Au djebel Boulegroune, dans la région de Souagui, au sud -est de Médéa. Nous sommes arrivés de nuit, Si Azzedine, malgré sa blessure, a organisé un rassemblement de tout le commando pour faire une réunion, avant de repartir les sentinelles de placer les fusils mitrailleurs sur la crête. Mohamed Bouldoum, Smain, des jeunes de Belcourt (Belouizdad) Tewfik Bouri, un fils de Blida, et d’autres combattants. Le 5 mars au matin, la pluie ne s’était pas arrêtée. Toute la nuit elle a grossi les torrents et détrempé le sol. Les soldats ennemis, comme s’ils nous avaient repérés, sont passés, aux environs de 6h, à l’offensive.
Vigilants, Hocine Kouar et Beryanou, de son vrai nom Ali Yahi, postés en sentinelles sur les contreforts montagneux, donnent l’alerte. Leurs fusils jappent. Il n’en faut pas plus pour que le commando passe à l’action. Il accepte l’escarmouche, mais se méfie de l’accrochage. Les forces adverses sont en nombre et le combat tournerait vite en leur faveur. Ils viennent de partout, de Champlain, d’Aïn Bessam, de Thlata djouab, de Bousken, ils se déploient en éventail qui va bientôt nous encercler. Bientôt, l’artillerie enflamme le ciel et fait trembler le sol. Le ciel s’étant dégagé, l’aviation se met de la partie et noie la zone sous des gerbes de napalm dont l’odeur après et la chaleur démoniaque vous brûles à distance. Nous étions jeudi. Un jeudi noir. Si Abdelaziz, qui avait été promu l’avant-veille au grade de capitaine, ainsi que les deux frères Kartali qui vont tomber héroïquement au champ d’honneur, le commandant Si Lakhdar, gravement touché, gisait sur un brancard de fortune. Si Azzedine, en plus de sa blessure de la veille, a reçu neuf éclats d’obus au niveau des reins. Nous avions décroché vers 17 h, la nuit tombante et le temps orageux ont considérablement favorisé notre repli vers Ouled Znim. Dans notre retraite, nous avons été surpris par une embuscade tendue par une unité de Chérif ben Saidi et son adjoint Hama, des ralliés très dangereux, car ils connaissaient aussi bien le terrain que nos techniques de combat.
Mais l’affrontement a rapidement tourné à notre avantage et le commando a vite fait de les mettre en déroute.
Nous atteignons Oued Znim où Si Lakhdar a vitement été installé dans une maison pour recevoir des soins, à son chevet Si Azzedine et Si Abdenour. Dans son délire, notre commandant réclamait sa carabine : « Si Azzedine, recommandait-il avec insistance, surtout ne me laisse pas tomber entre les mains de l’armée française !».
Son ami porta la main dans le dos pour le mettre un peu plus à l’aise. C’est alors qu’il senti des gros caillots de sang qui s’étaient coagulés. Azzedine leva les yeux vers Abdenour. Le regard échangé par les deux hommes en disait long sur l’état de Si Lakhdar. Dans un soupir rauque, le héros rendit son âme. Pour tous ses compagnons du commando, il avait été envoyé à l’infirmerie de zone pour des soins.
En vérité, Si Lakhdar fut enterré vers 3h ou 4 h du matin dans la plus grande discrétion, loin des regards des djounoud, dans le jardin d’un villageois.
Cependant, celui-ci, redoutant une perquisition de l’armée d’occupation, a pris l’initiative de le déterrer et de l’inhumer de nouveau loin de chez lui, sur la berge de la rivière qui coulait plus bas. Mais le soir venu, le mauvais temps persistant, le même paysan, craignant cette fois une crue de la rivière, a décidé de retirer le cadavre pour l’ensevelir à l’endroit où il repose jusqu’à présent.
Après l’enterrement de notre commandant Si lakhdar à Ouled Znim, nous nous sommes rendus à Ouled Bouachra où tombera, quelque temps plus tard, le colonel Si M’Hamed Bougara. Ce dernier a été très affecté par la mort de si Lakhdar.
Les survivants de cet accrochage sont :
Zerari Rabah (commandant Azzedine) – Abdelkrim Chouiet- Ali Yahi dit Berianou- Kouar – Hocine-Bedja mohamed dit Bedja – Ahmed Dira – Blidi Mustapha.
Blidi Mustapha
Membre du commando Ali-Khodja