Elever un enfant autiste est un véritable parcours du combattant pour des parents guère préparés pour une telle épreuve. Mme Lamia M. nous fait découvrir ce monde «invisible» à travers son vécu de Mère courage. Suivons-là.
Il est passé le beau mois d’avril, mois de l’autisme. Il est passé et les autistes restent avec leurs souffrances et leurs problèmes, leurs handicaps et leurs troubles d’apprentissage ou de communication. Il passera sans doute onze bons mois avant de revoir des écrits sur le sujet, avant qu’on en parle de nouveau. Parler de cette minorité non visible, ces abandonnés du monde éducatif, ces Algériens différents et si négligés à cause justement de leur différence.
Mais qu’est-ce qu’on ressent quand on est parent d’un enfant autiste, TED (troubles envahissants du développement) ou souffrant d’un trouble moins connu comme le trouble de l’apprentissage? L’impuissance. Et la rage de ne pouvoir le guérir, la rage de l’indifférence des autres, la rage, la rage devant le mektoub. Pourquoi? Question vaine.
L’impuissance face à un enfant qui n’est pas comme les autres, qu’on n’arrive pas à élever comme ses frères et soeurs, un enfant qu’on a du mal à cerner, à comprendre ou à aider pour surmonter un mal qui nous est totalement inconnu. Alors, on commence à courir les généralistes et les spécialistes, à lire des milliers d’articles sur le Net et comparer pour auto-diagnostiquer notre enfant et on s’y perd. Et on rencontre des psychologues et pédopsychiatres, qui, en 20 minutes chrono vous annoncent le mot «autiste» en ne manquant pas de préciser que c’est irrévocable, que votre enfant ne sera jamais «normal».
Au lieu de vous encourager à accepter la différence de votre enfant et l’aider, ils vous expliqueront doctement combien vous avez failli à votre devoir de mère aimante et présente, et que le «cloisonnement» de votre enfant n’est qu’un juste résultat de votre honteux abondant émotionnel! On vous culpabilise à mort. Il ne vous reste que le suicide pour échapper à leurs blâmes.
Vous sombrez vous-même dans la dépression et la culpabilité et vous vous isolez à votre tour! Comme si l’isolement de votre enfant n’était pas suffisant à lui seul. Vous ne sortez pas indemnes d’une pareille culpabilisation.
Pour les plus aisés financièrement il y a la solution de l’étranger, partir pour comprendre, partir pour apprendre, certains abandonnent leur vie pour sauver celle de leur progéniture, et les autres restent et affrontent les vents et marées, entre psychologues, psychomotriciens, orthophonistes qui travaillent pour la majorité, chacun dans son coin ce qui n’est pas pour le bien de l’enfant, et prennent coup sur coup jusqu’au coup de grâce: la scolarisation! Ah! la scolarité, là on entend de tout: les classes spécialisées qui regroupent «les cas anormaux» toutes catégories confondues (les autistes, les trisomiques, les mongoliens, les attardés mentaux légers et/ou sévères, les TED et tous les troubles…) plutôt polyvalente la classe spécialisée! Si le trouble de votre enfant est sévère, vous allez vite apprendre à devenir professeur à domicile.
Pas d’autres choix. Et si le trouble est léger et qu’il est recommandé de scolariser l’enfant dans des classes normales, vous allez vous rendre très vite compte que vos craintes, que les autres élèvent, se moquent de votre enfant ou le malmènent, sont dérisoires face à des directeurs d’école qui vous annoncent que votre enfant n’est pas accepté, car il risque de déranger les autres.
Que votre enfant n’est pas normal et donc ne peut être dans un établissement «normal», que vous ne devez pas espérer une scolarisation! Que la présence d’une AVS (Auxiliaire de vie scolaire) c’est de la discrimination vis-à-vis des autres enfants et plein d’autres expressions plus meurtrières les unes que les autres.
Puis vous rencontrez de grandes personnes compréhensives et compétentes comme Mme Belaid, directrice, et Mme Nacer, de l’école Kateb-Yacine de Kouba, qui croient que chaque enfant mérite sa chance, qu’être diffèrent ne veut pas dire ne pas avoir sa place parmi les siens, deux femmes qui n’ont pas choisi la facilité dans la gestion commune de leur établissement scolaire de qualité mais aussi d’humanisme et de grandeur de coeur et d’esprit.
Mme Belaïd, une grande dame porteuse d’un message d’espoir: n’apprenez pas à vos enfants à réussir dans la vie, aidez les plutôt à réussir leur vie!
Elle a su trouver les mots de réconfort et soutien à des parents en déperdition, une femme qui a ouvert ses bras et son coeur avant d’ouvrir les portes de son école avec un réel soutien moral, matériel et pédagogique.
Fortement soutenue par Mme Nacer, elles ont réussi à elles deux à démontrer qu’au milieu du désespoir, de l’ignorance et d’une absence totale de prise en charge il y a quand même des gens qui y croient, qui se battent en silence et qui méritent ne serait-ce que le «merci» pour ce qu’elles font. Elles représentent l’Algérie qu’on aime. Et qu’on rêve!