à la presse au lendemain de sa désignation à la tête du gouvernement. Une chose qui se confirme aujourd’hui vu les dossiers qui attendent des réponses claires de sa part. Sur le plan social, la pression ne retombe pas.

Il y a comme un caractère d’urgence. Le front social est en effervescence. Le chômage ne baisse pas, en témoignent les manifestations quotidiennes des jeunes chômeurs à travers le pays, notamment au Sud qui regorge d’énormes richesses naturelles.
Le taux de chômage touche un jeune sur cinq (22%), selon l’Office national des statistiques, alors que 70% des 37 millions d’Algériens ont moins de 35 ans. Le gouvernement doit répondre en urgence à ces impératifs.
La crise du logement n’a pas été désamorcée, malgré les différents programmes lancés par le Président Bouteflika. La désignation de Abdelmadjid Teboune à la tête du ministère de l’Habitat a donné, certes, un brin d’espoir aux demandeurs de logements à travers notamment la relance de la formule AADL, mais pour l’instant ce ne sont que des paroles en l’air.
Les promesses du ministre de «reloger tous les Algériens» est confrontée aujourd’hui à une demande pressante des citoyens. Des entreprises étrangères ont été appelées à la rescousse pour la construction de logements. A Bordj Bou-Arréridj, l’affichage d’une liste des bénéficiaires de logements sociaux a provoqué des émeutes. Sur le plan économique, l’Algérie n’a pas pu sortir de sa dépendance aux hydrocarbures.
L’économie, basée sur la rente des hydrocarbures (98% des exportations), est fragilisée par les soubresauts du pétrole à l’international. Les patrons attendent toujours les réformes économiques. Le Forum des chefs d’entreprise (FCE) vient justement de déplorer la non-application des engagements du gouvernement.
«Le gouvernement a exprimé clairement son intention de travailler à assainir l’environnement économique et légal de l’entreprise, mais il n’a pas encore pris la mesure des retards à combler, ce qui explique les lenteurs ou les obstacles de mise en œuvre sur le terrain».
C’est le constat global fait par le FCE dans le 4e rapport d’évaluation semestrielle de l’IFPE 40 (Indice du FCE pour la performance de l’entreprise algérienne), présenté avant-hier par Mouloud Hédir, économiste et conseiller au FCE.
Sur le plan économique toujours, le gouvernement aura à gérer un taux d’inflation très élevé. La pression inflationniste persiste (8,9% en 2012) et la Banque d’Algérie reconnaît son impuissance face à la désorganisation du marché. Et c’est le citoyen qui paye la facture de cette inflation galopante avec la flambée des prix qui en résulte.
SITUATION EXPLOSIVE DANS LE SUD
Dans le Sud algérien, la situation n’est guère reluisante. Bien au contraire, cette région du pays constitue aujourd’hui une source d’instabilité pour le pays au regard des problèmes qui sévissent sur tous les plans, social et sécuritaire.
La guerre au Mali et la récente attaque terroriste contre le site gazier de Tiguentourine (In Amenas) donnent à l’actuel gouvernement à réfléchir sur la meilleure manière de sécuriser nos frontières. En proie à tous les maux sociaux, chômage, exclusion sociale, misère, analphabétisme, le Sud menace aujourd’hui la stabilité du pays.
C’est le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, qui a lâché en premier cette bombe : un «groupuscule» qui vise à semer la division entre le nord et le sud du pays ! De quel groupuscule s’agit-il exactement ? Sellal ne donne pas d’autres détails. Mais il sait bien de quoi il parle. D’ailleurs, ces derniers temps il a mobilisé presque tous ses ministres pour s’occuper du Sud. Des ministres sont déployés sur le terrain.
Il y a urgence. Le gouvernement doit également gérer les conséquences de la guerre au Nord-Mali. En plus des réfugiés qu’elle doit prendre en charge, l’Algérie doit faire face aux infiltrations des groupes terroristes à nos frontières, fermées au lendemain de l’intervention militaire au Mali. Hier seulement, des Touareg et Arabes à Bordj Badji Mokhtar, à l’extrême Sud algérien, se sont affrontés.
A l’origine des tensions entre les deux communautés, l’aide apportée par des chefs de tribus arabes de Bordj Badji Mokhtar aux forces françaises engagées dans des opérations militaires au Nord-Mali et précisément dans les villes de Gao et Tombouctou, où des Touaregs ont été tués.
En représailles, les Touaregs ont empêché les membres des tribus arabes d’emprunter certaines routes situées sur leur territoire, provoquant de vives tensions entre les deux communautés. La question des Touaregs s’est compliquée après les deux guerres en Libye et au Mali.
Cela explique la position d’Alger vis-à-vis du conflit malien. Alger a toujours demandé à Bamako d’associer les Touaregs du nord dans le processus de négociations et de prendre en considération leurs revendications. Mais avant, il faut tout d’abord balayer devant sa porte. La balle est désormais dans le camp du gouvernement, appelé à redoubler d’efforts pour «sauver» cette partie de l’Algérie.
Mehdi Ait Mouloud